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Un potager à Kuujjuaq



  • La création de serres agricoles au Nunavik permettrait un meilleur accès à une variété de fruits et de légumes, en plus d'être un outil de réintégration sociale

    Doctorante en sciences géographiques, Ellen Avard revient tout juste d'un séjour d'une semaine à Kuujjuaq au Nunavik où elle a présenté les conclusions d'une étude sur la perception des serres agricoles dans cette région arctique du Québec où les fruits et les légumes ne poussent pas comme des champignons et coûtent très cher. Aux fins de cette recherche dont elle tenait à communiquer personnellement les conclusions aux répondants, Ellen Avard avait demandé à 31 personnes quelle était leur part du budget alimentaire accordée à l'achat de fruits et légumes. Dix-neuf répondants ont ainsi affirmé consacrer "pas mal" d'argent à ce type de denrée, soit environ un quart de leur budget alimentaire. À la question: "En général, est-ce que les membres de votre famille aiment les fruits et les légumes?", près de la moitié des répondants  ont répondu "beaucoup" et dans une moindre mesure "énormément". "Même s'ils sont parfois très chers, les gens achètent des fruits et des légumes dans les épiceries de Kuujjuaq, souligne Ellen Avard. Les personnes les plus démunies en achètent moins, comme partout ailleurs. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une demande." 

    Carottes, haricots et laitues
    Lors de sa recherche, Ellen Avard a également testé l'intérêt des habitants du village pour le jardinage et les serres. Près de 25 répondants ont affirmé être intéressés par le jardinage et environ le même nombre envisageait positivement la consommation de produits frais provenant d'une serre locale. "L'intérêt est bel et bien là, martèle la chercheuse. Au Nunavik, 60 % des gens ont moins de 30 ans. C'est très bien d'avoir un projet mobilisateur autour de quelque chose qui intéresse tout le monde comme la nourriture. On vise à donner aux personnes une certaine autonomie alimentaire, particulièrement en ce qui concerne les légumes de potager comme les carottes, les haricots et la laitue." Cela dit, une serre abritant un petit jardin communautaire comptant une dizaine de lopins a actuellement pignon sur rue à Kuujjuaq. Faute de ressources techniques, l'initiative ne répond cependant pas à la demande de tous les résidents qui désirent jardiner. Il existe également plus d'une vingtaine de petites serres privées abritant plusieurs types de végétaux dans le village et autour de celui-ci. "J'ai été surprise de voir l'attrait des gens pour les plantes d'intérieur, affirme Ellen Avard. Ils sont plusieurs à en posséder et à en faire fleurir dans leurs maisons. La plupart de ces plantes sont achetées dans le Sud, mais les gens font également des échanges de pousses entre eux."

    Selon la chercheuse, les gens du village semblent vouloir améliorer et agrandir leur serre existante. Il y aurait aussi de l'intérêt pour un projet pilote régional misant sur le développement d'un centre de recherche et de transfert de technologie, avec pour but ultime la production dite "commerciale" de fruits et légumes dans le Nord. "Des initiatives de serres agricoles peuvent concrètement aider au développement durable des communautés arctiques par l'appropriation locale des facteurs de production et de distribution des aliments frais, explique Ellen Avard. Cela permettrait aussi un meilleur accès à une variété de fruits et légumes de bonne qualité avec, en prime, la création d'emplois et de possibilités de formation et de réintégration sociale. "

    Par Renée Larochelle, Université Laval

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