Par Aurélien Boutaud, Docteur en sciences et génie de l'environnement, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom et Natacha Gondran, Enseignante-chercheuse en évaluation environnementale, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom
C’est devenu un rituel estival. Un peu comme la fête de la Musique ou le Tour de France. Chaque été, au mois d’août, alors que les Français n’aspirent qu’à profiter de leurs vacances, une information dramatique se met à circuler dans les médias : le Jour du dépassement écologique est arrivé !
À partir de cette date fatidique, et jusqu’à la fin de l’année, l’humanité va donc vivre à crédit de la nature. On imagine aisément le vacancier, sur la plage ou au camping, apprenant par la magie des ondes la nouvelle de cet effondrement annoncé.
La Terre va-t-elle cesser de tourner après le premier août ? Eh bien… non. Pas de panique (enfin, pas tout de suite). Cette année encore, la Terre continuera de tourner après le Jour du dépassement. En attendant, essayons de comprendre comment est calculée cette date et quel crédit scientifique il convient de lui accorder.
L’empreinte écologique, c’est sérieux ?
Le jour du dépassement écologique s’appuie sur les résultats de l’« empreinte écologique », un indicateur inventé au début des années 1990 par deux chercheurs de l’Université de Vancouver. Mathis Wackernagel et William Rees cherchaient à élaborer un outil synthétique permettant de mesurer le poids de l’activité humaine sur la biosphère. Ils eurent alors l’idée d’estimer les surfaces de terre et de mer qu’il conviendrait de mobiliser pour répondre aux besoins de l’humanité.
Plus précisément, l’empreinte écologique mesure deux choses : d’un côté, les surfaces biologiquement productives dont il faut disposer pour produire certaines ressources renouvelables (alimentation, fibres textiles et autre biomasse) ; de l’autre, les surfaces dont il faudrait disposer pour séquestrer dans la biosphère certains polluants.
Au tournant des années 2000, le concept a rencontré un tel succès qu’une multitude de travaux ont été publiés, participant à rendre le calcul de l’empreinte écologique de plus en plus solide et détaillé.
Aujourd’hui, en s’appuyant sur des centaines de données statistiques, l’ONG Global Footprint Network estime l’empreinte écologique de l’humanité à environ 2,7 hectares par habitant. Cette moyenne mondiale cache toutefois d’énormes disparités : tandis que l’empreinte écologique d’un Étasunien dépasse les 8 hectares, celle d’un Afghan est inférieure à 1 hectare.
Surconsommation des ressources
Il va de soi que les surfaces biologiquement productives ne sont pas présentes sur Terre en quantité infinie. D’où l’intérêt de comparer l’empreinte écologique de l’humanité avec la biocapacité de la planète. Cette dernière représente environ 12 milliards d’hectares (de forêts, de champs cultivés, de pâturages ou encore de surfaces de pêche), soit en moyenne 1,7 hectare par habitant pour 2012.
La comparaison entre empreinte écologique et biocapacité aboutit donc à ce constat implacable : l’humanité consomme chaque année davantage de services issus de la biosphère que celle-ci est capable d’en régénérer. Il faudrait un peu plus d’une planète et demie pour satisfaire nos besoins de manière pérenne. Une autre manière de le dire, c’est qu’une fois arrivée au mois d’août, l’humanité a consommé l’équivalent de ce que la biocapacité mondiale est capable de fournir en un an.
Voilà donc comment est né ce fameux Jour du dépassement écologique...
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation (891 hits)