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3 questions à Ibrahima Diatta, Président de la Plateforme locale de l'eau de Diender-Kayar



  • Ibrahima Diatta est le président de la Plateforme locale de l’eau (PLE)* de Diender-Kayar, au Sénégal. Après avoir suivi des études de biologie végétale à l’université de Cheikh Anta Diop, il a finalement choisi de devenir entrepreneur agricole, exploitant 3 hectares en arboriculture et maraîchage. Préoccupé par les questions de ressources en eau, il s’est largement investi dans la plateforme pour défendre les intérêts des acteurs de son territoire jusqu’à être élu président de la PLE en août 2019.

    Qu’évoque pour vous la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) à l’échelle locale ?

    Globalement, il s’agit pour moi de permettre à la population de prendre en main sa destinée pour régler le présent et mieux envisager le futur. Nos ressources en eau – notre bien commun – sont dans un état critique. Il faut d’abord en prendre conscience pour susciter un changement. La GIRE, c’est donc d’abord comprendre les ressources en eau présentes, et comment les populations du territoire en dépendent (agriculture, industrie, eau potable, etc.).

    Ensuite, cela implique de faire bouger les lignes : de faire émerger et reconnaître une structure organisée comme interface entre l’Etat et la population. La GIRE est un moyen de questionner les rôles et responsabilités de chacun (usagers, gestionnaires, autorités) dans le développement de notre territoire, y compris pour sa préservation. Cela permet d’intégrer les dimensions démocratique, sociale et écologique dans la gestion des ressources en eau, sujet encore trop restreint à un cadre technico-administratif centralisé. Je pense que la GIRE locale, contrairement à la GIRE nationale, doit être proche de la base pour être efficiente et se propager petit à petit aux autres communes.

    Mais tout cela n’est pas évident, car la PLE est parfois vue comme « un empêcheur de tourner en rond » par des industriels ou même par certaines collectivités locales ou autorités qui perçoivent l’engagement citoyen comme une menace. Nous cherchons donc avant tout à convaincre la population, à travers nos actions, que leurs préoccupations sont prises en compte.

    Comment avez-vous perçu l’intervention du Gret ?

    Le Gret a contribué à l’émergence d’un savoir collectif de manière ludique, ce que nous avons beaucoup apprécié et ce qui nous a fortement rassemblés. Pour cela, il a parfois même dû « aller au charbon » auprès des autorités pour trouver les informations dont nous ne disposions pas !

    Le Gret a adopté une approche inclusive et a réussi à créer une synergie dans l’intercommunalité de Diender-Kayar. Il a dessiné un canevas pour structurer notre organisation et élaborer les plans locaux de gestion intégrée des ressources en eau (PLGIRE), mais nous a laissé la possibilité d’être force de propositions, en prenant soin ensuite de porter les idées que nous avions formulées devant les autorités étatiques.

    Plusieurs choses distinguent l’action du Gret de celles que nous avions l’habitude de voir auparavant et qui faisaient long feu : le rythme soutenu des ateliers (un par mois pendant un an), les propositions originales de gouvernance telles que le mode d’élections (vote de valeur), ou encore le choix de l’organe exécutif (le comité directeur de la plateforme est composé des membres ayant assisté au moins aux 2/3 des ateliers).

    Enfin, le Gret a su générer de la confiance et insuffler une bonne ambiance dans un groupe assez hétéroclite, en nivelant les différences et en nous rassemblant autour d’un objectif commun, celui de la GIRE.

    Le prochain Forum mondial de l’eau aura lieu à Dakar, en mars 2021. Quels sont vos attentes vis-à-vis de cet événement ?

    D’abord, avant cela, il faudrait que les acteurs des plateformes locales de l’eau bénéficient de renforcements de compétences pour assurer leurs missions de GIRE locale, qu’ils soient dotés de moyens logistiques et qu’ils puissent mettre en œuvre des actions de visibilité pour aider à faire connaître les PLE, pour qu’elles soient plus fédératrices encore. Le Gret nous accompagne d’ailleurs sur plusieurs points.

    Concernant le Forum mondial de l’eau, nous souhaiterions pouvoir présenter nos activités de GIRE locale et voir comment mieux les articuler à l’échelle nationale. En vulgarisant notre expérience, nous espérons également que notre modèle puisse inspirer les autres territoires du Sénégal, voire d’ailleurs ! Et à notre tour, nous aimerions bénéficier d’un partage d’expériences avec des initiatives ayant cours dans d’autres pays, afin de mieux outiller notre plateforme.

    Enfin bien sûr, le Forum mondial de l’eau est aussi une opportunité pour nous de rencontrer de nouveaux partenaires et de leur exprimer nos besoins, à savoir : accompagner notre prise d’autonomie pour la gestion intégrée des ressources en eau à l’échelle de notre territoire !

     

    *En 2018, dans le cadre de la recherche-action sur la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) dans la zone des Niayes au Sénégal, le Gret a appuyé la construction de deux plateformes locales de l’eau (PLE) – l’une dans la commune de Mont Rolland, l’autre dans les communes de Diender et Kayar. En parallèle d’un travail progressif sur le modèle de gouvernance de ces structures, des plans locaux de gestion intégrée des ressources en eau (PLGIRE) ont été co-élaborés. A présent, le Gret travaille au renforcement de capacités des plateformes et à l’appui de la mise en œuvre de leurs PLGIRE.

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