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Il faut d'urgence des réformes politiques pour doper l'investissement privé dans l'agriculture et l'agro-industrie en Afrique



  • À l’occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, célébrée ce 16 octobre, Jennifer Blanke, vice-présidente chargée de l’Agriculture et du Développement humain et social à la Banque africaine de développement, partage sa vision pour que l’agriculture change la donne de sorte d’endiguer les flux migratoires, créer de la richesse et des emplois.

    En quoi la Journée mondiale de l'alimentation s’inscrit-elle dans la lignée des Cinq grandes priorités de la Banque, les High 5 ?

    La journée mondiale de l'alimentation a pour but de promouvoir, à l'échelle mondiale, la sensibilisation et l'action en faveur de ceux qui souffrent de la faim et de rappeler la nécessité de garantir à tous une sécurité alimentaire et un régime alimentaire nutritif. Cette année, « Changer l'avenir des migrations - Investir dans la sécurité alimentaire et le développement rural » est le thème de cette Journée mondiale. L’objectif et le thème répondent donc parfaitement à deux des High 5 de la Banque : « Nourrir l'Afrique » et « Améliorer la qualité de vie des populations en Afrique ».

    Plus de 70 % des Africains dépendent de l'agriculture pour leurs moyens de subsistance : libérer le plein potentiel du secteur est donc impératif, car cela aidera à améliorer la vie des Africains. L'un des objectifs de « Nourrir l’Afrique » est d’ailleurs d'éliminer la faim et la malnutrition d'ici à 2025. Pour ce faire, la Banque inscrit ses opérations agricoles dans une approche pragmatique axée sur le secteur privé et qui repose sur une meilleure compréhension des obstacles, possibilités et opportunités d'investissements.

    La croissance économique de l'Afrique n'ayant pas été suffisamment rapide ni inclusive pour créer assez d'emplois ou améliorer la qualité de la vie, la Banque renforce les compétences techniques des Africains pour que les économies du continent puissent réaliser leur plein potentiel dans les secteurs de haute technologie. En outre, la Banque va quasi tripler ses financements climatiques annuels pour les porter à 5 milliards de dollars EU par an à l’horizon 2020, afin de garantir le développement d’une agriculture respectueuse du climat – entre autres.

    Quel message la Banque souhaite-elle partager avec les dirigeants africains et les parties prenantes en cette Journée mondiale ?

    Les pays africains doivent diversifier leurs économies, parce que les ressources minérales comme l'or, les diamants, le pétrole brut, etc., ne sont pas illimitées. Ce qui ne peut se faire sans mettre l’accent sur l'agriculture, vu que la grande majorité des Africains en dépendent pour leur subsistance. Néanmoins, un changement profond de paradigme est nécessaire pour transformer l'agriculture et l'agro-industrie africaines. La demande alimentaire croissante et l'évolution des habitudes de consommation induites par des facteurs démographiques comme l'urbanisation (migrations intérieures) entraînent une hausse rapide des importations nettes de produits alimentaires : celles-ci vont passer de 35 milliards de dollars EU en 2015 à plus de 110 milliards d'ici à 2025 si cette tendance à la hausse n’est pas jugulée.

    Développer une agriculture et une agro-industrie viables et dynamiques en Afrique est tout à la fois un défi et une opportunité de marché colossale pour les entreprises. Cela inclut les petits agriculteurs, qui sont les plus grands investisseurs privés dans l'agriculture et produisent 80 % des aliments de base en Afrique. Pour que les agro-entreprises puissent tirer parti au mieux des opportunités, on doit passer d'une agriculture de subsistance à une industrie agricole productive et à but lucratif, qui permette aux agriculteurs (petits, moyens et grands, et PME) de participer davantage à l’économie du marché et d’en bénéficier tout autant. L'agriculture doit être vue dans une approche entrepreneuriale et non pas comme un mode de vie. L'Afrique est en mesure de bâtir ces marchés dans une perspective écologiquement durable, tout en soutenant les femmes en leur offrant un meilleur accès à la terre, aux services financiers et à des améliorations technologiques. Sachant que les petits exploitants africains ont, en moyenne, autour de 60 ans, la sécurité alimentaire de l'Afrique dépend de sa capacité à attirer les jeunes vers l'agriculture et l'agro-industrie et à les responsabiliser. Les gouvernements peuvent appuyer ces changements en créant les conditions propices, avec des réformes politiques pour accroître les investissements privés dans l'agriculture et l'agro-industrie. Et aussi en définissant mieux l'importance de l'agriculture pour leurs économies dans leur interaction avec le public.


    La Banque marque-t-elle cette Journée par un événement spécial ?

    À l'invitation du ministre de l'Agriculture et du Développement rural de Côte d'Ivoire, la Banque a rejoint ce week-end d'autres partenaires au développement comme l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, le Programme alimentaire mondial, le Fonds international de développement agricole et l’Organisation internationale pour les migrations – entre autres – pour une journée organisée par le gouvernement dans la ville balnéaire de Jacqueville, à 45 km à l'ouest d'Abidjan. Le point culminant en a été la visite de stands où étaient exposés des produits alimentaires transformés et des cultures vivrières et de rente ainsi que des denrées animales et produits de la mer. Les déclarations du ministre de l'Agriculture et des partenaires au développement ont souligné la nécessité pour le gouvernement d'investir dans l'agriculture, pour créer des emplois et endiguer le fléau des migrations, qui mine la sécurité et l'économie des pays africains.


    Quelles sont les plus grandes réalisations de la Banque de ces deux dernières années en matière de sécurité alimentaire ?

    Entre 2010 et 2014, la Banque a aidé les pays africains à développer leur secteur agricole via : 101 milliards m3 d'eau mobilisés pour l'agriculture, 8 791 km de routes d'accès construites pour relier les marchés aux centres de production, 12 pays que l’on a aidés à développer des pêcheries améliorées, 25 autres que l’on a aidés à développer des cheptels améliorés, 5 349 223 hectares d’aires protégées désignées, 47 604 hectares de plantations de forêts communautaires, 35 projets approuvés avec un volet de lutte contre le changement climatique, 582 projets d'énergies renouvelables élaborés, et l’intégration du genre dans les projets agricoles de la Banque qui est passée de 83 % à 100 %.

    Mais nous pouvons faire beaucoup plus encore en déployant ces projets à plus grande échelle et en catalysant mieux davantage d'investissements privés. C'est d’ailleurs le but du programme de transformation « Nourrir l’Afrique » de la Banque. Nous ne parlons plus de petites entreprises, mais de grandes entreprises dans différents pays, et d’investissements d’ampleur. Ceci sera soutenu par un effort majeur pour identifier les meilleures pratiques agricoles existantes et celles qui sont le plus aisément applicables, les déployer à grande échelle et les dupliquer à travers le continent pour accroître massivement la productivité agricole.

    Communiqué de la BAD

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