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Contre le sida, les financements innovants en première ligne


A l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, Abdou Diouf et Philippe Douste-Blazy, président d'Unitaid, ont co-signé une tribune dans le Huffington Post sur la nécessité des financements innovants pour "garantir des soins et des traitements à tous les patients affectés par le virus".

" Aujourd'hui, plus de huit millions de personnes vivant avec le VIH reçoivent un traitement médical et peuvent espérer vivre normalement. C'est un progrès considérable. Mais cela représente à peine plus de la moitié des personnes porteuses du virus qu'il faudrait traiter dans le monde. Nous sommes donc encore loin de l'accès universel au traitement préconisé par les Nations Unies en 2006. Et pour que le VIH ne reparte pas à la hausse, il faut s'assurer que ce progrès continue.

Malheureusement, les mécanismes de coopération multilatérale qui ont permis ces résultats sont en crise. L'an dernier, pour la première fois depuis près de vingt ans, l'aide internationale a diminué. Et cette baisse n'a pas épargné la lutte contre le SIDA, loin de là. De plus en plus souvent, des pays d'Afrique doivent puiser dans leurs maigres budgets pour financer eux-mêmes les traitements que la coopération internationale leur avait promis de payer.

Faute de moyens suffisants, de nombreux pays en développement ont connu des ruptures de stock de médicaments antirétroviraux l'an dernier. Cette situation représente un dangereux pas en arrière dans la lutte contre le VIH qu'il est essentiel de corriger dès maintenant.

Il y a donc une nécessité impérieuse de trouver de nouvelles sources de financement capables de garantir des soins et des traitements à tous les patients affectés par le virus et d'en fournir à tous ceux qui attendent de recevoir les médicaments qui les maintiendront en vie. Seule la mise en place de financements innovants pourra répondre à ce défi. Eux seuls permettront de mobiliser de nouvelles ressources plus prévisibles, plus équitables et plus pérennes et de les consacrer à la santé des plus vulnérables.

Les financements innovants reposent notamment sur des contributions minimes et "indolores" prélevées sur les activités qui ont le plus bénéficié de la mondialisation. Ces activités incluent le transport aérien, le commerce international, les télécommunications et le secteur de la finance. Ils répondent à l'impératif de solidarité mondiale, des plus riches envers les plus pauvres, des plus mobiles envers les moins favorisés, des plus connectés envers les plus isolés.

La première action de financement innovant a été mise en place par la France sous forme d'une taxe de 1 Euro sur les billets d'avion. Cette micro-taxe rapporte 200 millions d'Euros par an qui sont consacrés à des programmes de lutte contre trois maladies mortelles dans les pays à faible revenu : le sida, la tuberculose et le paludisme.

Cette initiative lancée par le Président Chirac en 2006 au nom de la France, aux côtés du Brésil, du Chili, de la Norvège et du Royaume Uni, a prouvé l'efficacité de ce modèle original. Son succès s'explique par deux raisons : son caractère indolore d'une part, la plupart des passagers qui l'acquittent ne s'en rendant pas compte ; et sa neutralité économique d'autre part, l'attractivité touristique et la vitalité économique des compagnies aériennes des pays qui l'ont adoptée n'étant nullement affectée.


Pour les pays en développement, la mise en place de financements innovants représente un moyen d'engendrer de nouvelles ressources en addition de leur budget national. Elle représente aussi une occasion de montrer l'importance qu'ils attachent à la solidarité internationale. Six pays francophones d'Afrique, Maurice, le Congo, le Cameroun, le Mali, le Niger et Madagascar figurent parmi les onze pays prélevant cette micro-taxe qui permet à Unitaid de transformer en profondeur les marchés pharmaceutiques et de fournir des médicaments peu chers et de haute qualité aux pays à faible revenu.

Ces pays ont mis en place ce mécanisme parce qu'ils croient à la solidarité internationale. C'est une leçon de solidarité active que doivent écouter tous ceux qui pensent que le déclin de l'aide internationale est une fatalité.

La création de la Taxe sur les Transactions Financières, dont le Président François Hollande a annoncé que la France consacrerait 10% à l'aide au développement, constitue une excellente opportunité pour mobiliser de nouvelles ressources et financer le traitement de millions de personnes vivant avec le virus du sida dont 3,3 millions d'enfants.

En cette journée mondiale de lutte contre le SIDA, nous devons tous nous mobiliser pour que des financements innovants soient mis en place dans tous nos pays, au Nord comme au Sud parce que la mondialisation de la solidarité ne peut pas attendre... à commencer par les millions de patients vivant avec le VIH.

Abdou Diouf
Secrétaire général de la Francophonie

Philippe Douste-Blazy
Secrétaire général adjoint des Nations Unies
Président d'UNITAID

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