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GUIDE DES 100 MESURES

POUR LRADICATION
DES VIOLENCES
LENCONTRE DES FEMMES
& DES PETITES FILLES
Table
de matires

4 Avant-propos: Pourquoi ce guide ?

6 Introduction : Le contexte de llaboration de la loi


organique relatif lradication des violences lgard des
femmes : processus militant et dfis

Les 4 PILIERS & 100 MESURES pour lradication des


violences lencontre des femmes et des petites filles

10 P. comme Prvention
30 P. comme Protection
42 P. comme Prise en charge et accompagnement
54 P. comme Pnalisation

72 Conclusion: Lradication des violences lencontre des


femmes, un pas vers la dignit, lgalit, la justice sociale, la
paix et la dmocratie.

Acronymes
74
Glossaire
Avant-propos: Pourquoi ce guide ?

Un projet de loi organique relatif lradication des


violences lgard des femmes a t adopt le 13 juillet
2016 par le Conseil des ministres et dpos le 27 juillet
2016 lAssemble des reprsentants du peuple (ARP)1

Ladoption du projet de loi organique constituerait une avance majeure


pour lradication des violences faites aux femmes et pour faire avancer
les droits humains des femmes en Tunisie. Cette loi, une fois adopte par
le parlement (ARP) sera un autre acquis des femmes tunisiennes qui ont
marqu le processus rvolutionnaire et qui continuent par leur vigilance
citoyenne contribuer la russite de la transition. Le cheminement vers
la dmocratie et la justice sociale ne peut se raliser sans leur participation
et sans la volont dinscrire lgalit des hommes et des femmes dans la
loi, les pratiques et dans les mentalits.

Afin dapporter sa contribution aux dbats soulevs par ce projet, lATFD


avec le soutien de la FIDH et dans le cadre du programme Consolider la
mobilisation de la socit civile tunisienne dans la promotion des droits
humains et des rformes dmocratiques , propose ce guide comme
support de plaidoyer pour son adoption.

Il est le fruit de dcennies de rflexion, daccompagnement des femmes


et dinterventions auprs des institutions et des responsables, que lATFD a
men en se fondant sur une approche fministe inclusive, considrant que
toute citoyenne et tout citoyen a le droit de vivre en scurit et en paix et de
jouir de tous ses droits humains.

Ltat en est le garant, conformment la constitution tunisienne de


2014 et aux conventions internationales ratifies par la Tunisie.

1
http://www.arp.tn/site/servlet/Fichier?code_obj=94555&code_exp=1&langue=1
5

Avant-propos
La lutte contre les violences faites aux femmes a toujours constitu lun
des axes majeurs de la rflexion et de laction de lATFD. Celle-ci a t
pionnire dans ce domaine et a influenc les politiques, la lgislation, la
jurisprudence, les mdias, lopinion publique, la socit civile, les corps
de mtiers et les femmes tunisiennes. Lexprience de son Centre
dcoute et dorientation des femmes victimes de violences (CEOFVV) est
unique. Cr en 1993, le centre a pu surmonter toutes les contraintes et
les difficults du contexte pour simposer comme projet pilote et constituer
une rfrence de bonnes pratiques dans la gestion du phnomne des
violences lgard des femmes.

Ainsi, les luttes menes par lATFD et ses partenaires de la socit civile
qui se sont mobiliss pour une loi intgrale contre les violences lencontre
des femmes et des petites filles ont notamment abouti ladoption de
ce projet de loi organique pour lradication de la violence lgard des
femmes.

Le soutien apport par la FIDH dans ce projet vient confirmer encore une
fois que les violences lencontre des femmes constituent des atteintes
graves aux droits de la personne.

En plus des dcideurs, ce guide sadresse aux associations, aux


militantes et militants des droits humains, aux institutions, aux mdias, et
lensemble de lopinion publique pour que leurs interventions, la prise en
charge des victimes et le traitement du phnomne des violences soient
efficaces et tiennent compte du fait que les femmes victimes de violence
sont des citoyennes part entire, quelles ont le droit la scurit,
lgalit, la libert et la dignit.
Le Contexte de llaboration de la
loi organique relative lradication
des violences lgard des femmes :
processus militant et dfis

Le contexte daujourdhui est caractris par deux tendances


contradictoires. Il existe dune part une multitude dintervenants
intresss par la question des violences lgard des femmes aussi bien
du ct officiel que du ct de la socit civile, des faiseurs dopinions et
dune dynamique sociale citoyenne. Dautre part, le contexte est aussi
marqu par la recrudescence de la violence lencontre des femmes et
des petites filles qui risque de saggraver en raison dun environnement
de crises et de conflits (politiques, scuritaires, conomiques et sociaux)
lchelle nationale, rgionale et internationale. Lenqute nationale de 2010
est alarmante: elle estimait quau moins 47% des femmes tunisiennes
avaient subi au moins une forme de violence au cours de leur vie. Une autre
enqute mene par le Centre de Recherches, dEtudes, de Documentation
et dInformation sur la Femme (CREDIF), en 2016, sur les violences subies
dans lespace public montrait que leur ampleur est encore plus grave
quenvisag en 2010. En effet, entre 2011 et 2015 prs de 53% des femmes
sont victimes de violences dans lespace public et prs de 8 femmes sur
10 subissent des violences sexuelles, en particulier dans les transports
publics2.

Suite aux diffrentes campagnes et actions de plaidoyer national et


international, menes par lATFD et lexamen des rapports officiels de
la Tunisie sur lapplication de la Convention de llimination de toutes
les formes de discrimination lgard des femmes (CEDAW) suivi par la
prsentation des rapports alternatifs de lATFD avec le soutien de la FIDH

2
CREDIFF, La violence fonde sur le genre dans lespace public en Tunisie, Tunis 2016. http://www.
credif.org.tn/index.php?option=com_content&view=article&id=226:resume-etude-violence-fondee-
sur-le-genre-dans-l-espace-public-en-tunisie&catid=23:news-du-credif&Itemid=110&month=5&-
year=2016&lang=fr
7

Introduction
(en 2002 et en 2010)3, le Comit CEDAW, a exhort ltat tunisien prendre
les mesures ncessaires pour protger les femmes des violences quelles
subissent.

En outre, depuis ladoption de la loi intgrale contre les violences de


genre en Espagne (2004) la revendication dune loi pour la protection des
femmes et des filles contre les violences en Tunisie, a suscit un grand
intrt de la part des associations fministes, des organisations de droits
humains, des mdias mais aussi des ministres ou secrtariat dtat de
la femme , surtout aprs la rvolution.

La libration de lespace public depuis la rvolution a aliment la


dynamique de lutte contre les violences lgard des femmes. Ainsi, des
centres dcoute et daccompagnement de femmes victimes des violences
ont t ouverts dans les rgions, des dbats tlviss et radiophoniques
ont t organiss. Des ptitions, des manifestations loccasion de cas
de harclement sexuel, de viols ou de meurtres, des sit-in de solidarit
et la prsence solidaire dans les procs intents contre les agresseurs se
sont multiplis. Quelques centres dhbergement ont t galement mis
en place.

Dans ce contexte, lATFD a t frquemment sollicite en raison de


sa longue exprience et de lexpertise de ses militantes en matire de
violences et de discrimination contre les femmes. En effet, il y a encore
beaucoup faire au niveau de la formation, de la sensibilisation et de la
prise en charge des victimes de violences et plus gnralement au niveau
de la comprhension du phnomne et de la gravit de ses consquences
sur la victime, son entourage, mais aussi sur la socit toute entire en
terme de scurit et de cots, notamment de sant publique. On peut
galement constater beaucoup damalgames, de confusions, des approches
diffrentes allant de lassistance caritative au buzz des missions
de tlralit, aux jugements moralistes et aux discours banalisant et
lgitimant les violences contre les femmes. Ces ractions inadquates,
souvent machistes, lgard du phnomne des violences lencontre des
femmes ncessitent de clarifier un certain nombre dlments:
3
Pour ce qui est du rapport prsent par lATFD, la LTDH et la FIDH en 2002.
Les violences lencontre des femmes ne sont pas une question prive
mais un phnomne de socit. Il faut donc un dbat de socit, impliquant
le public et la classe politique dans le respect de la vie prive des victimes.

Les violences lencontre des femmes ne peuvent pas concerner


seulement les associations des droits des femmes ou quelques corps
de mtier (polices, juges, mdecins, travailleurs sociaux etc.). Il sagit
dimpliquer les diffrentes institutions de lEtat, la socit civile et tous les
corps de mtier pertinents.

Conformment aux analyses, recherches et approches des fministes


en Tunisie et partout dans le monde, aux instruments internationaux
pertinents, lATFD adopte une analyse des violences lencontre des
femmes conjuguant trois dimensions fondamentales:

> les violences lencontre des femmes sont une manifestation de


loppression patriarcale et lexpression ultime des discriminations
fondes sur le sexe
>> les violences lencontre des femmes sont des atteintes graves
aux droits de la personne et entravent la jouissance de lgalit, la
scurit, la libert, lintgrit et la dignit.
>>> Les violences lencontre des femmes sont un phnomne de
sant publique.

Le dbat entre la socit civile et les institutions tatiques, durant tout


le processus dlaboration du projet de loi organique de lutte contre les
violences faites aux femmes, a t marqu par une nette opposition entre
conservateurs et progressistes. Dun ct, les associations se rfrant
aux principes universels des droits humains et partant du principe que
les violences contre les femmes sont une cause et une consquence des
discriminations quelles subissent, voulaient une loi intgrale incluant
labolition de toutes les formes de discrimination lencontre des femmes.
Ce qui signifiait labrogation de toutes les lois discriminatoires (code du
statut personnel, code pnal, code du travail...). Elles voulaient aussi
que les mesures prendre soient globales et incluent: la prvention,
la protection des victimes et leur prise en charge, les poursuites et la
9

Introduction
pnalisation des auteurs, ainsi quune politique intgre, cest--dire
une coordination entre tous les intervenants publics et entre ceux-ci et la
socit civile. Le ministre de la femme, sous linfluence des conservateurs
a exclu la rforme des lois discriminatoires du projet de loi. Le ministre
savait, il est vrai, quun projet de loi comprenant ce volet rforme des
lois discriminatoires, en particulier celles relatives au Code du Statut
Personnel et les discriminations dans lhritage, aurait peu de chances
dtre adopt par le parlement.

La crise et le manque de communication entre la socit civile et le


ministre a retard llaboration du projet de loi, mais la mobilisation de
la socit civile a permis de sensibiliser diffrents acteurs (politiques,
parlementaires, ministres, mdias, artistes etc.) ce qui a enrichi le dbat
public autour de cette question, et a fini par ladoption du projet de loi par
le gouvernement.

Aujourdhui, un plaidoyer pour ladoption du projet de loi simpose


dautant plus que la conjoncture est favorable. Les dbats dclenchs
autour daffaires mdiatises de viols de mineures ( Kairouan et au Kef,
notamment) dvoilent certes ltat dune opinion publique conservatrice
dans tout ce qui se rapporte la sexualit, de mme que le poids de la
misre et linefficacit des institutions tatiques, mais ils rvlent aussi
la mobilisation de nombreux citoyens et citoyennes contre limpunit des
violeurs des petites filles, lincohrence et linsuffisance de la lgislation
et la ncessit de lharmoniser avec la Constitution et les conventions
internationales dment ratifies par ltat tunisien.

Cette conjoncture montre que pour liminer le phnomne des violences


lencontre des femmes, il est ncessaire dadopter des politiques
intgres, des stratgies multisectorielles et de mettre en uvre des
mcanismes mixtes et efficaces alliant gouvernement et socit civile.

Prendre des mesures pour mettre fin aux violences lencontre des
femmes ne peut concerner un intervenant plus quun autre. Toute mesure
favorisant lgalit, la reconnaissance des droits humains pour chaque
individu, le respect des liberts publiques et individuelles, la justice, la paix
et la scurit des tres humains ne peut que consolider cette dmarche.
11

Prvention
Les 4 PILIERS & 100 MESURES pour
lradication des violences lencontre
des femmes et des petites filles

Les premires rponses tendant combattre les violences lgard des


femmes ont t essentiellement pnales et rpressives. Cette riposte ne
peut seule radiquer les violences contre les femmes car celles-ci trouvent
leur origine dans les strotypes, les comportements et les reprsentations
sociales fonds sur le patriarcat et la domination masculine. Cest donc aux
causes profondes de la violence quil faudrait sattaquer et non seulement
ses manifestations et consquences. A cet effet, une approche globale
et plus efficace devrait tre adopte dans la lutte contre ce flau. Cette
approche devrait englober des mesures prventives qui sattaquent aux
causes et justifications des violences.

Les mesures de prvention sont donc ncessaires afin dempcher la


violence davoir lieu car aujourdhui on le sait:

> La violence tue

>> La violence a un cot

>>> La violence a des squelles sur les femmes, les enfants et


toute la socit.

