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France : un nouveau plan d'allocation de CO2 très controversé



  • Pour remplir les objectifs du protocole de Kyoto, les pays membres de l'Union européenne octroient chaque année aux industriels des quotas d'émissions de CO2. En 2005, ces plans nationaux d'allocation ont été vivement critiqués par les ONG en raison de leur caractère trop généreux. La plupart des pays de l'Union ont en effet émis moins de gaz carbonique en 2005 que les quotas octroyés aux 9.400 installations industrielles concernées. Selon les ONG, le plan 2006 est pourtant à peine plus restrictif.Le gouvernement a présenté le 23 juin [2006] le « PNAQ 2 » (plan national d'allocation des quotas), dont le montant s'élève cette année à 149,72 millions de tonnes, soit un peu moins que les 151 millions de tonnes du « PNAQ1 », octroyé l'an passé aux sites industriels français. Un chiffre qui reste au final assez élevé, puisque les industriels ont émis moins que prévu en 2005 (132 millions de tonnes), soit 19 millions de moins. Cette « sur-allocation » de près de 13% a largement été dénoncée par les ONG, qui dénoncent « l'attitude laxiste du gouvernement français » à l'égard du marché carbone, rendu ainsi inefficace. La conséquence directe de cette sous-consommation des quotas, confirmée par les chiffres de la Commission européenne dans 6 pays, a été la chute du prix du CO2 sur le marché -jusqu'à 60% en trois semaines, après avoir culminé à 31 euros à la mi-avril. Au total, les émissions de CO2 des 21 pays membres ont été inférieures de 44 millions de tonnes au plafond de 1,829 milliard de tonnes alloué par les gouvernements.

    Greenpeace, qui a publié une étude réalisée par Ecofys, un cabinet d'étude européen, estime que le plan d'allocation français ne doit pas dépasser 135,4 millions de tonnes par an."Le ministère de l'écologie proposait un plafond proche du nôtre. Malheureusement, Matignon a arbitré pour un plafond beaucoup plus laxiste. C'est le choix des industriels et du ministère des finances qui a prévalu", explique Laetitia De Marez de Greenpeace. Alors qu'en Allemagne, où les industriels ont émis 21 millions de moins que 495 millions de tonnes allouées, le gouvernement annonce son intention de réduire significativement ses quotas, la France justifie son choix par les perspectives de croissance des activités industrielles. « Le chiffre annoncé est complètement arbitraire, il a été calculé à partir de prévisions de croissance des industriels qui ont été gonflées"réagit Morgane Créach, du Réseau Action Climat. Enfin, les écologistes soulignent que « la possibilité de mettre en réserve des quotas d'une période sur l'autre, option retenue uniquement par la France et la Pologne, aggrave encore l'effet non-incitatif d'un plafond global d'allocation de droits d'émissions trop élevé ».

    Objectifs non atteints

    Le plafond pour la période 2008-2012 va être soumis à une consultation publique à partir du 26 juin pour un mois. « A l'issue de la phase de consultation publique, si le gouvernement ne revoit pas sa copie, nous communiquerons directement avec la Commission européenne, prévient Laetitia De Marez. Les déclarations récentes du commissaire européen à l'environnement, Stavros Dimas, nous laissent penser que ce plan sera rejeté car il ne remplit pas sa mission première : aider la France à respecter Kyoto ». De fait, la Commission devra cette année être plus sévère si elle veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de CO2. Pour la seconde année consécutive, les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne ont en effet augmenté, affaiblissant sa position de leader dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Selon le rapport rendu le 22 juin par l'Agence européenne pour l'environnement, l'UE a connu une hausse de 0,4% des émissions, après celle de1,5% l'an dernier. L'Espagne et l'Italie sont les deux pays à avoir enregistré les plus fortes hausses. A l'inverse, l'Allemagne, le Danemark et la Finlande ont réduit leurs émissions. Par rapport à l'année de référence de Kyoto (1990), l'UE a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de seulement 0,9%, alors qu'elle s'est engagée à les réduire de 8% par rapport aux niveaux de 1990. Selon Les Amis de la Terre Europe, l'Union est"hors course pour respecter ses obligations du Protocole Kyoto". Jan Kowalzig, chargé de la question du changement climatique estime que"ces derniers chiffres sont très embarrassants (...). Les gouvernements font tous de grandes déclarations sur leur engagement à réduire la pollution liée aux émissions de gaz à effet de serre. Cependant les ministres de l'industrie et de l'économie continuent de bloquer ou de diluer les mesures prises pour passer aux énergies renouvelables, réduire les gaspillages d'énergie ou introduire des normes pour la consommation des véhicules en pétrole".

    Source :http://www.ovethic.fr

    Véronique Smée

    Mis en ligne le : 26/06/2006
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