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Gestion d'actifs : l'ISR n'est plus un mirage



  • Depuis quelques années, l’investissement socialement responsable (ISR) fait des émules chez les investisseurs et les épargnants. Pour répondre à cette évolution du marché, les gérants d’actifs renforcent leur stratégie ESG.

    Ce n’est plus seulement un effet de mode ni une simple niche de marché alternative, mais une véritable lame de fond : l’investissement socialement responsable (ISR) est aujourd’hui plébiscité par les investisseurs et les épargnants. L’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les placements devient une nouvelle norme pour les investisseurs professionnels et particuliers, qui sont de plus en plus sensibles à l’impact de leur allocation d’actifs sur la société et sur la planète.

    Le boom de l’ISR

    L’Observatoire de la société d’analyse Quantalys recense ainsi aujourd’hui plus de 3.000 fonds revendiquant une démarche ISR en Europe, pesant au total 2.000 milliards d’euros, soit un quart de l’actif total des fonds distribués sur le Vieux Continent. L’encours des fonds durables a augmenté de 65 % au premier semestre 2021, avec une collecte de 119 milliards d’euros sur les six premiers mois de l'année – contre 90 milliards d’euros pour les fonds non ISR. Sur l’ensemble de l’année 2021, qui marquera incontestablement un basculement, un nouveau record est attendu, avec 240 milliards d’euros de collecte nette. Toutes les catégories d’investissement sont concernées par cette tendance, celle-ci étant particulièrement marquée sur les actions, avec un véritable engouement de la gestion de patrimoine et du grand public pour la gestion ISR, notamment via l’assurance-vie.

    Selon le ministère de l’Economie, le label ISR, créé par l’Etat en 2016, a gagné du terrain ces dernières années et le marché français de l’investissement responsable poursuit sa croissance. Il pesait en France 200 milliards d’euros en 2020, contre quelques dizaines de millions d’euros il y a 15 ans. En septembre 2021, plus de 624 fonds estampillés ISR (hors épargne salariale) étaient commercialisés contre 146 à fin 2018 et 96 fin 2017. On compte également 56 fonds labellisés Greenfin (finance verte). La loi Pacte oblige d’ailleurs depuis 2020 les assureurs à proposer une unité de compte (UC) labellisée ISR dans l’assurance-vie... Et à partir de 2022, ils devront y ajouter une UC « solidaire » et une UC verte, labellisée Greenfin.

    Ce boom de l’ISR s’annonce durable et devrait être conforté par l’arrivée de nouvelles réglementations et d’outils de mesure plus exigeants, qui vont permettre aux investisseurs d’y voir plus clair dans la jungle des placements se revendiquant « responsables ». Les changements dans les habitudes de gestion, plus digitales, plus thématiques ou plus engagées continueront également à favoriser les fonds ISR.

    L’ISR attire les investisseurs institutionnels et les épargnants

    Selon une étude de l’Ifop réalisée en août 2021 pour le Forum de l’investissement responsable (FIR), 6 Français sur 10 déclarent accorder de l’importance aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements. Et près de la moitié (44 %) estiment qu’en orientant leur épargne, ils peuvent avoir un impact réel sur l’environnement et la société. Bien qu’en hausse, la notoriété de l’ISR reste néanmoins minoritaire (12 % des Français, 3 points par rapport à 2020). Dans les faits, 8 % des personnes possédant au moins un produit d’épargne ont déjà souscrit à un ISR ( 2 points), tandis que 26 % seraient prêts à le faire si on leur proposait. Côté environnement, les Français sont d’abord préoccupés par les pollutions, le changement climatique et la biodiversité. Et côté social, ils s’intéressent en priorité au respect des droits humains, à l’emploi, à l’égalité femme-homme et au bien-être au travail.

    Selon un sondage OpinionWay réalisé en octobre 2021 pour Les Echos et BlackRock, 56 % des Français estiment que la finance durable peut avoir une action significative sur notre société, contre 40 % qui l’assimilent encore à une démarche « anecdotique ». Illustration de cette nouvelle perception de l’investissement, les critères ESG ne sont plus dissociés les uns des autres : 38 % des sondés privilégient en effet les entreprises affichant des performances dans les trois domaines (contre 23 % qui privilégient les bons scores environnementaux, 23 % se focalisant sur les critères sociaux et 12 % sur la gouvernance).