Tous les instruments internationaux, depuis la CEDAW jusquaux


rsolutions du Conseil de scurit de lONU considrent que les violences
contre les femmes constituent une vritable pandmie et quelles sont les
causes et les consquences de lingalit en droit et dans les faits entre les
hommes et les femmes. Le Conseil de scurit de lONU a pris plusieurs
rsolutions propos des conflits arms, des priodes post-conflits et des
priodes de transition politique. Il sagit des rsolutions 1325 (2000), 1820
(2008), 1888 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013). Ces diffrentes
rsolutions ont abouti la prise en considration des violences sexuelles
dans les priodes de conflits de post-conflits et de transition politique.
Certains mcanismes internationaux, dont la Convention dIstanbul,
exhortent les Etats prendre des mesures concrtes afin de prvenir
contre les violences lgard des femmes et depromouvoir les
changements dans les modes de comportement socioculturels des
femmes et des hommes en vue dradiquer les prjugs, les coutumes,
les traditions et toute autre pratique fonds sur lide de linfriorit des
femmes ou sur un rle strotyp des femmes et des hommes .

cet gard, les Etats sont encourags adopter des lgislations plaant
la prvention de la violence lgard des femmes au premier rang des
priorits et prvoyant des dispositions visant empcher cette violence.

En Tunisie, la prvention de la violence devrait passer par deux vecteurs


essentiels. Le premier serait de consolider un cadre lgislatif respectueux
de lgalit et de la non-discrimination et le deuxime consisterait en
linclusion de dispositions lgales dans la loi organique pour lradication
des violences contre les femmes engageant les autorits publiques et le
secteur priv prendre des mesures prventives contre la violence et la
discrimination.

Mesure 1/
Renforcer les droits humains des femmes par la ratification des conventions
rgionales et internationales:
> Lever la rserve gnrale sur la CEDAW
La Tunisie a ratifi la convention Internationale sur llimination de
toutes les formes de discrimination lgard des femmes (CEDAW) en
1985 et son protocole facultatif en 2008.

La Tunisie a formul des rserves gnrales et spciales lencontre de


certaines dispositions de cette convention, (articles 9,15, 16 et 29) quelle
a leves en 2011, lexception de la Dclaration ou rserve gnrale
visant ne pas prendre des dispositions juridiques qui vont lencontre
de larticle premier de la Constitutionselon lequel : La Tunisie est un
13

Prvention
tat libre, indpendant et souverain, sa religion est lIslam, sa langue
larabe et son rgime, la Rpublique.

Le maintien de cette rserve visant clairement le rfrent religieux


traduit une rsistance lgalit et une obstination maintenir les
discriminations lgard des femmes. Une interprtation positive de
larticle 1 en harmonie avec larticle 2 qui consacre la nature civile de
ltat permet de rejeter la lecture que lIslam est la religion de ltat

> Ratifier le protocole la charte Africaine des droits de lhomme et des


peuples, relatif aux droits de la femme en afrique:
La Tunisie a sign le protocole la charte africaine qui comprend des
dispositions relatives la lutte contre les violences lgard des femmes
relatif aux droits des femmes sans le ratifier.

> Ratifier la convention dIstanbul pour la prvention et la lutte contre les


violences lgard des femmes et la violence domestique:
La Convention du Conseil de lEurope sur la prvention et la lutte contre
la violence lgard des femmes et la violence domestique est lun des
rares instruments internationaux contraignants en matire de lutte
contre les violences sexistes et il est ouvert aux pays tiers, cest--dire
non membres du Conseil de lEurope. La Tunisie peut donc la ratifier.
La Convention met la responsabilit de la lutte contre les violences
sur ltat principalement qui doit sengager prendre les mesures de
prvention, de protection des victimes, de poursuite des auteurs. Il doit
mettre en uvre des politiques intgres faisant participer tous les
intervenants (police, justice, sant, affaires sociales etc..). La Convention
considre que la violence est exerce sur les femmes parce quelles sont
des femmes.

> Ratifier les conventions de lOrganisation international du travail (OIT):

La Convention de lOIT n156 sur les travailleurs ayant des responsabilits


familiales de 1981 qui recommande de tenir compte des besoins des
travailleurs ayant des responsabilits familiales dans lamnagement
des collectivits, locales ou rgionales
et de
dvelopper ou
promouvoir des services communautaires, publics ou privs, tels que
des services et installations de soins aux enfants et daide la famille
(article 5).

La Convention de lOIT n183 sur la protection de la maternit de 2000,


par lallongement du cong de maternit pour quil soit, dans le priv
et le public de 14 semaines au moins et que les soins prnataux, de
laccouchement et des soins post-nataux soient entirement pris en
charge par la scurit sociale.

La convention de lOIT n189(2011) relative aux travailleuses et


travailleurs domestiques: Plus de 80% des travailleurs domestiques
sont des mineures et des jeunes filles, beaucoup dentre elles subissent
des formes diverses de violences et dexploitation. Malgr linterdiction
du travail des enfants en Tunisie et la ratification de la convention n
182 de lOIT plusieurs mnages emploient encore des filles mineures
venues de rgions dfavorises et dont le salaire trs rduit est vers
directement au pre4.

Mesure 2/
Abolir les discriminations lgales:
Larticle 21 de la Constitution du 27 janvier 2014 vient reconnaitre les
principes dgalit et de non-discrimination entre les citoyennes et les
citoyens. Cette confirmation devrait conduire llimination de toutes
les discriminations dans les lois et dans la pratique. Pour se faire, il est
ncessaire aujourdhui de:

> Rviser les lois pour quelles soient en harmonie avec les dispositions
constitutionnelles,

> Introduire dans la lgislation tunisienne une dfinition de la


discrimination telle que prconise par les mcanismes internationaux
des droits humains des femmes en particulier par larticle premier
de la CEDAW: Aux fins de la prsente Convention, lexpression
discrimination lgard des femmes vise toute distinction,
4
Une loi pour la rpression de la traite des tres humains en particulier des femmes et des enfants a t
adopte par le Parlement en 2016. Elle prvient et rprime notamment lexploitation conomique des
femmes et des enfants.
15

Prvention
exclusion ou restriction fonde sur le sexe qui a pour effet ou pour
but de compromettre ou de dtruire la reconnaissance, la jouissance
ou lexercice par les femmes, quel que soit leur tat matrimonial, sur la
base de lgalit de lhomme et de la femme, des droits de lhomme et
des liberts fondamentales dans les domaines politique, conomique,
social, culturel et civil ou dans tout autre domaine,

Mesure 3/
Eliminer les discriminations dans le code du statut personnel (CSP):
> Abolir la dot
Bien que symbolique, le maintien de la dot demeure une condition de
consommation du mariage dans la mesure o larticle 13 dispose que:
Le mari ne peut, sil na pas acquitt la dot, contraindre la femme la
consommation du mariage. Cet article incite la violence en laissant
entendre que, sil a acquitt la dot, le mari peut contraindre la femme
la consommation du mariage, et lgalise ainsi le viol conjugal.

> Abolir la qualit de chef de famille du mari


Il faudrait amender larticle 23dernier alinadu CSP. Cet article instaure
une hirarchie entre les deux poux en prvoyant que: Le mari en tant
que chef de famille, doit subvenir aux besoins de son pouse et des
enfants dans la mesure de ses moyens et selon leur tat dans le cadre
des composantes de la pension alimentaire.
Chef de famille, il fixe le domicile conjugal. La femme qui le quitte sans
son autorisation est en tat de nouchouz, insubordination. Son mari
peut alors demander et obtenir le divorce pour faute, conformment une
jurisprudence constante et ce, malgr labolition du devoir dobissance
de la femme en 1993.

> Instituer une autorit parentale partage


Durant le mariage, cest le pre qui est le tuteur de lenfant. La femme
jouit de ce statut titre exceptionnel et ce en vertu de larticle 154 du
CSP: Le pre est le tuteur de lenfant mineur et, en cas de dcs ou
dincapacit du pre, cest la mre qui en est tutrice lgale.
Abroger cet article afin dinstituer lautorit parentale partage
contribuera instaurer une distribution galitaire des rles entre les
poux.

> Attribuer les mmes conditions de la garde des enfants aux deux parents
Dans le cas dun deuxime mariage, gnralement le pre ne perd pas
son droit de garde, ce qui nest pas le cas pour la mre. Cette ingalit
devrait tre limine.

Amender larticle 23 du CSP pour instaurer lgalit dans la direction et la


gestion de la famille sur tous les plans y compris les tches mnagres
qui incombent gnralement aux femmes suivant les us et coutumes
voqus par cet article.

> Garantir lgalit dans lhritage


Inspire de la Charia, la rgle est la suivante: galit de rang, les
femmes hritent moins que les hommes. Ainsi, titre dexemple,
lhritier de sexe masculin a une part double de celle attribue un
hritier de sexe fminin(article 103 CSPalina 3 ). La veuve hrite du
tiers dfaut denfants (article 107CSP) alors que le veuf hrite, dans la
mme hypothse de la moiti (Article 101).

LATFD a lanc sa campagne pour lgalit dans lhritage en 2000 et, une
proposition de loi est actuellement en discussion au Parlement pour une
galit dans lhritage, titre facultatif.

> Garantir la libert de mariage par labrogation de la circulaire interdi-


sant le mariage de la tunisienne avec un non musulman
Une circulaire du Ministre de la justice de 1973 interdit aux officiers de
ltat civil de clbrer un mariage entre une tunisienne musulmane et
un non musulman et demande aux juges dannuler les mariages faits
sans le respect de cette condition dislamit. Cette circulaire devrait
tre abroge puisquelle contrevient le code du statut Personnel qui ne
comprend aucun empchement dordre religieux au mariage, larticle 6
de la Constitution garantissant la libert de conscience et les Conventions
17

Prvention
Internationales dment ratifies par la Tunisie dont la CEDAW (article 16
relatif lgalit dans le mariage et la famille).

Mesure 4/
Eliminer les discriminations dans le Code de la Nationalit:
Mme si le code de la nationalit a t modifi en 2010 pour reconnaitre
les mmes droits doctroi de la nationalit aux enfants pour le pre et la
mre (article 6), il nen demeure pas moins que la ligne paternelle reste
prdominante quand il sagit de lattribution de la nationalit en raison de
la natalit en Tunisie puisque larticle 7 du code de la nationalitdispose
que: Est tunisien, lenfant n en Tunisie et dont le pre et le grand-
pre paternel y sont eux-mmes ns.

Il faudrait lever cette discrimination et traiter sur un pied dgalit et


dans les mmes conditions la ligne paternelle et maternelle dans
lattribution de la nationalit par la naissance en Tunisie.

> Consacrer lautonomie de la nationalit de la femme marie


La nationalit tunisienne de la femme reste dans certains cas dpendant
de celle du mari. Ainsi, la perte ou la dchance de la nationalit
tunisienne du mari peuvent tre tendues la femme et aux enfants
mineurs non maris de lintress, conformment aux articles 31 et 35
du Code de la Nationalit tunisienne. Il faut donc supprimer la possibilit
de perte ou de dchance de sa nationalit la femme suite la perte de
sa nationalit tunisienne par le mari.

> Supprimer lingalit dans laccs la nationalit tunisienne entre les


poux et les pouses trangres de tunisiens et de tunisiennes
La femme trangre marie un Tunisien peut obtenir la nationalit
tunisienne par bienfait de la loi (sur simple dclaration), conformment
larticle 13 du Code de la nationalit, alors que le mari tranger de la
tunisienne ne peut lobtenir que par voie de naturalisation (Article 21). Il
faut reconnaitre aux Tunisiennes le droit de transmettre leur nationalit
leurs poux trangers sur un pied dgalit et dans les mmes conditions
que les pouses trangres des Tunisiens.
Mesure 5 /
Renforcer les droits politiques, gnraliser la parit et promouvoir la
participation des femmes la vie publique:
La parit a t adopte dans la Constitution, mais uniquement dans les
instances lues (article 46). Afin dassurer une plus grande participation
des femmes la vie publique, les femmes tant sous reprsentes dans
les instances de dcision, il faudrait:

> Gnraliser la parit


dans toutes les instances de prise de dcision, en particulier dans le
gouvernement et dans toutes les institutions publiques,

dans toutes les instances de dcision des structures, prives, syndicales


et associatives,

dans les instances constitutionnelles dont la cration est en cours:

La Cour Constitutionnelle,

LInstance Des droits de lHomme,

LInstance de la Communication Audiovisuelle,

LInstance du Dveloppement Durable et de la Protection des


Gnrations Futures,

LInstance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.

Modifier la loi sur les partis politiques pour introduire la parit dans
leurs structures dirigeantes et prendre des mesures pour encourager
les partis recruter et avoir des femmes en leur sein.

Mesure 6 /
Amliorer les conditions de travail des femmes, en particulier les femmes
rurales:
Les rsultats de lenqute mene et publie par lATFD en 2014 sous
le titre ENQUTE SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES FEMMES
EN MILIEU RURAL, ont montr que le travail agricole est souvent
caractris par ses difficults et par la prcarit de ses conditions qui se
19

Prvention
manifestent entre autres par une faible rmunration, une exploitation
intensive et une quasi-absence des droits sociaux mais aussi par des
rapports violents lencontre des femmes5. Pour mettre fin ces
ingalits et violences, il savre indispensable de:

Mettre fin aux ingalits salarialesdans le secteur priv, en particulier


dans lagriculture o elles sont la rgle. La main duvre fminine est
rmunre la moiti de la main duvre masculine, surtout pendant les
rcoltes.

