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Vers une intégration effective du genre au sein de la gouvernance environnementale



  • La nécessité d'inclure une approche sensible au genre dans la mise en oeuvre de politiques et de programmes relatifs au changement climatique est soulignée depuis quelques années. En effet, hommes et femmes sont touchés différemment par les effets néfastes du changement climatique qui exacerbent les disparités socioéconomiques ainsi que les inégalités entre les sexes. En outre, les inégalités dont pâtissent les femmes dans de nombreux domaines sont le résultat d'une construction sociale qui aboutit à des droits économiques, sociaux, politiques et culturels différents. Par conséquent, le changement climatique n'est pas "neutre" du point de vue du genre.

    Les femmes ont cependant démontré qu'elles n'étaient pas "victimes" d'un climat changeant et ont ainsi réussi à être reconnues comme des puissants agents de changement, disposant de connaissances et de compétences spécifiques et précieuses concernant aussi bien l'atténuation que l'adaptation au changement climatique. 

    Cependant, le changement climatique a principalement été perçu comme un problème purement scientifique et technique. Par conséquent, les discussions internationales ont largement ignoré l'aspect genre, pourtant essentiel.  La Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et le Protocole de Kyoto ne font d'ailleurs quasiment aucune mention au genre.

     

    L'émergence progressive du "genre" au sein des instruments juridiques internationaux

    Toutefois, depuis une trentaine d'années, de nombreux instruments juridiques internationaux ont reconnu l'importance de généraliser l'égalité des sexes pour la réalisation des droits humains, du développement durable et l'éradication de la pauvreté. Parmi ceux-ci, on peut citer l'Agenda 21 (1992), la Plate-forme d'Action de Beijing (1995), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1997 (CEDEF),  la Déclaration du Millénaire (2000), le Plan de Mise en oeuvre du Sommet Mondial sur le Développement Durable (SMDD) de 2002, la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Diversification (CNULCD) et le Cadre d'action de Hyogo (2005).

    Ces instruments ont notamment permis de souligner l'importance que revêt la participation active des femmes dans les décisions environnementales et l'intégration du genre dans les politiques et les programmes de développement durable. Ces instruments juridiques internationaux "reflètent l'évolution des idées et des tendances qui guident la réflexion et l'action des Etats, des organisations internationales, du monde académique et de la société civile[1]".

     

    Des limites persistantes au niveau international et national

    Malgré des efforts réalisés par la communauté internationale en faveur d'une généralisation de l'analyse selon le genre, force est de constater que des freins persistent, tant au niveau international que national. En effet, lors de la transposition des politiques au niveau national et local, les problèmes liés notamment à la gouvernance, au déficit d'information, de ressources, de technologies et de connaissances, ou encore le manque de volonté politique affichée pour intégrer la perspective genre font défaut.  A cet égard, on peut citer l'exemple de certains Plans d'Actions Nationaux d'Adaptations (PANA)[2]. Malgré une reconnaissance de la vulnérabilité particulière des femmes face aux impacts néfastes du changement climatique ainsi que de leurs rôles et connaissances spécifiques, il s'avère que "peu en examinent les implications de manière spécifique au statut économique, politique et social de la femme. Et peu encore incluent les femmes comme parties prenantes et participantes à part entière dans les activités proposées.[3]" En dépit d'exemples de bonnes pratiques, une étude réalisée par le Comité consultatif du genre de l'Office de Coordination de l'Aide Humanitaire des Nations Unies (OCHA) en 2009 sur 39 PANA, a révélé que "très peu (de PANA) ont démontré un engagement à l'égalité de genre dans les projets, en dépit du fait que plusieurs ont déclaré être guidés par l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes.[4]"

    De plus, au sein des organismes internationaux d'élaboration des politiques, on observe un manque d'expertise en matière de genre, une consultation limitée avec les parties intéressées ainsi qu'une sous-représentation des femmes dans le processus de prise de décision.

     

    Les réseaux, acteurs-clés pour généraliser l'analyse selon le genre au sein des politiques relatives au changement climatique

    Des efforts doivent donc continuer à être effectués afin d'inclure explicitement les considérations liées à l'égalité de genre et afin d'établir le lien entre genre et changement climatique. Au sein de la gouvernance environnementale, il est également nécessaire d'accroitre la consultation et la participation des femmes - notamment celles des pays en développement - dans les négociations. En outre, le renforcement de réseaux sensibles au genre, s'avère constituer une opportunité pour que les voix des femmes puissent être entendues auprès de la communauté internationale tout en permettant d'apporter une expertise enrichissante et essentielle. C'est d'ailleurs dans cette optique qu'a eu lieu à Paris le 27 et 28 janvier 2011, le premier séminaire francophone sur le Genre et le Changement Climatique, ayant pour but de créer un réseau d'experts francophones en la matière et de renforcer la position des pays francophones sur l'égalité de genre lors des prochaines négociations internationales sur le climat qui se tiendront, fin 2011, à Durban (Afrique du Sud). La constitution de ce réseau permettra donc aux Francophones de se faire entendre dans un débat, qui jusqu'à présent, a été largement favorable aux Anglophones, et ce par manque d'efforts de traduction. Les Francophones pourront ainsi créer du lien avec d'autres réseaux existants, conjuguer leurs efforts et parler d'une voix commune pour que l'analyse selon le genre se généralise au sein de la gouvernance environnementale.

     


    [1] Aguilar L. et al. (2008), CBD gender Plan of Action, UNEP/CBD/COP/9/INF/12/R, 23 Mai 2008

    [2] Dispositif lancé par la CCNUCC pour aider les pays les plus menacés par, et/ou déjà aux prises avec, les effets du changement climatique

    [3] UNFPA, WEDO, " Mettre les PANA au service des femmes " in Climate Change Connections. Gender & Population, 2009, disponible sur : http://www.unfpa.org/public/publications/pid/4028

    [4] UNFPA, WEDO, op.cit.

     

    [gvncecc] [RESGECC]

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