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Désertification au Niger



  • Niger : Les paysans domptent la désertification

    Plus de 250.000 ha de terres jadis dégradées ont été récupérées, restaurées et réaménagées par les paysans nigériens ces dix dernières années. Des chercheures du Nord et d’Afrique, réunis, du 20 au 21 septembre 2006 à Niamey, dans un atelier de restitution des résultats d’une étude sur les impacts des investissements en matière de gestion des ressources naturelles, ont établi des «améliorations positives dans le récupération des terres dans certaines zones nigériennes » a noté le Professeur Chris Reij, spécialiste des ressources naturelles à l’Université d’Amsterdam.

    La désertification n’est plus une fatalité

    Selon le Professeur Reij « tout le monde est en train de penser que les arbres disparaissent au Niger, que l’environnement se dégrade continuellement, mais nous avons remarqué au cours de nos missions sur le terrain, depuis 10 voire 20 ans, qu’il y a plus d’arbres que de populations ». Dans sa synthèse, le groupe multidisciplinaire composé de chercheurs de l’Université de Niamey, de l’Institut nigérien de recherches agronomiques (INRAN) et des instituts européens, a noté que « les villages avaient 10 à 20 fois plus d’arbres en 2005 qu’en 1975 ».

    L’agro-forestier Larwanou Mahamane de l’INRAN pense qu’ « effectivement on peut dire que ce phénomène (la désertification) est maitrisée dans nos zones d’étude. D’après ce que nous avions vu sur le terrain, on peut affirmer que la désertification n’est plus une fatalité. C’est un phénomène maitrisable qui ne résiste pas à l’engagement constant des populations locales qui se sont investies dans la récupération des espaces dégradés ». Toutefois, note le géographe Yamba Boubacar de l’université de Niamey, « tout n’est pas absolument rose : à côté des succès, il faut noter qu’il y a des endroits où les projets ont …échoué, l’érosion a même repris ». Le géographe reconnait que « ces échecs sont tout à fait inférieurs par rapport aux énormes acquis dans la restauration des terres ».

    Niveau de l’eau relevé, productions agricoles accrues

    La sécheresse des années 1970 et 1980 a contribué à des famines, des pertes de bétail, à l’érosion et à la diminution de la production agricole. Mais tout cela n’est qu’un vieux souvenir car à l’heure actuelle les chercheurs notent, images à l’appui, « une diminution de la vulnérabilité à la sécheresse, un accroissement des productions agricoles ainsi que l’augmentation du niveau de l’eau dans les zones de Tahoua et Zinder, objet de l’étude » selon M. Larwanaou Mahamane. Pour sa collègue, Germaine Ibro, auteure d’une étude sur les impacts socio-économiques en matière de gestion des ressources naturelles dans la zone de Tahoua et Zinder, « il y a eu une diversification du revenu des ménages et un contrôle local des ressources ». En plus de la remontée de la nappe phréatique dans le village de Batodi et la vallée de Keita, à l’est du pays, les cultures de contre-saisons, qui y découlent, ont eu un « impact positif » sur l’émancipation des femmes rurales de cette zone.

    La réhabilitation des terres amoindrit l’impact de l’insécurité alimentaire

    Les terres dégradées qui étaient vendues à 80.400 FCFA s’achètent à 145.400 FCFA une fois restaurées, soit un taux d’accroissement de 81 %.
    La protection des arbres par les producteurs est « extraordinaire au Niger, car elle a permis de dépasser plus de 3 millions d’hectares » se félicite Professeur Reij. Et si l’on jette un regard sur l’évolution des cultures maraichères, il y a « une forte extension des zones irriguées qui étaient auparavant totalement sous l’emprise de la décrue ». En fait souligne le chercheur « en 1980, la production de l’oignon était de 100.000 tonnes, actuellement, selon la FAO, elle est de 270.000 tonnes. Et probablement il y a des sous-estimations puisqu’il existe beaucoup de périmètres aménagés dans la région de Tahoua qui ne sont pas suivis ».
    Les économistes établissent que les investissements, dans ce domaine, ont été « économiquement profitables ». Et ils exhortent les décideurs à accroitre le taux d’investissement dans l’agriculture et la gestion des ressources.

    Atteindre les Objectifs du Millénaire par la restauration des terres

    L’affaiblissement de l’intérêt porté par les bailleurs de fond pour le financement de l’agriculture au Niger a incité des chercheurs à mener une étude sur les efforts déployés par le Niger en matière de restauration de l’environnement. Des recherches ont établi les avancées « satisfaisantes » enregistrées dans le cadre de l’atteinte des Objectifs du Millénaire à travers la récupération des terres. Par rapport à l’éradication de l’extrême pauvreté et la faim, « nous notons un accroissement certain des terres de culture dans nos zones d’étude couplé à une augmentation de la production et de la productivité » s’auto-félicite Dr Tahirou.

    Entre autres objectifs contenus dans la déclaration du Millénaire sur le développement, l’expérience du Niger en terme de gestion des ressources naturelles révèle « plus d’accès à l’école, car les projets construisent des salles de cours, plus d’opportunité économique pour les femmes grâce à la pratique de l’élevage et aux activités de maraichage ainsi que la diversification et l’amélioration de l’alimentation, ce qui réduit le taux de mortalité infantile dans ces zones » ajoute Mme Ibro.

    Le Professeur Reij note « un développement du capital social et un investissement à grande échelle des producteurs eux-mêmes dans la gestion des ressources naturelles. » Seulement avertit-il, « j’ai beaucoup peur pour l’avenir de ces acquis au regard du poids galopant de la démographie au Niger. » Les paysans se disent « conscients des acquis mais cherchent à intensifier davantage » car ayant « plusieurs bouches à nourrir. »

    En 2050, la population du Niger, qui est actuellement de 12 millions, passera à 78 millions, une situation qui n’est pas loin de diluer les gains…Plus prés de nous, en 2015, la population rurale nigérienne estimée à 9 millions en 2001 sera de 13 millions.
    Naturellement la forte croissance démographique débouchera sur « une surexploitation des ressources naturelles entraînant une baisse de la productivité des écosystèmes terrestres et aquatiques. »

    SAIDOU Djibril/Niamey/Niger
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