Amliorer les conditions de vie, assurer un transport scuris de travail


des femmes dans les zones rurales.

Doter les femmes rurales dun statut juridique leur permettant de jouir
de droits spcifiques dont le droit la couverture sociale et aux congs
de maternit,

Rformer le code du travail afin dobliger les entreprises liminer les


discriminations dans le secteur priv notamment lors de lembauche et
du droulement de la carrire, et de mettre fin au harclement sexuel.

Mesure 7/
Lutter contre le chmage et garantir des conditions de travail dcent:
La prcarit conomique des femmes augmente le risque quelles
soient victimes de violence. En Tunisie, 2/3 des diplms chmeurs sont
des femmes. Les femmes qui travaillent occupent le plus les emplois
informels et prcaires. Pour en faire face, il convient de:

Rexaminer le rgime des Contrats dure dtermine (CDD) pour


mettre fin la prcarit du travail;

Gnraliser la scurit sociale dans tous les emplois y compris dans


les emplois informels;

Sanctionner plus svrement les discriminations dans lemploi;

Renforcer le contrle des autorits notamment dans le secteur agricole;

Consacrer la parit dans les instances de dcision conomique et dans


les syndicats.

5
http://femmesdemocrates.org.tn/bibliotheque-atfd/livre-pdf/livre%20francais.pdf
Mesure 8 /
Assurer des conditions de vie dcente
Selon larticle 21 de la Constitution Ltat garantit aux citoyens et
aux citoyennes les liberts et les droits individuels et collectifs. Il leur
assure les conditions dune vie digne. En application de la constitution,
les autorits tunisiennes sont appeles :

Garantir les services ncessaires aux personnes besoins spcifiques


et prendre des dispositions pour accompagner les femmes et les
familles dans la prise en charge de leurs enfants handicaps et de leurs
proches en difficult;

Amliorer laccs aux infrastructures (eau, installations


dassainissement, lectricit, technologies domestiques), en particulier
dans les zones rurales.

Fournir des services publics sociaux accessibles (crches, garderies,


coles etc.), adapts aux besoins des familles (notamment quant aux
horaires) et financirement proportionnels aux revenus.

Garantir le droit des femmes au logement social dcent et au transport


scuris.

Reconnaitre un cong parental permettant, au choix des conjoints,


quil soit pris par le pre ou la mre. Une telle mesure permettrait
non seulement de mettre fin aux strotypes sociaux selon lesquels
lducation des enfants relve de la seule responsabilit des mres.

Reconnatre que la fonction reproductive est une fonction sociale qui


doit tre assume par les acteurs sociaux et les structures de lEtat.

Mesure 9 /
Amliorer laccs des femmes la scurit sociale et aux soins:
Laccs des femmes la scurit sociale et aux soins est un droit
fondamental. Cependant, les obstacles saccumulent devant un accs
galitaire ce droit. Labsence dinfrastructures sanitaires ou de
traitement, le manque de personnel mdical qualifi et dchanges
21

Prvention
dinformations surtout dans les rgions intrieures de la Tunisie, ou
encore les longues distances parcourir pour atteindre un centre de
sant, souvent aggraves par un contexte dinscurit, freinent laccs
la sant. Il faudrait:

Assurer laccs universel une sant de qualit notamment pour les


personnes ges et les handicaps.

Garantir laccompagnement des femmes dans les diffrents cycles de


vie (prinatalit, adolescence, mnopause, personnes ges).

Amliorer laccs aux soins de proximit, notamment par la


multiplication des structures sanitaires de qualit (LOffice National de
la Famille et de la population (ONFP) en possde, mais pas en nombre
suffisant).

Amliorer laccs des femmes aux services de Sant Sexuelle et


Reproductive en les multipliant et en facilitant leur accs dans les
rgions dfavorises.

Garantir laccs aux soins de sant mentale.

Permettre chacun des membres de la famille de bnficier dun


carnet de soins individuel.

Mesure 10 /
duquer la non violence:
Lducation est un levier essentiel pour prvenir les ides, les
comportements et les violences sexistes ds le plus jeune ge. Les
institutions, publiques et prives, doivent intgrer dans toutes les
disciplines et tous les niveaux denseignement des programmes
spcifiques lducation aux droits humains des femmes, lgalit, la
non-discrimination et la non-violence.

La littrature des Nations Unies encourage les lgislations faire


en sorte que lenseignement des droits fondamentaux des femmes et
des filles, la promotion de lgalit des sexes et en particulier les droits
des femmes et des filles ne pas subir la violence soit obligatoire tous
les niveaux de lenseignement, du jardin denfants lenseignement
tertiaire6;

Ces programmes doivent favoriser une bonne comprhension du fait


que:

La violence est synonyme de domination, dabsence de la


communication et de rejet de tout ce qui est diffrent en faisant valoir
la supriorit de la force physique ou morale dun individu sur un autre.

La non-violence est synonyme de la force du dialogue, de la


communication, de largumentation et lacceptation du diffrent.

Mesure 11 /
Eduquer au respect de la libert:
La libert est le fondement de la jouissance des droits : tous les
individus naissent libres et gaux (article 1 de la dclaration universelle
des droits de lHomme)

Mesure 12/
Eduquer au respect du droit la diffrence et la tolrance:
Les diffrences entre les personnes humaines doivent tre respectes
pour bannir toute discrimination et mettre un terme aux violences.

Mesure 13 /
Eduquer lgalit et la non-discrimination:
La famille est la premire cellule de la socit ou sexerce lducation
de tout individu et qui trs souvent marque son comportement; ses
interventions et ses dcisions mais elle reste le premier cadre o
sexercent les discriminations lencontre des filles.

Lducation dans lenracinement de lidentit arabo-musulmane


(Article 39 de la Constitution) doit se faire dans le respect des articles 21,
43 et 46 de la Constitution qui affirment lgalit des chances et appellent
ltat raliser la parit entre femmes et hommes et radiquer les
violences fondes sur le sexe.

6
http://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/handbook/Handbook%20for%20legislation%20on%20
VAW%20(French).pdf
23

Prvention
En application de la constitution, il convient de donner les mmes
chances aux filles et aux garons dans le droit lducation, la sant et
dans tout ce qui permet le dveloppement physique et intellectuel de la
fille comme du garon. Comme il est primordial de renforcer la mixit ce
qui permet dinculquer le respect et lgalit entre les deux sexes.

Mesure 14/
Fournir une ducation sexuellecomplte et adapte tout ge:
Tout ce qui relve de la sexualit reste tabou dans notre socit. Ainsi,
trop peu de jeunes reoivent une prparation suffisante dans le domaine
de la sexualit, ce qui les rend vulnrables la contrainte, aux abus,
aux violences, lexploitation, des grossesses non dsires et des
infections sexuellement transmissibles. Face ce constat, dans le
monde entier, les organes et agences des Nations Unies en particulier
lUNESCO encouragent les Etats fournir une ducation sexuelle
complte et qui soit adapte lge, culturellement pertinente et
fonde sur des informations scientifiquement prcises, ralistes et
sabstenant de jugements de valeurs 7.

Dans ce sens, la Tunisie qui a entam la rforme de lducation, devrait


adopter une stratgie nationale pour lducation sexuelle qui inclut tous
les intervenants de la famille lcole.

La rforme de lducation devrait introduire dans lenseignement


des programmes adapts aux diffrents cycles de la vie pour les deux
sexes et normaliser la relation avec le corps en inculquant le respect
de lintgrit corporelle et la libert de disposer de son corps en se
basant sur lidentification des droits sexuels des droits humains dont
doit bnficier toute personne.

Mesure 15/
Prvenir par la formation de tous les intervenants:
Plusieurs acteurs et corps professionnels sont sollicits au quotidien
pour accueillir les victimes de violences et leur fournir du soutien, do
la ncessit de former toute personne susceptible dintervenir ou davoir
7
Unesco, Principes directeurs internationaux sur lducation sexuelle, 2009.
un rapport avec une femme ou une petite fille victime des violences.
Ainsiil convient de :
Fournir une formation spcifique au profit des intervenants
de premire ligne (police, juges, avocats, mdecins, personnel
paramdical, travailleurs sociaux, personnel des associations) qui
sadressent les victimes de violence savre indispensable.

Introduire la notion des violences lencontre des femmes dans les


programmes de formation pdagogique ou les stages afin que les
ducatrices et les ducateurs soient en mesure dapporter de laide aux
victimes (conseil, orientation, accompagnement etc.)

Mesure 16 /
Impliquer les mdias dans la lutte contre les violences lencontre des
femmes et tablir des codes dthiques ou des dclarations de principe pour
le traitement mdiatique de la question:
Lapport des mdias et des professionnels des mdias dans la
prvention contre les violences est incontournable. Dans le strict respect
de la libert dexpression, la lgislation pourrait impliquer les mdias
dans la lutte contre les violences. Cest le cas de la loi espagnole de 2004.

Plusieurs pays tels que lEspagne ou la Suisse ont tabli galement des
codes de dontologie en matire de traitement mdiatique des violences
faites aux femmes. Ceux-ci ont par exemple pour objet de nommer les
violences lencontre des femmes en tant que violences sexistes, de
dfinir des rgles strictes en matire de confidentialit afin de ne faire
tmoigner une victime quaprs avoir recueilli son consentement libre
et clair. LATFD a engag un travail avec les diffrentes institutions
intervenant dans la gestion mdiatique des violences notamment avec
le syndicat des journalistes, la Haute Autorit Indpendante pour la
Communication Audiovisuelle (HAICA) linstitut de Presse et des Sciences
de lInformation (IPSI), journalistes indpendants et rdacteurs en chef.
Celui-ci passe notamment par des formations sur les violences faites
aux femmes. Ces formations devraient tre gnralises lensemble
des journalistes et institutions de formation ou de rgulation des mdias.
25

Prvention
Mesure 17 /
Prvenir par la sensibilisation:
Larticle 46 de la Constitution appelle ltat prendre les mesures
ncessaires afin dradiquer la violence contre les femmes .

Les pouvoirs publics devraient donc se charger de financer et de


soutenir des campagnes de sensibilisation contre la violence lencontre
des femmes.

Des campagnes spcifiques de sensibilisation peuvent uvrer mieux


faire connatre les lois adoptes et les recours possibles pour lutter
contre les violences subies par les femmes. Ces campagnes doivent
respecter les rgles suivantes:
Interdire:
le dni des violences et leur banalisation

la lgitimation des violences lencontre des femmes

la culpabilisation des victimes

Considrer que:
les violences lgard des femmes ne sont pas une fatalit

la lutte contre limpunit est ncessaire pour liminer les violences.

Sadresser des publics cibls et au large public: Les violences


lencontre des femmes sont un phnomne qui touche les diffrentes
couches sociales il nexiste pas de profil particulier de la victime ni un
profil particulier de lagresseur. Il est donc ncessaire de sadresser
chaque catgorie de la population.

Mesure 18/
Etablir et parrainer des programmes visant mettre en garde et prvenir
la consommation excessive dalcool et de drogue:
Compte tenu de la prsente frquente de la consommation excessive
dalcool et de drogue lors des actes de violence lgard des femmes, il
savre ncessaire dadopter des mesures intgres afin de lutter contre
ces comportements. En outre, la consommation de drogue ou dalcool ne
doit en aucun cas constituer une circonstance dattnuation de la peine.

Mesure 19/
Crer un observatoire national des violences et des discriminations:
Pendant des dcennies et malgr les appels continus de la socit
civile tunisienne, les autorits tunisiennes niaient lexistence de
violences sexistes et de discriminations lgard des femmes. Celles-
ci sont restes de ce fait, peu connues et mal comprises par lopinion
publique. Aujourdhui, il est primordial dinstaurer un mcanisme de
veille et de collecte de donnes fiables sur la question. Un observatoire
national des violences et des discriminations devrait tre constitu afin
dassurer la collecte, intervalles rguliers, de donnes statistiques sur
les causes, les consquences et la frquence de toutes les formes de
violence lgard des femmes et sur lefficacit des mesures y compris
les mesures lgislatives, visant lutter contre cette pandmie.

La loi contre les violences devrait galement:


Prvoir la reprsentation de la socit civile dans la composition de
lobservatoire national des violences et des discriminations;

Prciser les fonctions de lobservatoire dont:


la collecte de donnes sur les violences, leur traitement et mise
disposition du publique,

la recherche et le soutien aux recherches, tudes et publications


traitant des violences lencontre des femmes.

llaboration et publication de rapports annuels au sujet de


lincidence des violences et des discriminations lgard des femmes,
des arrestations et des taux daffaires classes, des poursuites etc.

lvaluation du cot de la violence sur la sant publique et lconomie

la formulation de propositions de rformes politiques, lgislatives et


institutionnelles pour consolider la lutte contre les violences fondes
sur le sexe et promouvoir lgalit pleine et entire.
27

Prvention
La loi contre les violences devrait prvoir les garanties de lautonomie
de cet observatoire. Elle devrait galement charger les pouvoirs publics
de collaborer avec lobservatoire en lui fournissant notamment les
donnes et informations relatives aux violences et en le dotant des
ressources financires et humaines ncessaires laccomplissement
de sa mission.

