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Africités, Dakar - Présentation de l'initiative " Villes durables francophones " le 5 décembre 2012 par l'IEPF et ENERGIES 2050



  • Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050 pour l'IEPF
    Ville et monde un même destin.
    Les Nations Unies prévoient que les centres urbains abriteront près de 54 % de la population mondiale à l'horizon 2020 et que ce chiffre devrait atteindre à 60% en 2030 pour arriver à 75% en 2050.
    L'espace urbain rassemble des systèmes intégrés, organisés selon des schémas complexes et de nature très variée selon que l'on considère les infrastructures, les équipements et activités génératrices de biens ou de services ou encore la satisfaction des besoins essentiels d'une population concentrée géographiquement. Il s'agit d'assurer l'accès à l'eau, à l'énergie, à un réseau de transport adapté, à des logements de qualité, à l'alimentation, à la santé, l'éducation, la sécurité, à un réseau d'assainissement des eaux usées et de gestion des déchets, à un environnement sain, à un nombre suffisant d'emplois sains et décents, à l'équité sociale ainsi qu'à des notions plus personnelles telles que le bien-être ou le bonheur.
    Même si les situations différent selon que l'on considère les villes de petites et moyennes tailles (population inférieure à 100 000 habitants) ou les villes de grandes tailles (population supérieure à 100 000 habitants), les systèmes sont dans tous les cas interdépendants et cela est particulièrement visible dès lors qu'il s'agit des réseaux de transport, de gestion des eaux, de la distribution énergétique ou encore des réseaux de communication. C'est aussi pourquoi il est important de souligner dans tous les cas la nécessité d'une approche holistique de la Ville tant dans l'analyse des défis qu'elle rencontre que des réponses à apporter.
    La répartition des habitants dans l'espace urbain a également beaucoup changée et, pour diverses raisons (évolutions des modes de transport, de travail, prix du foncier dans les centres urbains, émergence de nouveaux loisirs, aspirations à un logement individuel,...), il s'est produit une accélération du développement des banlieues et des couronnes périurbaines.
    Les Villes sont le théâtre de nombreux dysfonctionnements d'ordres sociaux, sanitaires, économiques et environnementaux. L'importance des défis à venir pour les Villes est telle que de nombreux analystes considèrent qu'elles détiennent les clés des plus grands défis planétaires, que le XXIeme siècle "sera celui de la Ville ou ne sera pas" et que leur futur conditionnera le futur même de notre civilisation.
    Les défis sont exacerbés et renforcés par les conséquences du changement climatique. De nombreux évènements récents ont mis en évidence la vulnérabilité des territoires urbains aux aléas climatiques tels que les vagues de chaleur, les inondations ou les ouragans et les travaux scientifiques de la communauté internationale prédisent l'accroissement certain de leur intensité et de leur fréquence avec des conséquences significatives pour l'ensemble des espaces urbains. Cela sera particulièrement significatif pour les mégalopoles qui au Nord comme au Sud se situent dans les deltas des grands fleuves ou dans les zones côtières de faible élévation et qui sont exposées aux cyclones et aux inondations (elles représentent 2% de la surface terrestre et hébergent 10% de la population mondiale).
    Même si la vulnérabilité d'un territoire dépend fortement de ses caractéristiques géographiques elle dépend également de multiples facteurs dont l'urbanisme, l'organisation et la nature des infrastructures telles que le transport, le type d'habitat, les activités économiques locales, le mode de vie des populations ou encore l'existence d'infrastructure de protection. Par exemple, la sensibilité d'une ville aux vagues de chaleur est fortement liée à sa morphologie c'est-à-dire à son organisation spatiale ainsi qu'au type d'habitat et cela peut faire varier dans des proportions significatives ce que l'on appelle " l'îlot de chaleur urbain " (excès des températures de l'air dans les zones urbaines en comparaison avec les zones rurales qui les entourent avec des maxima qui peuvent aller de 2°C pour une ville de 1000 habitants jusqu'à 12°C pour une ville de plusieurs millions d'habitants).
    L'énergie au coeur des enjeux et un trésor d'action sous-estimé
    Le système énergétique mondial actuel se caractérise par une grande dépendance aux énergies fossiles, une part importante de l'humanité qui n'a pas accès aux services énergétiques modernes et une importante augmentation de la demande énergétique sachant que cette tendance devrait encore s'accélérer dans les prochaines décennies.
    Un tel système fait de plus courir à l'économie mondiale, à l'environnement et au climat des risques majeurs de plus en plus préoccupants et l'unanimité est aujourd'hui faite sur la nécessité de changer de système et d'amorcer immédiatement une transition énergétique vers une nouvelle approche plus durable, plus respectueuse de l'équilibre écologique de la planète, et de l'équité entre les différentes régions du monde et entre les générations. Un tel système est caractérisé par la sobriété, l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et un accès universel aux services énergétiques modernes.
