Tribune. Tous les feux clignotent à l’orange pour l’avenir de notre planète. Le scénario du pire ne peut plus être écarté, et la responsabilité des scientifiques est grande pour aider à construire des trajectoires de développement qui préservent notre avenir commun. Comment nourrir de façon saine et durable une population de près de 10 milliards de personnes en 2050 sans étendre les surfaces agricoles mondiales, tout en respectant simultanément les objectifs d’atténuation du changement climatique et de protection de la biodiversité ?
Quatorze régions du monde
Pour répondre à cette question et éclairer les décideurs, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont conduit durant quatre ans une démarche prospective avec une centaine d’experts pour construire, à partir de faits avérés, cinq scénarios d’évolution possible des usages des terres dont les conséquences ont été évaluées pour quatorze régions du monde. Ces scénarios nous font découvrir des avenirs menaçants mais dessinent aussi une voie étroite et praticable vers la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous dans un environnement préservé.
Le premier scénario, intitulé « Des usages des terres pilotés par la métropolisation », est le prolongement des tendances à l’œuvre. Dans un contexte de développement porté par les forces du marché, la population vivant dans des mégapoles consomme de plus en plus de produits transformés et de viande issus d’une agriculture intensive en ressources. Peu d’efforts sont faits pour atténuer le changement climatique, car on imagine qu’une solution sera un jour trouvée pour contrer ses effets. En 2050, la sécurité nutritionnelle est dégradée (surpoids, obésité, maladies liées à l’alimentation), les ressources naturelles sont détériorées et les inégalités économiques et spatiales accrues.
Dans le deuxième scénario, « Des usages des terres pour des systèmes alimentaires régionaux », des accords limitent les échanges entre grandes régions du monde ; le développement de villes moyennes est lié à celui des zones rurales et mène à l’émergence de systèmes alimentaires fondés sur une agriculture familiale et des régimes alimentaires traditionnels. Les gains pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle se font au prix d’une expansion significative des superficies agricoles mondiales et au détriment de la biodiversité.
Le troisième, « Des usages des terres pour des ménages pluriactifs et mobiles », dépeint, dans un contexte de mobilité forte entre zones rurales et urbaines et de développement d’acteurs non étatiques, la mise en place de régimes alimentaires basés à la fois sur des filières traditionnelles et modernes, des fermes familiales et des coopératives. En 2050, la sous-nutrition a diminué, mais, en l’absence de cadre régulateur, la malnutrition et la surnutrition demeurent. Les deux derniers scénarios impliquent des ruptures importantes avec les tendances actuelles.
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