Une fois cre, lobservatoire devrait tre dcentralis en ayant des


reprsentations dans tous les gouvernorats de la Tunisie.

Mesure 20/
Encourager les crations et les recherches fminineset fministes:
En combattant les violences faites aux femmes, on sattaque un
certain nombre de mythes et malentendus persistants au sujet de la
violence lgard des femmes et on remet en question les conceptions
rigides de la masculinit et de la fminit. On questionne donc toute une
culture. Cela pourrait se faire en mettant en valeur lintelligence et la
cration fminine artistique et intellectuelle.

Mesure 21/
Allouer dans le cadre de la loi de finance une ligne budgtaire pour la lutte
contre les violences lgard des femmes:
La lgislation ne peut elle seule radiquer les violences. Des
budgets adquats doivent tre consacrs aux diffrents aspects de
cette lutte commencer par les dpenses relatives aux mesures de
prvention et de sensibilisation jusqu la prise en charge des victimes
et leur rhabilitation. Dans plusieurs expriences compares telles que
lexemple du Mexique, la loi relative au droit des femmes une vie sans
violence (2007), prvoit une obligation gnrale au gouvernement de
fournir un budget adquat pour la mise en uvre de cette loi.
Mesure 22/
Encourager lengagement du secteur priv dans la prvention et la lutte
contre les violences faites aux femmes:
Les violences ont, entre autres, une incidence grave sur la performance
du travail, la rentabilit et la crativit des femmes. Le secteur priv a
donc des intrts conomiques et sociaux considrables en sengageant
dans la prvention contre les violences. Le secteur priv, dont les mdias,
pourrait galement tre dun apport financier et technique imminent
dans les programmes de prvention et de sensibilisation contre les
violences. Un partenariat entre le priv et le public en la matire devrait
tre encourag.
Malgr sa prvalence, la rponse la violence base sur le sexe est
rarement donne ds les premiers stades des situations durgence.
Linaction des acteurs de premire ligne (police, juges, mdecins, assistants
sociaux) est souvent justifie par labsence de cadre lgislatif et/ou
institutionnel protgeant les femmes victimes de violences. Celles-ci sont
donc livres elles-mmes ce qui les fragilise davantage et encourage
les agresseurs reproduire la violence. Les autorits sont donc appeles
prendre les mesures lgislatives ou autres ncessaires pour protger les
victimes contre tout nouvel acte de violence. 31

Protection des victimes


La protection constitue donc lensemble dactions, dinterventions et de
mcanismes ayant pour objectif de scuriser les femmes contre toutes
nouvelles agressions, de garantir leurs droits, leur sant et leur dignit.

Mesure 23/
Amliorer les services fournis par la ligne verte dj active pour mieux
orienter les femmes en leur fournissant les adresses utiles:
La ligne verte doit fournir la femme les premiers conseils
(certificat mdical, besoin dhbergement, signalement au
dlgu la protection de lenfance, conseils pour la scolarit
des enfants). Ces services doivent tre accessibles aux femmes
demanireconfidentielleoudanslerespectdeleuranonymat.

Pour que cette ligne soit efficace, elle doit pouvoir fonctionner 24 heures
sur 24 heures. Il faut envisager galement une coordination entre les
diffrents intervenants des institutions de ltat et de la socit civile.

Mesure 24/
Instaurer des services durgence de mdecine lgale dans toutes les rgions:
Dun ct, seules les expertises dlivres par la mdecine lgale ont
une valeur juridique. De lautre, il ny a pas de garde ni de systme de
permanence sans compter que le nombre de mdecins lgistes est trs
limit et souvent inexistant dans certaines rgions, notamment dans la
rgion du nord-ouest et le personnel nest pas toujours form pour la
prise en charge des femmes victimes de violences.

En attendant la gnralisation des services mdico-lgaux capables de


rpondre aux besoins des femmes victimes en urgence, il faut installer
des ples mdico-lgaux dans toutes les rgions.

Mesure 25/
Mettre en place un rseau de services dhbergement scuris durgence et
temporaire:
Ces services ont t longtemps assurs par les associations de femmes en
Tunisie. Ces dernires manquent de ressources ncessaires pour couvrir
les besoins des femmes victimes de violences et demandeuses de soins
de sant, dun abri sur, et dun appui pour se remettre dans limmdiat
de leurs blessures. A cet effet, les autorits publiques devraient mettre
en place un rseau de services dhbergement accessible et en nombre
suffisant pour les femmes et leurs enfants susceptibles dtre victimes
de violences ou qui lont t. Ce rseau devrait couvrir les zones rurales
et urbaines du pays.

Mesure 26 /
En cas de violence conjugale ou domestique, prendre durgence les mesures
dloignement de lagresseur:
En prsence de son agresseur dans le foyer conjugal, la victime ne peut
tre en mesure de prendre des dcisions libres et responsables. Elle
trouve des difficults briser le silence sur la violence quelle subit. Les
violences conjugales ou domestiques sont ainsi susceptibles de mettre
en danger les victimes. La mesure essentielle de protection contre les
violences conjugales rside dans lloignement de lauteur de lagression
par linterdiction qui peut lui tre faite de se prsenter au domicile, de
rencontrer la victime ou mme dentrer en contact avec elle.

Le non-respect de la mesure dloignement devrait exposer lagresseur


des sanctions. Cette mesure a t adopte dans le droit compar comme
le droit franais ou espagnol.
Mesure 27/
Etablir, financer et coordonner des services de consultations
multidisciplinaires, des services dintervention durgence et des groupes
daide pour les femmes victimes de violence et leurs enfants:
Pour rpondre aux besoins immdiats des femmes subissant la
violence, ltat doit veiller la mise en place de services de consultations
assurant lcoute, linformation pertinente, lorientation juridique et
judiciaire, le soutien psychologique et laccompagnement social des 33
femmes victimes de violences ainsi que de leurs enfants.

Protection des victimes


Pour ce faire, ltat doit, collaborer avec notamment les associations
non gouvernementales spcialises dans laccueil, la prise en charge et
laccompagnement des femmes victimes de violence.

Mesure 28/
Obliger et encourager le signalement et la consignation de tout acte de
violence lgard des femmes:
La lutte contre les violences faites aux femmes doit tre apprhende
comme une responsabilit collective. A cette fin, ltat doit prendre les
mesures lgislatives et administratives pour encourager toute personne
tmoin de la commission de tout acte de violence ou qui a de srieuses
raisons de croire quun tel acte pourrait tre commis ou que des
nouveaux actes de violence sont craindre, les signaler aux autorits
comptentes.

En outre, les rgles de confidentialit imposes certains professionnels


(avocats, mdecins, sages-femmes etc.) ne constituent pas un obstacle
la possibilit, dans les conditions appropries, dadresser un signalement
aux organisations ou autorits comptentes sils ont de srieuses raisons
de croire quun acte grave de violence a t commis et que de nouveaux
actes de violence sont craindre.

Ces mesures sont fortement encourages par la Convention du Conseil


de lEurope sur la prvention et la lutte contre la violence lgard des
femmes et la violence domestique (Convention dIstanbul).
Mesure 29/
Protger les tmoins et ne rvler leur identit quavec leur consentement:
Il sagit de protger les tmoins contre toute intimidation ou pression et
ce, en prvoyant dune part des sanctions et dautre part en garantissant
lexpression du consentement des tmoins.

Mesure 30/
Garantir la confidentialit des donnes personnelles et le respect de la vie
prive des victimes:
Le respect de lanonymat et de la confidentialit des donnes
personnelles est essentiel pour assurer une prise en charge adquate
et le rtablissement des victimes de violences. Le non-respect de
lanonymat, en particulier par les mdias ou dautres intervenants,
est souvent cause de nouveaux traumatismes, de nouvelles formes de
violences ou de discriminations envers la femme ou ses enfants.

Mesure 31/
Protger les dfenseures et les dfenseurs des femmes victimes des violences:
Les militant(e)s des droits humains ont t pendant la dictature dnigre
(e)s et discrdit (e)s, tout comme les dfenseures des femmes victimes
de violences. La ncessit de leur protection, universellement reconnue,
doit tre assure conformment la Dclaration sur les dfenseurs des
droits de lhomme 8 adopte par lAssemble gnrale des Nations unies
en dcembre 1998 et aux rsolutions de la Commission africaine des
droits de lHomme et des peuples (CADHP)9.

Mesure 32/
Mettre en place une brigade spcialise dans la lutte contre les violences
lencontre des femmes:
Souvent, les femmes victimes de violence hsitent demander laide ou
lassistance de la police. Faute de formation adquate sur les violences

8
Dclaration sur le droit et la responsabilit des individus, groupes et organes de la socit de promouvoir
et protger les droits de lhomme et les liberts fondamentales universellement reconnus
9
Notamment: CADHP/Res.69(XXXV) 04: Rsolution sur la protection des dfenseurs des droits de
lHomme en Afrique. CADHP/Res.54(XXIX)01: Rsolution sur la situation des dfenseurs des droits
humains en Tunisie.
sexistes ou par manque de moyens ou encore dengagement de la part
du personnel, la police tarde rpondre positivement aux demandes
dassistance et daide formules par les plaignantes.

Lexprience a montr que la cration et la mise en place dunits


spcialises dans lenqute et la lutte contre les violences sexistes
pourrait faciliter lacquisition de comptences spcialises dans ce
domaine et accrotre le nombre de cas qui font lobjet denqutes et
damliorer la qualit et lefficacit des procdures pour les plaignantes.
35
Il convient donc de mettre en place une brigade spcialise dans la

Protection des victimes


lutte contre les violences lgard des femmes. Cette brigade devrait
tre compose entre autres, dun personnel fminin et renforce par
des psychologues forme en la matire afin dinstaurer un climat de
confiance et dinciter la victime porter plainte.

La brigade spcialise devrait assurer une permanence (24/24, 7/7 et


jours fris) pour laccueil des femmes victimes des violences. Elle sera
charge de:

recueillir soigneusement les plaintes et de les consigner dans un


registre spcial

secourir les victimes en coordination avec dautres services en


particulier les services dappui aux victimes.

travailler en coordination avec les associations, les institutions


daccueil dhbergement ou dhospitalisation pour protger les victimes
et garantir leur scurit et leurs droits

Afin de rassurer et de stabiliser les victimes, il convient galement


damnager des locaux adapts laccueil des femmes victimes de
violences dans la dignit.
Mesure33/
Permettre la femme victime de violences de porter plainte auprs de tout
parquet ou de tout service enquteur:
Si le code de procdure pnale fixe les critres dlimitant le champ
de la comptence matrielle et territoriale des tribunaux et des
services enquteurs de la police, ces prescriptions lgales ne doivent
pas simposer la victime au moment de la rvlation des violences.
Lorsque cela est matriellement possible, les victimes doivent pouvoir
dnoncer les violences auprs du service de police du lieu de linfraction
afin de renforcer lefficacit des investigations et dviter de rallonger
les dlais de la procdure. Concrtement, la victime peut adresser une
lettre simple tout service de police et au procureur de la Rpublique de
tout tribunal de premire instance, charge pour eux de transmettre la
plainte au service ou tribunal territorialement comptent sils ne le sont
pas eux-mmes.

Mesure 34/
La police judiciaire (PJ) doit faire preuve de diligence lors de la rception
des plaintes:
La PJ est dans lobligation lgale de recueillir les dclarations de la
victime avec neutralit bienveillante et loyaut. Pour leffectivit de
cette mesure, il savre ncessaire de prvoir des sanctions pnales
et administratives contre lofficier de la police judiciaire qui refuse de
consigner la plainte de la victime, change son contenu ou exerce sur elle
toutes sortes de contrainte pour quelle renonce ses droits garantis
par la loi.

Lors de la rception dune plainte, la Police Judiciaire (PJ) doit effectuer


une valuation coordonne des risques quencourent la femme, les
enfants et les personnes charge et doit intervenir en employant des
termes et la langue que comprend la victime plaignante. La PJ doit
aussi intervenir rapidement suite chaque demande dassistance et de
protection.
Suite lvaluation des risques quencoure la victime et sous le contrle
de la justice, la PJ pourrait ventuellement prendre des mesures
srieuses dont larrestation et la dtention.

Mesure 35/
Le certificat mdical ne doit pas tre une condition juridique pralable et
ncessaire au dpt de la plainte par la victime:
La police ne doit pas exiger un certificat mdical constatant les violences
37
subies au moment du dpt de la plainte. Cette dispense se justifie par

Protection des victimes


le fait que toute personne peut rvler des faits de violences dont elle
sestime victime, sans avoir en rapporter la preuve, ni de ce que les
faits dnoncs sont constitutifs dune infraction pnale. Il appartient au
procureur de la rpublique, et non la victime, de qualifier les faits au vu
de la procdure tablie et transmise par les services de police.

La remise dun certificat mdical aux enquteurs au moment du dpt de


la plainte constitue un point de dpart utile aux investigations mais cela
nest en aucun cas un pralable juridiquement ncessaire au recueil de
la plainte.

