Par Julie Bernard, candidate au doctorat en management à l’Université Laval, pour GaïaPresse. L’experte nous offre son point de vue sur le rapatriement du Fonds vert annoncé la semaine dernière.
Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit Charette a annoncé le 25 juin des changements majeurs en ce qui a trait au Fonds vert et à l’organisme Transition énergétique Québec. Transition énergétique Québec se retrouvera au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Le Fonds vertquant à lui, créé en 2006, deviendra le Fonds d’électrification et de changements climatiques. En plus du changement de nom qui est censé mieux représenter la mission et le but de ce fonds, le Conseil de gestion du Fonds vert, créé en 2017 afin d’entre autres de réformer la gouvernance du Fonds, sera aboli. Les ressources ainsi que les fonctions de gestion seront relayées au Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) sous « Bureau de l’électrification de l’économie et des changements climatiques ».
Causés par un manque de rigueur et de transparence du fonctionnement actuel, plusieurs programmes du Fonds vert avaient été critiqué dans les médias. Plusieurs avaient remis en question l’efficacité des programmes dans l’atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre (tout comme le fonctionnement du Plan d’action sur les changements climatiques du Québec). Plusieurs scandales ont entaché le Fonds vert (p.ex. le financement de l’oléoduc d’Ultramar), en plus, du rapport dévastateur du Conseil de gestion du Fonds vert sur la gestion passée des quelques 6 milliards de dollars qui ont été investis dans le fonds.
En 2017, la création du Conseil de gestion du Fonds vert avait pour but de distinguer les structures qui allaient utiliser les fonds de celles qui allaient l’administrer. En effet, le ministre David Heurtel s’était alors exprimé en séance parlementaire pour dire : « On veut qu’il y ait deux entités distinctes, alors on ne veut pas une entité qui, à la fois, reçoit de l’argent du Fonds vert et administre, de façon indépendante, le Fonds vert. Le ministère de l’Environnement reçoit de l’argent du Fonds vert, gère des programmes du Fonds vert, alors on veut cette distinction-là. » (Source : p. 6 du rapport Recommandations sur les ajustements budgétaires à apporter au Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques )
La proposition du ministre Charette revient cependant à un modèle qui avait été auparavant critiqué par le commissaire au développement durable et la vérificatrice générale. Plusieurs experts se sont prononcés cette semaine à la suite de la sortie du ministre Charette. Le professeur Normand Mousseau a grandement décrié la décision de ramener le Fonds vert dans le MELCC. En effet, le Conseil de gestion du Fonds vert avait été mis sur pied dans le but que le Fonds vert ne subisse pas de pression politique dans la prise de décision de financement de projet. Il est important de mentionner que le Conseil de gestion du Fonds vert n’avait pas de pouvoir décisionnel, mais pouvait émettre des recommandations sur la base du mérite et de la performance des projets reçus. Il devait faire des recommandations afin d’aider le gouvernement à évaluer des projets qui allaient être le plus performants, en termes de réduction de gaz à effet de serre, pour chaque dollar investi.
Que doit-on alors penser de ce changement? Tout d’abord, il y a certains aspects positifs. Comme mentionné par Johanne Whitmore, chercheuse au HEC Montréal, sur les ondes de Radio-Canada, il semble cohérent de recentrer toutes les initiatives afin d’avoir une cohérence dans la gestion des dossiers en lien avec les changements climatiques. Cependant, comme décrié par Whitmore et Mousseau, rapatrier le Fonds vert dans le ministère le rend vulnérable aux pressions politiques et à la politisation des enjeux et des décisions au fils des cycles électoraux. En effet, ce qui est proposé par le ministre Charette est de revenir, d’une certaine manière, au modèle qui était mis en place avant la création du Fonds vert. De plus, une quinzaine de ministères bénéficient des sommes mises dans le Fonds vert. Dans cette idée de cohérence dans la gestion des dossiers, il aurait ainsi fallu centraliser les dossiers dans un organisme externe à tous ces ministères afin d’en assurer la bonne gestion et la bonne répartition entre chacun des ministères. Il aurait été préférable de ne pas abolir le Fonds vert, mais de lui donner plus d’outils afin de lui permettre d’avoir plus de pouvoir et d’ainsi assurer de la transparence, rigueur et efficacité. Les changements climatiques étant de plus en plus mis à l’avant plan par plusieurs parties prenantes, il sera certainement intéressant de suivre à la rentrée l’évolution de ce dossier!
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