    L'environnement construit (bâtiment et villes), au coeur des enjeux et des défis que rencontrent nos sociétés, est au noeud des changements souhaités. Les villes abritent aujourd'hui plus de 50% de la population mondiale, consomment les 2/3 de l'énergie produite au plan mondial et contribuent pour autant aux émissions de gaz à effet de serre. Cette énergie est en grande partie utilisée pour les besoins de mobilité et de confort dans les bâtiments (bureaux et logements). Le secteur du bâtiment et de la construction représente à lui seul 40 % de l'énergie totale consommée et environ 35 % des émissions de gaz à effet de serre. Ces tendances devraient se maintenir, voire se renforcer.
    Les choix de développement qui seront faits aujourd'hui à ce niveau, leur organisation spatiale et la façon de les mettre en oeuvre, détermineront les quantités et la qualité de l'énergie à fournir pour relever les énormes défis de l'accès aux services de base qui se poseront à cet horizon dans les villes qu'elles soient petites, moyennes ou de grandes tailles.
    Ces réponses, de nature variée, sont déterminantes quant au contenu et à la direction à donner à la transition énergétique.
    La Francophonie, un acteur engagé pour des villes économes en énergies et à faible impact environnementaux
    La question des Villes et des territoires est au coeur des préoccupations de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de son organe subsidiaire l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la Francophonie (IEPF).
    On citera le programme de renforcement des capacités des municipalités francophones pour la gestion énergétique et environnementale (Programme " Ville, Energie et Environnement " -VEE-) mis en place par l'IEPF entre 2005 et 2011 %u2013Villes de Bamako (Mali), Ouagadougou (Burkina Faso), Ho chi Minh Ville (Vietnam), Bujumbura (Burundi), Marrakech (Maroc), Yaoundé (Cameroun), Cotonou (Bénin) et Douala (Cameroun)- a été un programme original tant dans sa conception, sa transversalité que dans l'articulation de sa mise en oeuvre. Il a apporté une pierre importante à la construction de l'espace de connaissance indispensable pour mettre en place des actions durables.
    L'originalité tenait en grande partie à sa capacité à prendre en compte la diversité d'une ville tout en ciblant des stratégies d'actions sur les deux volets " facilement " identifiables que sont l'énergie et l'environnement. Le programme VEE présentait le double intérêt d'apporter des réponses concrètes à des situations critiques évitant ainsi des dépenses futures inévitables et d'identifier les postes d'économies sur le court et moyen terme. La motivation des villes bénéficiaires pouvant donc être à la fois financière et politique au sens du mieux vivre des citoyens.
    Tant pour la phase pilote que pour la phase d'extension, les villes qui se sont portées candidates et qui ont accepté de s'engager dans le programme étaient désireuses de se doter des compétences proposées dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. Leur motivation, qu'elle soit basée sur une approche économique, environnementale ou sociale ne peut être remise en cause, cela d'autant plus qu'aucune compensation financière n'était prévue pour les villes dans le cadre de ce programme.
    Ce point est également une réelle originalité au regard de l'esprit du programme VEE. En effet, les actions qui devaient être mises en place auraient dû permettre de dégager des ressources financières additionnelles à même de permettre la pérennisation des actions et des moyens humains associés, même si cela est plus vrai et mesurable pour le Volet énergie que pour le volet environnement.
    En résumé, à budget équivalent, chaque ville devait, à l'issue du programme :
    - avoir amélioré sa performance énergétique ;
    - avoir amélioré sa performance environnementale ;
    - avoir réduit les factures associées (pour les deux volets -énergie et environnement-) ;
    - être en mesure de redistribuer les économies générées ou à venir sur de nouvelles actions ou sur le renforcement des moyens humains dédiés.
    Pour autant ce programme a également témoigné d'un certain nombre de limites compte tenu des moyens disponibles et des modalités de fonctionnement des Villes confrontées à un nombre sans fin d'urgences avec d'importantes contraintes budgétaires et une absence ou de très faibles moyens techniques et humains.
    Dépasser les approches sectorielles ... genèse de l'Initiative " Villes Francophones Durables " portée par l'IEPF et ENERGIES 2050
    Suite à l'évaluation du programme " Ville, Energie et Environnement " réalisée fin 2011 par ENERGIES 2050, l'IEPF et l'association ENERGIES 2050 ont décidé de concevoir ensemble une initiative " Villes Francophones Durables " et de susciter des partenariats pour la mettre en oeuvre. La genèse de l'Initiative s'inspire des travaux réalisés par l'IEPF mais aussi de ceux réalisés par les membres de l'association ENERGIES 2050 ces dernières années.
    A ce jour, il n'existe pas de programme stratégique francophone spécifique dédié aux villes et aux territoires au regard de l'ensemble des défis qui se posent aux Gouvernements locaux qu'il s'agisse des questions de développement durable, d'environnement, d'énergie ou d'une manière générale d'aménagements urbains ou encore de leur gestion.