Mesure 36/
Etablir une juridiction spcialise (tribunal) dans les violences lencontre
des femmes:
Un tribunal spcialis dans les violences lgard des femmes permettrait
une prise en charge globale et transversale, tant sur le plan pnal que
civil ainsi que des solutions harmonises et protectrices des victimes et
un meilleur suivi. Cette mesure pourrait garantir lefficacit et la rapidit
des rponses judiciaires la violence.

Mesure 37/
Rendre des ordonnances de protection appropries et avec effet immdiat
pour une priode spcifie et renouvelable en cas de besoin.
Lordonnance de protection est une procdure durgence permettant de
rpondre une situation de danger. Cette mesure a t utilise pour
la premire fois aux tats-Unis dAmrique vers les annes quatre-
vingt comme recours durgence pour les victimes dactes de violence
domestique en autorisant les tribunaux ordonner lagresseur de
quitter le foyer.

Lordonnance de protection est une mesure que le juge dcide de


prendre quand des raisons srieuses lamnent considrer comme
vraisemblables la commission des faits de violence allgus et le danger
auquel la victime est expose. Cette dcision se fait sur la base de pices
produites par les parties et contradictoirement dbattues devant le juge.
Ce dernier na donc pas vrifier la ralit des violences, il se contente
de leur vraisemblance.

Le droit tunisien ne prvoit pas de telle mesure alors que lexprience


dans plusieurs pays du monde a montr son efficacit. Dautres pays
dont le Maroc sapprtent adopter une telle mesure (le projet de loi
103-13 relatif la lutte contre la violence contre les femmes)10.

Dans la nouvelle loi contre les violences, il faudrait introduire lordonnance


de protection. Celle-ci peut tre demande ou rendue indpendamment
ou cumulativement dautres procdures judiciaires par le juge
comptent.

Elle pourrait englober un ventail de dcision dont lordre lagresseur


prsumde:

quitter le foyer conjugal,

rester une distance spcifie de la victime, ses enfants et


ventuellement les personnes sa charge,

fournir la victime et ses enfants une pension alimentaire, les frais


du loyer et une assistance financire pour les soins mdicaux,

La violation des ordonnances de protection mises par les autorits


comptentes doivent faire lobjet de sanctions pnales.

10
Le projet de loi contre la violence lgard des femmes doit comporter des garanties plus fortes, AMNES-
TY INTERNATIONAL, DCLARATION PUBLIQUE, 20 mai 2016 Maroc. Le Projet de loi 103-13
relatif la lutte contre la violence contre les femmes.
file:///C:/Users/HP/Desktop/101mesure%20-Final/MDE2940072016FRENCH.pdf
Mesure 37 Bis/
Consigner les ordonnances de protection et les ordonnances restrictives dans
un registrespcial:
Pour que la police et les juges puissent dterminer rapidement si une
ordonnance est en vigueur et suivre ainsi sa bonne application, il convient
de les enregistrer dans un registre spcial.

Mesure 38 /
Protger les droits et les intrts des victimes et des enfants charge tous les 39
stades des enqutes et des procdures judiciaires:

Protection des victimes


Les victimes doivent tre informes des suites donnes leur plainte,
des chefs daccusation retenus, du droulement gnral de lenqute ou
de la procdure et de leur rle au sein de celle-ci ainsi que de la dcision
rendue. En outre:

Elles doivent avoir la possibilit dtre entendues, de fournir des


lments de preuve et de prsenter leurs points de vue, besoins et
proccupations, directement ou par le recours un avocat et que ceux-ci
soient examins;

Des mesures de protection de leur vie prive doivent tre prises;

Des mesures de protection doivent leur garantir dviter tout contact


avec les auteurs dinfractions lintrieur des tribunaux et des postes
de police;

Elles doivent tre informes lorsque lauteur de linfraction svade ou


est libr temporairement ou dfinitivement, afin dassurer leur scurit;

Elles doivent avoir le droit des interprtes indpendants et comptents,


lorsquelles sont trangres;

Elles doivent avoir la possibilit de tmoigner en salle daudience, sans


tre prsentes, ou du moins sans que lauteur prsum de linfraction
ne soit prsent, notamment par le recours aux technologies de
communication appropries.
Mesure 39/
Interdire la mdiation pnale en matire de violences au sein du couple:
La mdiation, suppose que les deux parties sont sur un mme pied
dgalit. Ceci nest pas le cas quand il sagit dune victime et de son
agresseur. Les dmarches de ngociations peuvent tre nfastes sur la
victime du fait :

Des risques demprise de lauteur sur la victime;

Du pouvoir dissuasif sur la victime, ou de la;

De la culpabilisation de la victime;

Des risques de lexposer des dangers supplmentaires.

La lgislation tunisienne ne prvoit pas de mdiation, mais cela


nempche quil sagit dune pratique courante de notre socit. La loi
contre les violences devrait interdire de telles dmarches avant, pendant
et aprs les procdures judiciaires.

Mesure 40 /
Garantir la scolarit et le bien-tre des enfants
Quand la mre est agresse, la scolarit de ses enfants est souvent
perturbe (absences rptes, abandon, checs etc.) et leur sant est
affecte (vaccinations et autres suivis mdicaux non assurs). Aussi
est-il important de prendre durgence toutes les mesures permettant
le maintien et ou la rintgration des enfants ainsi que le suivi scolaire
et de sant pour que la violence vcue nait pas deffet nfaste sur leur
parcours scolaire et leur volution.

Mesure 41 /
Lexercice de tout droit de visite ou de garde de lauteur des violences
conjugales ne doit pas compromettre les droits et la scurit de la victime et/
ou des enfants:
La garde ou la visite des enfants sont souvent utilises par lagresseur
comme moyen de chantage ou prtexte pour continuer la maltraitance
voire pour commettre de nouveau des actes dagression lencontre de
la victime et de ses enfants. Tout en respectant lintrt suprieur de
lenfant, il faudrait permettre leur pre de leur rendre visite en dehors
du domicile conjugal et sous surveillance policire.

Mesure 42/
Prvoir un suivi socio-judiciaire pour les auteurs de violences conjugales et
un accompagnement durant lincarcration, en particulier lorsque les vio-
lences prsentent un caractre habituel:

Mesure 43 /
Etablir une politique de sant publique de lutte contre les violences
Cette politique devrait inclure notamment la prvention, le dpistage,
la prise en charge et le soin des victimes de violences et sadresser en
particulier aux professionnels de sant et de la prise en charge sociale.
Nous pouvons dfinir la prise en charge comme tant lensemble de
services, interventions, accompagnement, orientation, protection, assistance
et rhabilitation permettant la victime de reprendre confiance en elle, de
dpasser le statut de victime, de retrouver sa dignit et ses droits.

Cest ainsi que la prise en charge ne peut en aucun cas se rapporter une
seule institution, organisation ou administration. Elle exige la coopration et
un partenariat solide entre composantes de la socit civile et institutions
publiques et prives. Il est vident que le rle de la socit civile et
particulirement les associations militantes pour les droits des femmes et
la ralisation de lgalit entre femmes et hommes est dterminant.

Le processus de la prise en charge est avant tout une dcision revenant


la victime. En fait ce processus commence ds que lintresse
dcide de parler. Ce premier pas est important car cest de cette premire
rencontre que vont dpendre les autres tapes. Cest dans ce sens quil faut
tout dabord valoriser, encourager et faciliter ce premier pas qui peut avoir
des incidences positives sur la victime.
43
La personne ou linstitution vers laquelle se dirige une femme victime

Prise en charge
de violences pour la premire fois assume une grande responsabilit. De
ce fait, il est impratif davoir toujours en tte ltat dans lequel se trouve
la victime. Elle peut se diriger vers un spcialiste ou un professionnel
(mdecin, psychologue -thrapeute, avocat) ou une institution publique ou
une association.

Cest pour ces raisons que les mesures mentionnes dans cette partie
concernent diffrents intervenants pour une prise en charge efficace.
Une coordination et une base de donnes commune entre les diffrentes
institutions tatiques, la socit civile et les corps de mtier simposent.

Si les associations fministes et de droits humains ont le devoir de dfendre


la victime, de se solidariser avec elle et de laccompagner afin quelle
puisse recouvrer sa dignit et ses droits, ltat a le devoir de satisfaire ses
demandes de citoyenne et de lui garantir la scurit sur la base de lgalit
et de la non-discrimination entre les citoyennes et les citoyens. Quant aux
corps de mtier ils doivent fournir leurs prestations sur la base dun code
dthique qui respecte la dignit des victimes.
Devant lisolement dans lequel vivent les femmes victimes de violences,
la culpabilit, la peur dtre juge dune faon ou dune autre, le manque de
confiance en elle, le manque destime de soi, lintervenante ou lintervenant
doit assumer la responsabilit de dgager delle toute lnergie ncessaire
pour la dculpabiliser, lui redonner le gout de vivre, et de sortir du cercle
de la violence.

Mesure 44/
Consacrer le droit des victimes des services de soutien:
La lgislation doit engager ltat dans la cration et le financement de
services de soutien couvrant les dimensions mdicales, psychosociales,
conomiques, juridiques et judiciaires.

La fourniture de ces services ne doit pas dpendre de la volont des


victimes dengager des poursuites ou de tmoigner contre tout auteur
dinfraction.

Les documents des Nations Unies encouragent les autorits


mettre en place ces services et veiller ce quils soient autant que
possible administrs par des organisations non gouvernementales
indpendantes qui, selon des principes fministes, fournissent aux
survivantes dactes de violence un appui sexospcifique et complet,
donnant ces femmes les moyens de sen sortir11.

Mesure 45/
Mettre en place des centres mdicaux spcifiques pour les victimes de
violences:
La Constitution tunisienne garantit le droit la sant de tous les individus.
Elle prvoit dans son article 38 que ltat garantit la prvention et les
soins sanitaires tout citoyen et fournit les moyens ncessaires pour
garantir la scurit et la qualit des services de sant . De plus, elle
oblige les autorits garantir la gratuit des soins pour les personnes
sans soutien et faible revenu .

11
Manuel de lgislation sur la violence lgard des femmes, Nations Unies, New York, 2010.
http://www.un.org/womenwatch/daw/vaw/handbook/Handbook%20for%20legislation%20on%20
VAW%20(French).pdf
Ce droit la sant devrait tre garantit aux femmes victimes de violence
en leur assurant une prise en charge globale et intgre. Pour ce faire, il
convient de leur consacrer des centres mdicaux spcifiques accessibles
dans les milieux urbains et ruraux. Ces centres doivent fournir des
services de qualit et adapts aux besoins des victimes de violence et ce
aux frais de lEtat.

Les centres mdicaux spcifiques doivent tre pluridisciplinairesen


proposant une prise en charge globale avec des soins de psycho-
traumatologie, de mdecine gnrale, des soins gyncologiques, et
dautres spcialits, des soins corporels, une prise en charge de la
douleur, un accs des informations juridiques et sociales avec laide
des associations daide aux victimes.

La prise en charge mdicale et psychologique doit tenir compte des


troubles de la mmoire, de la confusion et du sentiment dirralit dus
aux processus dissociatifs induits par le pouvoir sidrant des violences,
sur la victime.
45
Les centres mdicaux spcifiques doivent tre accessibles avec une

Prise en charge
possibilit de prise en charge en urgence ou dorientation en cas
durgence.

Les centres mdicaux spcifiques doivent tre scurisants et accueillants.

Le personnel mdical doit tre spcialis avec des professionnels forms.

Mesure 46/
Assurer la gratuit du Certificat Mdical Initial (CMI):
Larticle 27 du code de dontologie mdicale12 stipule que lexercice de
la mdecine comporte normalement ltablissement par le mdecin,
conformment aux constatations mdicales quil est en mesure de
faire, des certificats, ordonnances, attestations ou documents dont la
production est prescrite par les textes lgislatifs et rglementaires.

En vertu de la circulaire n39/2016 en date du 30 mai 2016, le ministre


de la sant publique a reconnu et instaur la gratuite du CMI pour les

12
Dcret n 93-115 du 17/5/1993 publi au JORT n40 du 28 mai et 1er juin 1993 la page 764.
femmes victimes de violences13.

Outre la bonne application de la circulaire instaurant lexonration des


femmes victimes de violences des frais du CMI, Il est important dinsister
sur le fait que ce certificat est un lment pivot dune dmarche judiciaire
pnale ou civile ultrieure.

Sa rdaction devrait donc intgrer une description prcise des lsions


et/ou des troubles psychiques et des consquences en tirer court et
moyen terme.

Mesure 47/
Gnraliser les centres dcoute et dorientation des femmes victimes de vio-
lences sur tout le territoire:
Les espaces de prise en charge daccueil, dcoute et daccompagnement
sont en grande partie concentrs dans la capitale. Il est urgent douvrir
des centres dans toutes les rgions relevant de ltat ou la socit civile.

Lespace de prise en charge doit tre accueillant, scurisant, solidaire,


et respecter tous les droits humains de la victime, particulirement le
droit la scurit, ne pas subir de nouvelles violences, la sant, la
justice, au respect de sa dignit et de son intgrit, et la confidentialit.

