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La désinfection de l'eau de consommation : Une nécessité absolue (2 de 2)



  • Ce texte est le deuxième de 2 articles. Il a été co-rédigé avec Monique Henry du CEGEP de St-Laurent (Québec).

     

     

    Dans l'article précédent qui présentait la nécessité absolue de la désinfection de l'eau de consommation, on a insisté sur l'intérêt d'avoir une double barrière, physique et chimique, pour parvenir à une qualité microbiologique prévenant les maladies d'origine hydrique.

     

    Or, on connait l'efficacité des divers modes de traitement (filtration directe, filtration lente, traitement complet de coagulation/floculation/décantation/filtration...) pour l'enlèvement et celle des différents agents oxydants disponibles pour l'inactivation; on peut donc présumer des performances d'une station. Encore faut-il qu'elle soit convenablement opérée... et la performance réelle se fait en surveillant,  pratiquement en continu :

     

    -La turbidité (pour l'enlèvement)

     

    -Le produit C x T de la concentration résiduelle C du chlore (ou autre oxydant) au bout du temps de contact T (pour l'inactivation) et ce, pour chaque segment de désinfection.

     

    Selon ces 2 paramètres, on peut allouer à la station des "crédits" certifiant les pourcentages d'élimination qu'elle atteint. Les pourcentages requis dépendent de la qualité de l'eau brute et sont, au minimum de 99,99% pour les virus, 99,9% pour Giardia et 99% pour Crypto (remarque: On utilise d'ailleurs plutôt la notion de "logs" d'enlèvement qui, dans les cas précédents correspondent au nombre de "9" des pourcentages, soit 4 logs pour les virus et 3 logs pour Giardia. Ce nombre est en fait égal au log du rapport N0/N du nombre initial de microorganismes au nombre final : pour Crypto, sur 100 oocystes initialement présents, s'il en reste 1 après le traitement, on a donc : log (N0/N) =  log (100/1)= log 100 = 2 et on parle de 2 logs d'inactivation soit 99%.).

     

    Par exemple, au Québec, selon le degré de contamination de la source d'approvisionnement, on peut exiger 6 logs pour les virus si l'eau contient plus de 150 E Coli par 100 ml!

     

    -Il est remarquable que, dans cette approche,  la turbidité n'est plus considérée comme un paramètre purement organoleptique mais bien comme un indicateur de la qualité de la filtration (enlèvement). Cette dernière est essentielle pour éliminer les organismes qui, comme Crypto, résistent fortement aux oxydants comme le chlore et même à l'ozone ou nécessiteraient des doses prohibitives. Elle fonctionne particulièrement bien pour les particules assez volumineuses comme les kystes de Giardia.

     

    -L'efficacité de l'inactivation étant proportionnelle au produit C x T, on voit qu'on a le choix entre augmenter la dose appliquée (et donc le résiduel) et augmenter le temps de contact. Si l'installation le permet, c'est cette stratégie qui doit être préférée pour ne pas favoriser indument la formation de sous-produits; de plus l'application doit se faire alors que le traitement préalable a déjà éliminé la majorité des matières organiques, agents précurseurs de ces sous-produits. Le plus connu est le trichlorométhane, ou chloroforme, "soupçonné cancérogène" chez l'humain. Contrairement aux pathogènes qui ont un effet aigu, les sous-produits ont généralement des effets chroniques, à très long terme,  difficiles à rattacher à la qualité de l'eau... sauf dans le cas d'exposition prolongée comme dans certaines piscines.

     

    Les pays riches améliorent leurs procédés de désinfection et leur réglementation. Ces recherches ont quelques retombées dans les pays moins nantis où le chlore (souvent sous forme d'hypochlorite de sodium) reste le moyen le plus économique.

     

    Quelques développements récents sont dignes d'intérêt :

     

    -La préparation in situ de chlore (ou plutôt d'eau de chlore à quelques %) par électrolyse d'une saumure (eau salée) évitant les problèmes de transport, de stockage, de manipulation (et d'instabilité) de l'eau de Javel et qui semble relativement abordable. Plusieurs fournisseurs offrent des systèmes de différentes capacités pour les piscines et les stations de petite et moyenne envergure.

     

    - La désinfection "solaire"

    Les rayonnements solaires - en particulier les UV-A - peuvent inactiver les pathogènes en quelques heures d'exposition (de 6 à 17 heures). Les UV sont d'ailleurs de plus en plus utilisés   pour désinfecter non seulement les eaux épurées mais aussi les eaux de consommation.

     

    Dans les pays où l'ensoleillement est particulièrement généreux, on a ainsi une méthode individuelle de traitement et de conservation simple et économique. L'eau doit être contenue dans un récipient transparent et non absorbant; ce sont généralement les bouteilles de polyéthylène téréphtalate (PET) qui sont recommandées. En outre, à température plus élevée, la désinfection est plus rapide. La turbidité et une contamination excessive sont des limitations à ce processus écologique, reconnu par l'OMS et déjà appliqué dans plus d'une vingtaine de pays comme l'Indonésie, le Cameroun, le Pérou, le Togo,...

     

    En conclusion, est-il admissible qu'il y ait encore, en 2012... dans le monde,  près d'un milliard de personnes qui n'ont pas accès à quelques litres par jour d'une eau de consommation de bonne qualité alors que d'autres en gaspillent des centaines ?

     

    [TECHEAUA]

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