    Au regard de l'importance de l'environnement construit et de l'espace urbain, les villes et les territoires font l'objet d'une attention particulière au niveau international et les actions et programmes se comptent par centaines. En première lecture cela pourrait apparaître comme une excellente nouvelle mais force est de constater que la plupart de ces expérimentations se font dans le cadre spécifique d'actions ciblées de coopération technique, financière, politique ou partenariale et que la duplication est peu facile à mettre en oeuvre.
    De plus, la plupart de ces actions font référence à des thématiques, approches, mécanismes et objectifs différents, sectoriels ou basés sur des " approches/solutions propriétaires ".
    Enfin ces actions sont portées par un nombre significatif d'acteurs et de bailleurs et s'inscrivent souvent dans le cadre de programmes thématiques et/ou géographiques ce qui rend la lisibilité des actions difficile.
    Pour finir, cela a généré un nombre important d'outils et de méthodes peu ou pas homogènes ce qui ne facilite pas la duplication des meilleures pratiques.
    Cela est d'autant plus important que la plupart des villes sont confrontées à des barrières similaires dès lors qu'il s'agit de mettre en place des stratégies de développement durable et le fait que ces barrières soient communes invite à une action inscrite dans un cadre partenarial.
    L'objectif de l'initiative francophone est d'apporter des réponses concrètes aux Villes de l'espace francophone selon des modalités résolument différente des programmes en cours en s'inscrivant autant que possible dans une démarche systémique. Le programme de renforcement des capacités des municipalités francophones pour la gestion énergétique et environnementale (Programme " Ville, Energie et Environnement " -VEE-) constitue un patrimoine de l'initiative et il permet de l'inscrire dans un cadre historique indispensable pour donner à la nouvelle initiative l'ambition nécessaire.
    Des défis significatifs mais aussi des trésors d'opportunités
    Les villes sont les dépositaires d'importantes responsabilités et disposent de nombreuses opportunités pour améliorer leurs performances dans les domaines qui relèvent de leurs compétences.
    Sans être exhaustif on citera la planification urbaine (organisation spatiale, rénovation urbaine, politique de l'habitat, densification de l'habitat, valorisation des friches industrielles...), les modifications de l'occupation des sols (protection des espaces verts, gestion des terres, conservation et restauration des habitats, développement de l'agriculture urbaine...), l'amélioration de l'efficacité énergétique notamment dans le secteur du bâtiment ou encore de l'éclairage public, la mise en place de transports communs ou publics novateurs dans leur organisation et dans les technologies bas carbones utilisées, la gestion des déchets (de la réduction à la source en passant par l'optimisation des processus de collecte ou de valorisation), le renforcement et l'optimisation de la gestion des différents réseaux (eau, information, énergie en augmentant notamment le recours aux énergies renouvelables et en encourageant la sobriété et l'efficacité énergétique).
    Les espaces urbains se trouvent de fait pleinement concernés par les stratégies d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre tout étant au coeur de l'élaboration et de la mise en oeuvre de politiques et de mesures d'adaptation afin que la ville de demain soit également résiliente. Préalable indispensable à toute transformation de nos espaces urbains, ces multiples contraintes renforcent l'interdépendance des décisions à organiser tout en complexifiant encore plus le calendrier de l'action à mettre en oeuvre. En effet, inscrire dans le long terme une politique urbaine tout en faisant face à des défis présents interpelle sur la question du financement et des modalités d'accompagnement des mesures à mettre en place.
    L'objet de l'initiative " Villes Francophones Durables " est d'encourager une approche systémique de la ville et d'élargir les thématiques de travail pour susciter la mise en oeuvre " d'une stratégie urbaine durable ".
    Première présentation de l'Initiative à Africités
    Une présentation de l'Initiative " Villes Francophones Durables " sera faite dans le cadre de 6ème édition du Sommet Africités qui se déroulera du 4 au 8 décembre 2012, à Dakar au Sénégal.
    Le thème de cette édition : " Construire l'Afrique à partir de ses territoires : quels défis pour les collectivités locales ? " témoigne si besoin était de l'importance des défis à relever pour les Villes Africaines mais aussi pour les villes des pays en développement en général.
    La première présentation publique de l'Initiative " Villes francophones durables " se fera également, au même moment que la Conférence sur les changements climatiques de Doha qui se déroule du 26 novembre au 7 décembre 2012, à Doha au Qatar (18e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques [CDP-18] et la 8ème Conférence des Parties agissant comme Réunion des Parties au Protocole de Kyoto [CRP-8].
    L'Initiative " Villes francophones durables " dans cet instant important pour notre histoire collective est à prendre comme une contribution aux objectifs portés par les Gouvernements locaux fortement mobilisés à cette occasion qu'il s'agisse des enjeux d'atténuation mais plus encore d'adaptation et des besoins en résilience des villes et des territoires.
    Stéphane POUFFARY, ENERGIES 2050, à Dakar
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