Lcoute doit se faire dans un climat de bienveillance, de confiance et


dempathie, dans un lieu calme et scurisant. Il ne faut pas soumettre la
victime un interrogatoire, ni chercher lui extorquer des faits. Il faut
respecter le temps de la victime, soutenir son discours en le reformulant.

Mesure 48/
Fournir une coute solidaire la victime:
Les victimes de violence ont souvent un sentiment de culpabilit. Afin
de les dculpabiliser, il ne faut jamais juger les comportements et les
attitudes de la victime, faire de leon de morale, lui dire en revanche
que rien de ce quelle avait fait ne justifie la violence en attribuant la
responsabilit de la violence son auteur.

Il ne faut ni banaliser, ni minimiser la violence, ni se faire le relai des


strotypes et des ides fausses sur les violences, les victimes et les

13
http://www.santetunisie.rns.tn/images/cir2015/cirb123.pdf
agresseurs. Lcoutant (e) nest pas en position de juger la vracit des
faits rapports par la victime, ni denquter, ce nest pas son rle.

Mesure 49 /
Prendre au srieux la souffrance et ltat de dtresse de la victime, et valuer
le danger et les risques quelle court:
Prendre garde ne pas les sous-estimer, ni considrer que la victime
les survalue. Etre attentif ne pas gnrer de souffrance par des
comportements, des propos ou un vocabulaire inadapt. Une valuation
objective de la situation de la victime aide lintervenant (e) identifier les
bonnes solutions.

Mesure 50/
Informer la victime de son droit la dnonciation de la violence et la
poursuite des auteurs:
Informer la victime de ses droits et des possibilits de porter plainte,
mme si elle ne veut pas porter plainte. Linformer sur ses droits, sur
les possibilits dordonnance de protection, et de mesures de protection, 47
sur des interdictions pour lagresseur de rentrer en contact avec elle,

Prise en charge
de signalements pour les mineurs et les personnes handicapes ou
vulnrables et sur les droits du travail pourrait clairer sa dcision.

Mesure 51/
aider la victime reprer et dnoncer les attitudes des agresseurs:
Pour aider la victime reprer et dnoncer les attitudes des agresseurs,
et mesurer donc les risques quelle peut encourir, il convient de laider
prendre connaissance des stratgies souvent utilises pour la fragiliser:

Isoler la victime;

La priver de ressources, de ses proches;

La dvaloriser;

Inverser la culpabilit;

Instaurer un climat de peur et de terreur, se prsenter comme tout-puissant;

Assurer son impunit en recrutant des allis


Mesure 52/
Aider la victime dvelopper son propre plan de scurit future:
Il est important de scuriser la victime de violence et de laider viter
les actes dagression ventuels en lui fournissant certains lments
cls. A titre dexemples:
Identifier les personnes pouvant signaler lacte dagression et/ou
tmoigner devant les autorits comptentes;
Garder les preuves dactes de violences prcdents (CMI, plaintes,
tmoignages crits, enregistrements audiovisuels) dans un endroit sr;
Mettre labri de lagresseur potentiel les documents personnels
importants (pice didentit, documents de voyages, fiche de paie);
Prparer un sac pour les situations durgence;

Mesure 53 /
Aider la victime faire face la violence:
Tout en respectant son droit de prendre, lorsquelle est prte, les
dcisions qui affecteront son cheminement, le personnel charg de la
prise en charge doit veiller :
Accompagner la victime de violence dans sa qute de soins, de justice,
dinsertion sociale, conomique ou autre,
La valoriser, reconnatre son courage, ses capacits, sa rsistance,
Sappuyer sur la loi, le droit, attribuer lagresseur la seule
responsabilit de lagression commise.

Mesure 54/
Apporter un soutien psychologique la victime:
La souffrance sexprime de nombreuses manires (tristesse, tentatives
de suicide, arrts de travail, conduites risque) qui doivent tre
prvenues dans le cadre dun suivi psychologique appropri.
Mesure 55/
Assurer lorientation juridique adquate pour les femmes victimes de
violences:
Les institutions prives ou publiques assurant la prise en charge des
femmes victimes de violences devraient leur fournir le conseil juridique
concernant la garde dun enfant, le partage des biens, lentretien dun
enfant, les procdures civiles et pnales et toutes les questions relatives
au cadre lgislatif protgeant leurs droits civils, politiques, conomiques
et socioculturels et visant lutter contre les violences.
Des juristes spcialiss dans le domaine des droits humains des femmes
devraient tre forms dans cette optique.

Mesure 56/
Assurer lhbergement pour les femmes victimes de violence:
En raison du manque de mcanismes de prise en charge, dont des foyers
daccueil pour les femmes victimes de violences, celles-ci sont exposes
de nouveaux actes dagression. LEtat devrait pallier cette carence 49
en instaurant des hbergements surs et capacit suffisante pour les

Prise en charge
victimes de violences.
Une valuation des services dhbergement selon des indicateurs
prdfinis devrait tre mene de manire rgulire.

Mesure 57/
Etablir des normes communes pour la prise en charge des femmes victimes
de violence:
En raison des diffrents centres publics et privs qui assurent la prise
en charge des femmes victimes de violences, il convient de dvelopper
une approche commune de la violence sexiste et dunifier les pratiques
de prise en charge.
LEtat devrait au travers des diffrents acteurs publics intervenant dans
le cadre de la lutte contre les violences dvelopper de manire inclusive
et participative les normes et directives mentionnant les obligations de
tous les intervenants en matire de prise en charge dontlobligation :
dintervenir pour empcher quun acte de violence soit commis contre
une femme ou les enfants sa charge.
de garantir la victime la confidentialit de ses propos et des
informations quelle communique au personnel de la prise en charge.
de rechercher le soutien et lappui auprs dautres acteurs.
de fournir la victime de violence les informations et les adresses
utiles pour assurer sa scurit et rpondre ses besoins.
dorienter ventuellement la victime vers dautres acteurs spcialiss.

Mesure 58 /
Travailler en rseau:
La socit civile doit sorganiser en rseau pour une meilleure prise en
charge des femmes victimes de violences et cooprer ensemble pour
une prise en charge solidaire et complmentaire de lcoute au soutien,
lhbergement, laccompagnement, le plaidoyer et le lobbying pour
faire avancer les droits des femmes.
Etablir un partenariat solide, permanent et multisectoriel entre socit
civile et institutions tatiques est indispensable pour une lutte efficace
contre violences fondes sur le sexe.

Mesure 59/
Fournir des programmes de renforcement de capacits pour les personnes
charges de la prise en charge des femmes victimes de violences:
En plus des programmes de renforcement de capacits portant sur les
droits humains des femmes et uvrant pour le changement dattitudes
chez le personnel de prise en charge des victimes de violences, il faudrait
assurer des formations spcialises en matire dcoute solidaire,
de techniques dorientation juridique, dindicateurs pour dtecter les
violences, et de techniques de documentation des cas de violence
Mesure 60 /
Construire un dispositif spcifique daccompagnement des femmes victimes
de violences vers lemploi:
Reprendre, garder ou trouver un emploi constitue un enjeu majeur pour
les femmes victimes de violences. Il sagit dune condition pralable
leur rhabilitation, autonomisation et mancipation.
Dans le processus de prise en charge, les intervenants doivent appuyer
les femmes dans llaboration de leurs projets professionnels et dans la
recherche demploi ou de formation. Des partenariats avec les acteurs
publics et privs demploi devraient tre mis en place ces fins.
Mesure 61/
Encourager la cration de groupes de parole entre femmes victimes de
violences pour un change dexprience et une plus grande solidarit:
Lexprience de terrain mene par les associations fministes a contribu
au dveloppement dun grand nombre de bonnes pratiques pour la prise
en charge des femmes victimes de violences. Parmi ces pratiques lon
51
peut citer les groupes de parole. Cet espace dchange entre femmes

Prise en charge
confrontes aux mmes difficults et traumatismes engendrs par les
violences, les aidera sortir de lisolement, reprendre leur confiance en
soi et dvelopper des liens de confidentialit, damiti et de solidarit.

Mesure 62/
Assurer une aide financire urgente aux femmes victimes de violences:
Une aide matrielle de base aux victimes de violence pour couvrir toute
dpense lie au sauvetage, au rtablissement et la rinsertion devrait
tre fournie par les structures de prise en charge.

Mesure 63/
Faire participer les femmes victimes de violences dans la gestion des quartiers
et les collectivits locales:
Mesure 64/
Encourager les femmes victimes de violence exercer leurs droits politiques:
Pour garantir leur autonomisation et leur citoyennet, les structures
de prise en charge devraient mettre en place des programmes de
sensibilisation des femmes leurs droits politiques. Ces programmes
peuvent aider les victimes de violence requrir leur citoyennet soit en
votant soit en se prsentant en tant que candidates; et influencer donc
les politiques de lutte contre les violences sexistes lchelle locale,
rgionale ou nationale.

Mesure 65/
Prioriser les femmes victimes de violences dans loctroi de logements sociaux:
Mme si les centres dhbergement sont vitaux, ils demeurent stigmatiss
et naident pas les femmes dpasser le statut de victimes. Il semble
plus adquat de faire bnficier les femmes adultes dun logement
social pour une meilleure intgration sociale.
Une rponse globale au flau de la violence lgard des femmes doit
englober invitablement la voie pnale. Par la pnalisation, ltat doit
exprimer une tolrance zro avec les auteurs des agressions physiques,
morales, sexuelles, conomiques et sociales. Les peines nonces doivent
tre la hauteur des crimes commis. A ces fins, la lgislation incriminant
et rprimant les violences doit contenir des mesures permettant de mettre
fin limpunit des auteurs de violence.

Il faut noter que mme si la Tunisie sest dote dun code pnal qui date
de 1913, ce dernier, est rest, par certains aspects, immuable, renfer-
mant travers les diffrents pisodes de son histoire, un socle de valeurs
incompressibles, considrant les violences lencontre des femmes plus
comme une atteinte lhonneur des hommes, que comme une agression
commise contre les droits et les liberts dune personne 14. La loi orga-
nique pour lradication des violences lgard des femmes devrait appor-
ter une modification profonde du code pnal tunisien.

Mesure 66/
Identifier les violences lgard des femmes des infractions lordre public:

Si lordre public se rsume aux notions de bon ordre, de scurit, de


salubrit et de tranquillit publique, celles-ci ne peuvent tre assures
en labsence de la scurit, de la tranquillit et du respect de la dignit
humaine des femmes.
Pourtant, plusieurs systmes juridiques, ont vit de prvoir des
poursuites judiciaires aux violences commises dans lespace priv
ou dans des rapports privs en jugeant mal lintervention de ltat et
des pouvoirs publics dans ce qui relve de la sphre prive ou alors en
prtendant quil est difficile de prouver les atteintes commises contre
les femmes au sein de la famille notamment les violences sexuelles. 55
Celles-ci ont merg dans limpunit raffirmant et renforant lordre
Pnalisation

patriarcal.
Certaines lgislations ont mme fait de la sphre prive une condition
dattnuation de la peine. Dautres ont prvu des procdures
14
Violences lgard des femmes : lois du genre, Sana Ben Achour, livre publi par EUROMED -Droits,
p.57, juin 2016.
discriminatoires sous le prtexte de la protection de lunit de la famille,
ce qui laisse entendre que les agresseurs ne faisaient quexercer leurs
droits traditionnels. Cest le cas du code pnal tunisien dans son article
218 selon lequel Tout individu qui, volontairement, fait des blessures,
porte des coups, ou commet toute autre violence ou voie de fait ne rentrant
pas dans les prvisions de larticle 319, est puni dun emprisonnement
dun an et dune amende de mille dinars (1000d). Si lauteur de lagression
est un descendant ou conjoint de la victime, la peine est de deux ans
demprisonnement et de deux mille dinars (2000d) damende. Sil y a eu
prmditation, la peine est de trois ans demprisonnement et de trois
mille dinars (3000d) damende. Le dsistement de lascendant ou du
conjoint victimes, arrte les poursuites, le procs, ou lexcution de la
peine.
La loi contre les violences lgard des femmes doit traduire lengagement
de ltat de mettre fin la violence fonde sur le sexe en prvoyant
explicitement larrestation ou les poursuites comme dintrt public et
en supprimant les dispositions contenues dans le code pnal qui tolrent
les violences contre les femmes et consacrent limpunit des auteurs.

Mesure 67/
Faire de la violence sexiste une condition daggravation de la peine:
Par le pass, lincrimination des violences restait insensible leur
spcificit comme violences fondes sur le sexe. En labsence de cette
comprhension de la violence, on infligeait, thoriquement, le mme
traitement juridique aux violences faites aux femmes quaux autres
formes de violence. En pratique, la plupart des actes de violence envers
les femmes sont mme punis moins svrement que les mmes actes
dans la sphre publique15.
Lampleur du phnomne lchelle mondiale, les recherches
scientifiques, conomiques et sociales et surtout les luttes indfectibles
des fministes, ont permis une prise de conscience de la particularit
du phnomne comme expression des rapports de force historiquement
ingaux entre les hommes et les femmes et comme un moyen de
15
Protger les femmes contre la violence, Etude analytique de la mise en uvre effective de la Recomman-
dation Rec(2002)5 sur la protection des femmes contre la violence dans les Etats membres du Conseil de
lEurope, Prpare par la Professeur Dr Carol Hagemann-White et Sabine Bohn Universit dOsnabrck,
Allemagne, Direction gnrale des droits de lHomme et des affaires juridiques Strasbourg, 2007 p. 36
http://www.coe.int/equality/fr.
contrler les corps des femmes, dentraver la jouissance de leurs droits
humains et dterniser le patriarcat.
Aujourdhui, tenant compte de ces considrations, plusieurs lgislations
pnales ont tendance faire de la violence exerce sur les femmes,
parce quelles sont femmes, une circonstance dalourdissement de la
peine. Le lgislateur tunisien devrait en faire de mme.

