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Un chercheur qui tombe pile



  • Par Marie-Claude Bourdon

    Imaginez une pile solaire mince et souple pouvant être intégrée à toutes sortes de surfaces exposées au soleil : les fenêtres des maisons, la carrosserie des voitures et même les vêtements conçus pour les longues expéditions. Imaginez partir en randonnée avec une veste captant l'énergie du soleil et sur laquelle vous pourriez recharger votre téléphone portable. Science-fiction? Pas entièrement. Depuis la crise du pétrole qui a secoué le monde dans les années 70, la recherche sur la production d'énergie solaire a énormément progressé.

    Cela fait 25 ans, depuis ses études de maîtrise et de doctorat, que le chimisteBenoît Marsan cherche le moyen de fabriquer une pile électrochimique capable à faible coût de capter l'énergie du soleil. "Une pile, dit-il, qui permettrait dedémocratiser l'usage de cette énergie propre et inépuisable." Même quand le prix du pétrole a baissé, dans les années 80, et que l'intérêt pour les énergies alternatives a faibli, la passion pour le solaire de ce chercheur infatigable ne s'est jamais refroidie. Au cours des dernières années, sa persévérance a été récompensée : il a publié dans deux revues prestigieuses, le Journal of theAmerican Chemical Society et Nature Chemistry, des découvertes qui pourraient transformer l'avenir de la pile solaire. Ensemble, ces deux innovations ont été primées par le magazine Québec Science comme l'une des 10 découvertes de l'année 2010.

    Des piles à prix d'or

    La Terre reçoit plus d'énergie solaire en une heure que la planète n'en consomme actuellement en un an! Malheureusement, il n'existe toujours pas de moyen simple et efficace de transformer cet immense potentiel en énergie utilisable. Les piles photovoltaïques existantes, pour la plupart à base desilicium, coûtent une fortune. Résultat? L'électricité produite par ces piles revient deux ou trois fois plus cher que celle provenant de centrales hydroélectriques oudes combustibles fossiles. "En ce moment, l'énergie solaire revient à environ trois dollars le watt produit, mentionne Benoît Marsan. Pour qu'elle devienne concurrentielle, il faudrait pouvoir la produire à moins de un dollar le watt."

    On parle ici d'énergie photovoltaïque, autrement dit d'électricité produite directement à partir de la lumière, et non de l'énergie thermique fournie par les capteurs solaires qu'on installe sur le toit des maisons pour absorber la chaleur du soleil et chauffer l'eau, par exemple. En raison de ses coûts élevés de production, l'énergie photovoltaïque  ne compte que pour environ 0,01 % de l'électricité consommée dans le monde.

    L'une des piles photovoltaïques les plus prometteuses a été conçue au début des années 90 par le professeur Michael Graetzel, de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne, en Suisse. Sensibilisée par un colorant, elle s'inspire du principe de la photosynthèse, ce processus qui permet aux plantes de se nourrir en absorbant l'énergie lumineuse. Cette pile a même été commercialisée : intégrée à un sac à dos, elle permet de recharger un téléphone ou même un ordinateur portable!

    Mais ses applications restent limitées. Malgré ses nombreux avantages - "les matériaux qui la composent sont flexibles, ce qui permet  théoriquement de les intégrer à toutes sortes de surfaces exposées au soleil", note Benoît Marsan -, la pile Graetzel reste difficilement commercialisable dès qu'on l'assemble en modules. En effet, la solution électrolytique dans laquelle baignent l'anode et la cathode est très corrosive pour les contacts électriques en argent de la pile. Quand plusieurs piles sont connectées entre elles pour obtenir de plus grandes surfaces, leur stabilité est compromise.

    Autre problème : cette solution électrolytique à base d'iode, très colorée, réduit la quantité de lumière qui passe à travers la pile, limitant d'autant son efficacité. Finalement, même si la plupart des matériaux qui composent la pile Graetzel sont peu chers, l'une de ses composantes essentielles, la cathode, est enduite de platine, un matériau rare et coûteux. Depuis 20 ans, des chercheurs de partout dans le monde ont donc planché sur diverses solutions aux problèmes posés par la pile Graetzel.  

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