    De leur côté, les grands investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds de pension ou de retraite, fonds d’épargne salariale, etc.) n’ont plus que l’ESG à la bouche. Ils intègrent désormais ces critères à leur prise de décision d’investissement, à côté des paramètres classiques liés à la structure financière, aux perspectives de croissance ou aux attentes de rentabilité. Ils établissent leur propre grille de notation et excluent même certaines activités de leur portefeuille. Dans les flux collectés sur les fonds d’investissement, la tendance est très nette et s’est accélérée avec la crise sanitaire.

    Des banques et des assurances s’engagent

    En octobre 2020, lors du Climate Finance Day, les acteurs de la place financière de Paris se sont ainsi engagés à sortir du financement du charbon. Selon les derniers chiffres de la Fédération bancaire française (FBF), le financement des entreprises impliquées dans cette énergie ne représente plus, à fin 2020, que 2,1 milliards d’euros, soit 0,16 % du portefeuille corporate des grandes banques françaises. En octobre 2021, six grandes banques françaises (BNP Paribas, BPCE, Crédit agricole, Crédit mutuel, Société générale, La Banque postale) ont également annoncé qu’elles ne financeront plus, à partir de janvier 2022, les entreprises « réalisant plus de 30 % d’activité dans les sables bitumineux, le pétrole et le gaz de schiste ».

    La Banque postale veut aller encore plus loin et a annoncé une « sortie totale » des énergies fossiles (pétrole et gaz) a%u0300 l’horizon 2030. La mutuelle d’assurance Maif prévoit également l’arrêt immédiat du financement de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz, la sortie totale du pétrole et du gaz non conventionnels d’ici à 2030, et la sortie totale du pétrole conventionnel d’ici à 2040. De même, l’Ircantec (régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de la fonction publique) prévoit d’exclure de son portefeuille les entreprises qui n’adoptent pas de plans de sortie du charbon d’ici à 2030 ou les entreprises qui développent de nouvelles capacités de production d’énergie fossile.

    Le Crédit mutuel s’est aussi engagé à stopper immédiatement tout financement de nouveau projet d’exploration, de production et d’infrastructures dans le pétrole et le gaz, après avoir annoncé sa sortie du charbon. De son côté, la Fédération française de l’assurance (FFA) encourage ses membres à définir leurs politiques de dialogue avec les entreprises du secteur des combustibles fossiles, en incluant des calendriers d’arrêt de financement des entreprises qui ne renonceraient pas à leurs projets de production d’énergies fossiles non conventionnelles.

    Capital-investissement : le levier de l’engagement actionnarial

    Mais l’investissement responsable est aussi une question d’engagement actionnarial, afin d’exercer une pression positive et constructive sur les entreprises pour déterminer des axes d’amélioration des performances ESG. La société de capital-investissement Ardian, qui investit dans des sociétés non cotées, l’a bien compris. Avec 125 milliards de dollars d’actifs sous gestion dans le monde, le Français Ardian – détenu à 55 % par 70 % de ses salariés – est le n°1 européen et l’un des leaders mondiaux du private equity. Depuis 2009, il accompagne les entreprises de son portefeuille dans leurs démarches ESG. Le fonds s’engage sur une période de trois à sept ans en moyenne et met en place un plan d’engagement avec les dirigeants de l’entreprise, qui prévoit notamment un rendez-vous annuel pour passer en revue les améliorations en matière d’ESG. Depuis 2009, 126 sociétés ont ainsi bénéficié d’une feuille de route personnalisée sur le développement durable. Dans son activité de fonds de fonds, Ardian a également mis en place depuis 2011 un monitoring de ses « General Partners » (GP, sociétés de gestion), afin de mesurer et d’évaluer la performance ESG des fonds.

    Le groupe a même publié en 2021 sa nouvelle méthodologie de mesure d’impact des entreprises, baptisée « Sustainable Buyout ». Une approche axée sur la capacité des entreprises à se transformer en entreprises plus durables et plus résilientes, et donc à améliorer leur impact positif tout en réduisant leur impact négatif. Une méthodologie qui va bien au-delà de l’intégration standard des critères ESG et inclut l’intégralité de la chaîne de valeur de la société.

    Ardian veille également depuis 2008 à faire profiter les collaborateurs des entreprises de son portefeuille du partage de la valeur qu’ils contribuent à créer. 68 % des sociétés des activités Buyout, Expansion et Infrastructure du groupe ont ainsi instauré un mécanisme de partage des plus-values de cession pour leurs collaborateurs durant la phase d’investissement. Depuis 2008, près de 25.000 salariés ont pu bénéficier d’une partie des plus-values de cession d’Ardian. Cette conviction que la finance, via l’investissement responsable, peut et doit avoir un impact positif sur la société et la planète rencontre aujourd’hui une vraie demande des investisseurs.

    crédit photo : Pixabay

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