Mesure 68 /
Incriminer toutes les formes de violences exerces lencontre des femmes:
Les dispositions pnales doivent incriminer et sanctionner toutes les
formes de violences subies par les femmes, notamment les:
Violences physiques,
Violences morales,
Violences sexuelles,
Violences conomiques.
Actuellement, le droit pnal tunisien ne dfinit pas les violences et se
contente dincriminer quelques actes dagression. Dans la loi contre les
violences, il faudrait retenir les dfinitions avances par les instruments
internationaux pertinents comme la dclaration de 1993 sur les violences
faites aux femmes, la Convention dIstanbul de 2011, le Statut de Rome
instituant la Cour pnale internationale. En outre, la loi devrait prvoir
des peines la hauteur des infractions commises et des prjudices
quelles ont causs.

Mesure 69/
Rprimer la violence quelle soit commise dans lespace priv et /ou dans
lespace public et quelle que soit la qualit de son auteur:
Les tudes rcentes ont mis en vidence lampleur des violences exerces
sur les femmes dans lespace priv ainsi que dans lespace public. Si 57
dans la sphre prive, la violence est souvent exerce par des personnes
Pnalisation

non trangres la victime, dans la sphre publique, les auteurs de la


violence lui sont souvent inconnus. Pour assurer la scurit des femmes
et leur accs lespace public, il convient dincriminer tout acte de
violence dans la sphre prive comme dans la sphre publique.
Mesure70 /
Considrer les femmes violentes, les enfants leur charge et les tmoins des
violences, comme des victimes:
Pour minimiser les obstacles auxquels sont confrontes les femmes
violentes dans leur qute de justice, il convient de leur reconnaitre le
statut de victimes. Ce statut est dfini par la Dclaration des principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalit et aux
victimes dabus de pouvoir, Adopte par lAssemble gnrale des
Nations Unies, dans sa rsolution 40/34 du 29 novembre 198516 comme
suit :
1. On entend par victimes des personnes qui, individuellement ou
collectivement, ont subi un prjudice, notamment une atteinte leur
intgrit physique ou mentale, une souffrance morale, une perte
matrielle, ou une atteinte grave leurs droits fondamentaux, en
raison dactes ou domissions qui enfreignent les lois pnales en
vigueur dans un tat membre, y compris celles qui proscrivent les
abus criminels de pouvoir.
2. Une personne peut tre considre comme une victime , dans le
cadre de la prsente Dclaration, que lauteur soit ou non identifi,
arrt, poursuivi ou dclar coupable, et quels que soient ses liens de
parent avec la victime. Le terme victime inclut aussi, le cas chant,
la famille proche ou les personnes la charge de la victime directe et
les personnes qui ont subi un prjudice en intervenant pour venir en
aide aux victimes en dtresse ou pour empcher la victimisation .
Reconnaitre aux femmes subissant les violences le statut de victime leur
permettrait notamment le droit daccs la justice, le droit dtre trait
avec respect et dignit, le droit protection et assistance et le droit
rparation17.

http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/VictimsOfCrimeAndAbuseOfPower.aspx
16

FIDH , Les droits des victimes devant la CPI, https://www.fidh.org/IMG/pdf/4-manuel_victimesFR_


17

CH-I.pdf
Mesure71/
Prvoir laggravation de la peine pour les violences rptes:
Les actes de violences domestiques se rptent souvent. Afin de
renforcer son effet dissuasif, la loi devrait prvoir laggravation de la
peine en cas de rcidive.

Mesure 72/
Etendre laggravation de la peine toute personne ayant un rapport intime
avec la victime:
Le code pnal napplique laggravation de la peine que lorsque la victime
est lie par un contrat de mariage son agresseur. Or, les tudes menes
par lONFP en 2010 et le CREDIF en 2016 ont mis la lumire sur le fait
que les violences peuvent tre exerces aussi bien par lpoux que par
lex poux, le fianc ou lex-fianc et toute personne ayant une relation
intime avec la victime. Les conditions daggravation de la peine devraient
tre tendues ces agresseurs.

Mesure 73 /
Tenir compte de la situation de la victime dans laggravation de la peine:
Les circonstances daggravation doivent tenir compte de la situation
physique, mentale, conomique, sociale et juridique de la victime: de sa
particulire vulnrabilit comme la vieillesse, le handicap, la grossesse,
la maladie grave. Les peines doivent tre aggraves galement si la
victime de la violence est en prcarit juridique, cest--dire quand elle
est immigre ou rfugie.

Mesure 74/
Incriminer les maltraitances habituelles du conjoint:
Larticle 224 du code pnal punit de cinq ans demprisonnement et
de cent vingt dinars damende, quiconque maltraite habituellement un
59
enfant ou tout autre incapable de lun ou lautre sexe, plac sous son
Pnalisation

autorit ou sa surveillance, sans prjudice, le cas chant, des peines


plus svres prvues pour les violences et voies de fait. Est considre
mauvais traitement, la privation habituelle daliments ou de soins. La
peine est porte au double si lusage habituel de mauvais traitements a
provoqu un taux dincapacit suprieur 20% ou si le fait a t commis
en usant dune arme. La peine est de lemprisonnement vie, sil est
rsult de lusage habituel de mauvais traitements la mort (Ajout par
la loi n 95-93 du 9 novembre 1995).
Il faudrait tendre les dispositions de lart 224 du Code Pnal aux mauvais
traitements exercs par le conjoint sur son pouse.

Mesure 75/
Incriminer le harclementmoral au sein du couple:
Le harclement se caractrise par une succession de comportements,
qui peuvent tre insignifiants de prime abord, mais dont laccumulation
entrane une dgradation des conditions de vie de la victime.
Le fait de harceler son conjoint par des agissements rpts sous forme
de violence psychologique ayant pour objet ou pour effet une atteinte sa
dignit ou une dgradation de ses conditions de vie se traduisant par une
altration de sa sant physique ou mentale devrait tre rig en dlit de
harclement au sein du couple.

Mesure 76/
Incriminer les mutilations gnitales fminines:
Le code pnal tunisien punit la castration (article 221). En revanche,
les mutilations gnitales fminines ne sont pas incrimines. Il convient
donc driger en infraction pnale lexcision, linfibulation ou toute autre
mutilation de la totalit ou dune partie du clitoris dune femme.

Mesure 77 /
Reconnatre les agressions sexuelles en tant que telles et les pnaliser de ma-
nire adapte:
A limage des lgislations examinant les violences sexuelles sous langle
de la moralit, lordre public et le prtendu honneur, le Code pnal
tunisien place les violences sexuelles dans un chapitre intitul De
lattentat la pudeur.
Cet intitul permet de diminuer la gravit de lagression sexuelle en
en faisant une simple atteinte lhonneur et lordre moral. Or les
violences sexuelles commises contre les femmes et les enfants ont des
consquences dramatiques, sur leur sant, physique et mentale.
Le lgislateur tunisien devrait dfinir la violence sexuelle comme une
violation de lintgrit physique, sexuelle et morale de la victime. Ces
actes devraient tre punis de manire plus ou moins grave selon le
dommage et les squelles subis.

Mesure 78/
Adopter une dfinition complte du viol :
Le viol est svrement rprim dans le code pnal tunisien. Nanmoins,
conformment larticle 227 du Code Pnal dans sa version arabe qui
seule fait foi, le viol est lacte sexuel impos une personne de sexe
fminin.
Selon le lgislateur tunisien:
Seules les femmes peuvent tre victimes de viol,
Le viol est acte de pntration vaginale,
Le viol est un acte subi sous la contrainte et/ou la violence.
Ces lments quon peut dgager de larticle 227 ainsi que de son
application par les juridictions tunisiennes restent insuffisants sils ne
sont pas complts par:
La reconnaissance du viol comme une atteinte lintgrit physique,
sexuelle et morale de la victime quelle soit de sexe fminin ou
masculin ou autreet non comme une atteinte aux bonnes murs;
llargissement de lventail des actes constitutifs du crime de viol
dont la sodomie, le viol par voie anale ou par tout autre moyen.

Mesure 79/
Incriminer le viol conjugal: 61
Le viol ou les violences sexuelles perptres par lpoux ne sont
Pnalisation

explicitement pas incrimins. La jurisprudence a pourtant volu dans


le sens contraire. Ainsi, un arrt indit de la Cour de cassation tunisienne
en date du 5/12/1996 (n79402, non publi) a accept de sanctionner
pnalement le viol conjugal (larticle 227 ne linterdit pas) au motif que:
On ne peut considrer que lacte de mariage donne au mari un pouvoir
matriel et moral sur le corps de son pouse lautorisant en jouir sans
le consentement de celle-ci.
La lgislation devrait incriminer de manire explicite le viol et les
violences sexuelles quelle que soit la nature de la relation entre lauteur
et la victime.

Mesure 80/
Dfinir les violences sexuelles comme des actes non consentis et prciser les
lments constitutifs du consentement:
Le code pnal tunisien exige la violence et la contrainte pour reconnaitre
le viol. Or la plupart des actes dagressions sexuelles se font sans
violence. Pour cela, il faudrait revenir aux bonnes pratiques en usage
dans dautres pays et inverser la charge de la preuve en exigeant
lexistence dun consentement clair donn par la femme lactivit
sexuelle en question.
Cette mesure permettrait dviter le plus possible que la plaignante
ne soit nouveau transforme en victime quand elle ne parvient pas
prouver la violence ou la contrainte.

Mesure 81/
Incriminer les mariages prcoces:
Lge du mariage est fix pour les hommes et les femmes 18 ans
rvolus (article 5 CSP tel que modifi par la loi n2007-32 du 14 mai
2007). Il correspond depuis la loi du 26 juillet 2010 lge de la majorit.
Cependant, larticle 5 alina 2 du CSP prvoit que: Au-dessous de cet
ge, le mariage ne peut tre contract sans une autorisation spciale
du juge qui ne laccordera que pour des motifs graves et dans lintrt
bien compris des futurs poux. Le mariage en dessous de lge lgal
est gnralement autoris quand les fillettes sont enceintes, ou quand
elles ont subi un viol (en application de larticle 227 bis).
Ceci est une violation particulirement grave du droit international des
droits de lhomme en gnral, et des droits de lenfant en particulier.
Les mariages denfants de moins de 18 ans ou mariages prcoces
sont considrs comme des mariages forcs, par le comit de suivi de
lapplication de la Convention internationale des Droits de lEnfant (CIDE).
Il faudrait supprimer ces exceptions et incriminer les mariages forcs
dans la future loi contre les violences faites aux femmes.

Mesure 82/
Redfinir le harclement sexuel en ltendant une seule pression grave:
Le harclement sexuel est incrimin dans une section intitule outrage
public la pudeur, et ce, depuis 2004. Outre quelle ne sinscrit pas dans
le cadre des atteintes sexuelles lintgrit physique et morale de la
personne, la dfinition du harclement sexuel est imparfaite dans la
mesure o elle exige des actes rpts ou des pressions morales dans
un but sexuel.
Pour cela il faudrait considrer comme harclement sexuel tout acte,
parole, geste connotation sexuelle subi par une femme mme une
seule fois, dans le cadre professionnel (par un collgue ou suprieur
hirarchique), ducatif ou dans le cadre de la fourniture de biens et de
services

Mesure 83 /
Ne pas peser sur la victimela menace de dnonciation calomnieuse:
Comme pour dcourager les victimes de porter plainte pour harclement
sexuel, le lgislateur (article 226 quater) fait peser sur celles-ci la menace
de dnonciation calomnieuse en cas de non-lieu ou dacquittement,
notamment pour dfaut de preuves. A linstar des autres formes de
violences sexuelles, le harclement sexuel est gnralement difficile
prouver car fond sur des rapports dautorit il ne laisse que des traces
psychologiques et se fait labri des regards.
Cette disposition visant dissuader les victimes du harclement sexuel
63
Pnalisation

devrait tre carte.


Mesure 84/
Sanctionner le harclement sexuel dans le Code du travail:
Le harclement sexuel se produit souvent dans lenceinte du travail. Il
nest pourtant pas sanctionn par le code du travail tunisien. Il faudrait
introduire le harclement sexuel parmi les fautes graves et prononcer
les sanctions disciplinaires y affrentes.

Mesure 85 /
Nommer linceste en en faisant une infraction autonome commise contre
les enfants:
Linceste nest pas incrimin en tant que tel mais il est implicitement
consacr dans larticle 229 du code pnal pour ce qui est des relations
entre les ascendants et les descendants.
Pour cela il convient de dfinir linceste et de lincriminer pour lever le
silence et limpunit qui lentourent.

