Environnement

Avons-nous vraiment sauvé la couche d’ozone ?

Selon un rapport récent, la couche d’ozone devrait s'être reconstituée au-dessus de la majorité du globe d’ici le milieu du XXIe siècle, grâce à l'interdiction des gaz qui la détruisaient. Mais certains problèmes subsistent…

Pour ne rien manquer de Pour La Science, inscrivez-vous à nos newsletters (gratuites)

Dans les années 1980, un « trou » dans la couche d’ozone – en réalité une zone très appauvrie en ozone – était découvert à quelques dizaines de kilomètres au-dessus de l’Antarctique. La couche d’ozone est dégradée par des gaz regroupés sous le terme SAO (substances appauvrissant l’ozone), au premier titre desquels figurent les chlofluorocarbures (CFC). Le protocole de Montréal a été adopté en 1987 pour limiter les émissions de SAO. Sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale et du Programme pour l’environnement de l’ONU, quelque 300 chercheurs ont aujourd'hui évalué son efficacité et rendu public le 10 septembre dernier un rapport résumé à l’attention des décideurs. Ce rapport conclut que la couche d’ozone devrait retrouver son épaisseur des années 1980 d’ici le milieu du siècle sur la plus grande part de la planète (un peu plus tard pour l’Antarctique), mais que certains remplaçants des SAO risquent d’exercer un effet de serre important.

La couche d’ozone nous protège des rayonnements ultraviolets et il est donc essentiel de la préserver. Les SAO, qui comprennent un certain nombre de gaz contenant du chlore ou du brome, servent notamment de fluides réfrigérants ou de solvants pour le nettoyage à sec. Plus de 190 pays ont ratifié le protocole de Montréal, qui prévoit de réduire fortement ou de supprimer les émissions de ces gaz destructeurs d'ozone.

Pour évaluer l'efficacité de ces mesures, les chercheurs se sont fondés sur un mélange de mesures et de simulations. Les mesures ont été effectuées depuis des stations au sol, des avions de haute altitude (volant jusqu’à 20 kilomètres environ), des ballons montant jusque dans la stratosphère (entre 12 et 60 kilomètres d'altitude) et des satellites. Elles ont servi à reconstituer l'abondance locale et globale d’ozone et des SAO, ainsi qu'à calibrer les modèles atmosphériques simulant l'évolution de la couche d’ozone.

Les conclusions de l'étude sont mitigées. D’un côté, la concentration des SAO contrôlés par le protocole de Montréal a notablement décru : elle serait aujourd’hui 10 à 15 pour cent plus faible qu’au moment de leur pic de concentration, dans les années 1990. En outre, l’épaisseur de la couche d’ozone s’est stabilisée depuis les années 2000 – ce qui confirme les conclusions d’un précédent rapport publié il y a quatre ans – et elle devrait bientôt se mettre à augmenter. Le trou au-dessus de l’Antarctique continue de se manifester chaque printemps, mais il devrait finir par disparaître au cours de la seconde moitié du XXIe siècle.

Les chercheurs soulignent par ailleurs que l’évolution de la couche d’ozone sera influencée par les émissions de gaz tels que le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et le méthane (CH4). Ces gaz exercent divers effets, parfois contradictoires : ils interagissent par exemple avec les autres composés chimiques de la stratosphère, conduisant tantôt à la destruction tantôt à la formation d'ozone. Cependant, ces effets ne devraient pas remettre en cause la reconstitution de la couche d’ozone, selon Slimane Bekki, du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS, CNRS/UVSQ/UPMC), qui a participé à l'étude.

D’un autre côté, le problème des SAO n’est qu’à moitié résolu. En effet, certains de leurs remplaçants, s'ils sont inoffensifs pour la couche d’ozone, sont en revanche de puissants gaz à effet de serre : ils ont un pouvoir réchauffant voisin de celui des gaz auxquels ils se substituent et plusieurs milliers de fois supérieur à celui du CO2 ! C'est le cas par exemple des hydrofluorocarbures (HFC). Leur concentration dans l’atmosphère est pour l'instant assez faible, mais leur émission croit de 7 % par an. En 2050, l'effet des HFC sur le climat pourrait être équivalent à l'émission d’environ 9 gigatonnes de CO2 par an. À cette date, le stock de HFC (présent dans divers appareils, dépôts et décharges) devrait représenter l’équivalent de 65 gigatonnes de CO2. Par comparaison, les émissions anthropiques de CO2 dues aux carburants fossiles et aux activités industrielles étaient d'environ 32 gigatonnes par an en 2010.

Par conséquent, les chercheurs estiment qu’en 2050, l’essentiel des bénéfices du protocole de Montréal en termes d’effet de serre seront perdus. Il serait ainsi souhaitable de remplacer les HFC par des gaz à faible effet de serre (déjà disponibles pour certaines applications), tels les hydrorofluoro-oléfines (HFO). Mais les effets à long terme des produits de dégradation de ces gaz restent à préciser…

guillaume-jacquemont
Guillaume Jacquemont

Guillaume Jacquemont est rédacteur à Cerveau & Psycho.

Voir tous ses articles
Références

Résumé à l'attention des décideurs de l'évaluation du Protocole de Montréal, sur le site de l'Organisation météorologique mondiale

Sur le même sujet

Numéros sur le même sujet

Thèmes

Retour en haut de page

En kiosque actuellement