Mesure 86/
Faire de la discrimination une infraction pnale:
Rprimer les discriminations fondes sur le sexe car abolir la
discrimination sans en faire un dlit et une infraction punissable par la
loi conduira limpunit de ses auteurs et donc sa reproduction et sa
prennit.

Mesure 87/
Supprimer les cas dexemption des agresseurs:
Plusieurs dispositions du code pnal tunisien exonrent les auteurs
de violences lgard des femmes de la punition. Ainsi, selon larticle
227 bis, le mariage du coupable du viol de sa victime mineure arrte
les poursuites ou les effets de la condamnation. Il en va de mme pour
larticle 239 prvoyant que Le mariage de lauteur de linfraction avec
la fille quil a enleve a pour effet la suspension des poursuites, du
jugement ou de lexcution de la peine.
La loi pour radiquer les violences lgard des femmes devrait interdire
de telles exceptions.
Mesure88 /
Incriminer linapplication de la lgislation contre la violence par les auto-
rits comptentes:
La ngligence de certains agents chargs de lapplication de la loi de
lutte contre les violences dans lexercice de leurs fonctions constitue un
facteur signifiant favorisant la persistance des agressions lgard des
femmes et limpunit des agresseurs.
Pour garantir la mise en uvre effective de la loi et atteindre lobjectif
dradiquer les violences faites aux femmes, cette loi devrait prvoir
la sanction des autorits comptentes (juges, procureurs, avocats,
mdecins, ducateurs, personnel de la sant, assistants sociaux, agents
des forces de lordre) qui ne remplissent pas leur mission avec diligence
et loyaut dans les dlais requis.

Mesure 89/
Charger le parquet dengager doffice les poursuites des auteurs de violence
quel que soit le type de celle-ci ou le degr du prjudice quelle a engendr:
A cause de la peur, par manque dinformations pertinentes sur les
procdures judiciaires ou encore par dpendance conomique ou
affective, les victimes de violences hsitent engager les procdures
judiciaires en particulier les procdures pnales.
La lgislation devrait prciser quil incombe au parquet de poursuivre
les auteurs des violences contre les femmes considres comme des
infractions lordre public.
Dans larticle 55 de la Convention dIstanbul les Etats doivent veiller ce
que la procdure puisse se poursuivre mme si la victime se rtracte ou
retire sa plainte, car souvent le dsistement de la victime est li aux
circonstances de fragilit quelle encourt ou alors aux pressions quelle
subit de la part de son agresseur ou de son entourage proche. 65
Mesure 90/
Pnalisation

Les prcdents violents de lagresseur devraient tre pris en considration


durant les procdures judiciaires ultrieures:
Les juges ont souvent tendance rejeter les lments de preuves
avancs par la victime sils concernent des agressions prcdentes.
Ainsi, les anciens certificats mdicaux, tmoignages, ou encore les
plaintes dposes tardivement par les victimes ne sont pas pris en
considration par les juridictions tunisiennes. Celles-ci nexaminent
et ne tiennent compte que des lments de preuve qui concernent le
dernier acte dagression.
Cette pratique nglige laspect rptitif de la violence ce qui affaiblit les
chances de la victime pour obtenir justice.
La loi sur les violences faites aux femmes devraitretenir tous les
lments de preuves prsents par la victime et en tirer des conclusions
en sa faveur.

Mesure 91/
Interdire dvoquer des lments relatifs au pass sexuel de la victime des
violences:
Afin dchapper aux poursuites pnales ou pour rduire les peines infliges
aux violences sexuelles, les agresseurs voquent la conduite sexuelle de
la plaignante. Les tribunaux tunisiens ont t confronts une situation
similaire dans le cadre de laffaire de Meriem Ben Mohamed.

En effet, en septembre 2012, deux agents des forces de lordre ont viol
une jeune femme pendant quelle tait en compagnie avec son ami.

Des campagnes de diffamation visant inverser les rles et laisser pen-


ser que la prsence de la victime permet la ralisation du crime quelle a
subi ont t menes contre la victime et la dfense des agresseurs sest
base sur ces lments pendant la procdure judiciaire.

LATFD et la FIDH qui se sont constitues dans ce dossier pour dfendre


la victime devant la justice tunisienne ont appel celle-ci rejeter ces
lments de dfense18.

La lgislation devrait interdire que soient considrs les lments du


comportement sexuel de la victime sans lien avec les actes faisant lobjet
de la procdure judiciaire.
18
https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/tunisie/15067-la-reponse-de-la-justice-tuni-
sienne-au-viol-de-meriem-est-insatisfaisante
Mesure 92/
Rendre obligatoire lanalyse rapide des lments de preuve mdicaux et
mdicolgaux notamment dans les cas de violences sexuelles:
Les victimes de violences sexuelles doivent dabord signaler le crime la
police ou un procureur. Elles doivent ensuite subir un examen mdical,
qui peut tre effectu par un mdecin lgiste, un gyncologue ou un ur-
gentiste. Un mdecin lgiste ne peut examiner une victime si lexamen ne
lui a pas t officiellement demand19. Des contraintes de cet ordre sont
particulirement problmatiques lorsquil sagit de violences sexuelles,
dans la mesure o un examen retard peut aboutir la perte de preuves.
De plus, les mdecins lgistes ne peuvent pas prodiguer de soins mdi-
caux, ce qui signifie que les victimes doivent subir plusieurs examens ; non
seulement ceci bafoue leur droit la sant mais cela entrane galement
une aggravation des traumatismes physiques et mentaux.

Les procdures pnales devraient tre modifies pour que les juridictions
examinent sans dlai les lments de preuve mdicaux et mdicolgaux
notamment dans les cas de violences sexuelles.

Mesure 93/
pargner les enfants victimes dabus sexuel de toute confrontation avec
lagresseur:
Confront son agresseur dont il a peur, lenfant gnralement se r-
tracte. Il est ncessaire dcarter toute possibilit de confrontation entre
lenfant et son agresseur.

Mesure 94/
Instaurer une procdure spciale denqute dans les cas dabus sexuel subi
par les enfants:
Aucune procdure spciale nest prvue dans la loi dans les investiga-
67
tions et pendant les enqutes judiciaires autour des abus sexuels subis
Pnalisation

par les enfants. Ces derniers sont traits selon les mmes dmarches
que les autres enfants y compris les dlinquants. Ainsi, cout plusieurs

19
Amnesty international, COMMUNICATION AU COMIT DES DROITS CONOMIQUES, SO-
CIAUX ET CULTURELS [ONU], 59E SESSION, 19 SEPTEMBRE-7 OCTOBRE 2016
file:///C:/Users/HP/Desktop/101mesure%20-Final/MDE3045752016FRENCH.pdf
fois par plusieurs personnes (famille, police judiciaire, dlgu la pro-
tection de lenfance, juge dinstruction.), lenfant victime a le sentiment
de ntre pas cru, voit donc sa souffrance se prolonger et risque de trier
les souvenirs de lacte quil a subi.

Au regard de ces constats, il faudrait instituer une procdure spciale


pour ne recueillir la parole de lenfant quune seule fois et lenregistrer.

Mesure 95 /
Allonger les dlais de prescription en matire dinceste et dabus sexuels com-
mis contre les enfants:
Les enfants victimes dabus sexuels et notamment dinceste ne parlent
pas et sont souvent atteints damnsie. Quand la mmoire leur revient,
le crime est souvent prescrit. Lagresseur bnficie de la prescription,
mais lenfant souffre sa vie durant do la ncessit dallonger les dlais
de prescription.

Mesure 96/
Prvoir des dlais raisonnables de la procdure judiciaire:
Les plaignantes sont contraintes abandonner les procdures judi-
ciaires quand elles ne sont pas engages de manire rapide ou quand
elles durent longtemps. Ceci est le cas souvent quand lagresseur est en
tat de libert.

Pour y remdier, la loi contre les violences devrait envisager des pro-
cdures rapides et des dlais raisonnables pour lenqute et le procs
portant sur les violences lencontre des femmes.

Mesure 97/
Assurer laide judiciaire pour laccs des victimes de violences la justice:
Lorientation et laide judiciaires devraient tre fournies aux victimes de
violence dans les procdures pnales et civiles. Ces services devraient
tre gratuits et immdiats. Cet accompagnement permettrait aux vic-
times de suivre leurs dmarches et dtre informes sur leur avance-
ment et leur sort.
Mesure98/
Prvoir la rparation adquate, effective et rapide du prjudice subi par les
victimes de violences:
Bien que prvues par le droit tunisien, les indemnisations prononces par
les juridictions tunisiennes pour les violences dont souffrent les femmes
restent presque drisoires. Il sagit ici de lune des manifestations fla-
grantes de lignorance des violences sexistes et de leurs consquences
par les agents de la justice tunisienne.

Lindemnisation devrait tre accorde pour tout dommage de manire


proportionne la gravit de la violation et aux circonstances de la com-
mission de lacte violent. Le dommage donnant droit indemnisation
peut rsulter:

du prjudice physique, sexuel ou psychologique,

des occasions rates en ce qui concerne lemploi, lducation

des frais encourus pour lassistance en justice ou les expertises, pour


les mdicaments et les services mdicaux et pour les services psycho-
logiques et sociaux.

La loi contre les violences devrait intgrer ces lments dans lvaluation
du dommage subi et de la rparation de la victime.

Mesure 99/
Crer un fond de rparation des victimes de violences sexistes:
La violence tant une atteinte aux droits humains elle relverait de la
responsabilit de lEtat qui doit veiller au respect de ces droits et rpa-
rer les prjudices que les femmes subissent du fait de leur violation. La
rparation des violences lgard des femmes devrait tre la responsa-
bilit de lEtat.
69
Dans ce sens, les Principes des Nations unies pour la protection et
Pnalisation

la promotion des droits de lHomme par la lutte contre limpunit


les Principes Joinet / Orentlicher prvoient que toute viola-
tion dun droit de lHomme fait natre un droit rparation en faveur
de la victime ou de ses ayants droit qui implique, la charge de lEtat,
le devoir de rparer et la facult de se retourner contre lauteur 20.

A cet gard, il convient de crer un fond spcifique la rparation des


victimes des violences sexistes.

Mesure 100/
Prvoir la possibilit au tribunal dimposer aux auteurs dagression des
peines de substitution:
En plus des peines prvues par la loi, il convient de prvoir la possibi-
lit dinfliger aux agresseurs des peines de substitution dont le travail
dintrt gnral ou lobligation pour lauteur de violence de suivre un
programme dintervention spcialement conu.

20
Lvolution de laccs des victimes la justice, FIDH.
https://www.fidh.org/IMG/pdf/4-manuel_victimesFR_CH-I.pdf
Conclusion

Lradication des violences lencontre des femmes, un pas vers


la dignit, lgalit, la justice sociale, la paix et la dmocratie

La rhabilitation des femmes victimes de violences en vue de leur


intgration dans le processus de dveloppement doit tre un impratif pour
tous les intervenants et doit maner dun choix politique de dmocratie
participative, dEtat de droitet en faveur dun modle de dveloppement
humain bas sur la justice sociale et la rpartition quitable des richesses.

Elle doit se rfrer aux droits humains universels dans leur globalit,
leur interdpendance, leur inalinabilit et leur indivisibilit. Il est clair
que les mesures prsentes dans ce document ne peuvent avoir deffet
sans ladoption dun modle de socit et de dveloppement en harmonie
avec les principes dgalit et de non-discrimination entre les citoyennes
et les citoyens dans la loi et devant la loi.

Lradication des violences lencontre des femmes est une condition


ncessaire pour la dignit et la libert des femmes. Cest une priorit pour
affronter les dfis scuritaires, politiques, conomiques et sociaux.

Lradication des violences contre les femmes doit tre accompagne


par des politiques intgres et des stratgies multisectorielles o lEtat
assume la premire responsabilit. Ladoption de ce projet de loi organique,
mme avec ses insuffisances, ne peut quengager la Tunisie dans la voie
de la dmocratie, de la paix et du dveloppement durable.
Acronymes / Glossaire
ARP : Assemble des reprsentants du peuple

ATFD : Association Tunisienne des Femmes Dmocrates

FIDH : Fdration Internationale des Droits de lHomme

CEOFVV : Centre dcoute et dorientation des femmes victimes de


violences

CREDIF : Centre de Recherches, dEtudes, de Documentation et


dInformation sur la Femme

CEDAW : Convention de llimination de toutes les formes de discrimination


lgard des femmes

ONU : Organisation des Nations Unies

OIT : Organisation international du travail

CSP : Code du statut personnel

CDD : Contrat dure dtermine

ONFP : Office National de la Famille et de la population

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour lEducation, la science et


la culture

HAICA : Haute Autorit Indpendante pour la Communication Audiovisuelle

IPSI : Institut de Presse et des Sciences de lInformation

CADHP : Commission africaine des droits de lHomme et des peuples

JP : Police Judiciaire

CMI : Certificat Mdical Initial

CIDE : Convention internationale des Droits de lEnfant

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