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Pourquoi le BBC ne "marche-t-il pas"?



  • Ce que la comparaison des labels Passivhaus et BBC nous apprend sur les faiblesses de la méthode de calcul thermique réglementaire

    Toutes les semaines de nouveaux retours d'expériences significatifs sur le BBC apparaissent. Tous font le même constat : les valeurs-objectifs de consommation énergétique sont dans les faits dépassées.
    Comportement des locataires, température de référence, mise en oeuvre, entretien et maintenance, variations climatiques... les raisons de ce différentiel entre objectifs de consommation conventionnelle et réalité des consommations sont nombreuses et bien connues.
    Chaque jour, le savoir de la chaine de valeur du bâtiment progresse vers l'amélioration de ces faiblesses et vers l'obtention de performances réelles. Citons par exemple les deux articles récents du Moniteur qui se fondent sur une excellente étude d'Enertech et qui répertorient les défauts de conception, de mise en oeuvre et de gestion du chauffage d'une part et de la ventilation d'autre part.

    Un facteur essentiel nous parait pourtant bien souvent mis de côté : les partis-pris du calcul thermique de la méthode réglementaire.


    Photo thermique de la Clairière, bâtiment Passivhaus du Foyer Rémois

    Malgré leurs conséquences négatives sur la qualité de la conception des bâtiments BBC, nombre de ces partis-pris ont été repris dans l'élaboration de la RT 2012. Il est possible d'analyser les défauts du calcul réglementaire en observant les différences entre cette méthode et la méthode PHPP du label allemand Passivhaus dont les retours d'expériences démontrent l'effectivité des résultats. Si cette étude n'est pas révolutionnaire elle permet néanmoins de balayer l'idée assez répand

    ue que le " BBC est plus exigeant que le label Passivaus " sous prétexte que l'un vise une performance moyenne de 50 kWhep/m2 pour les 5 usages alors que le second ne vise " que " 120 kWhep/m2 pour l'ensemble des usages (" soit, en retirant les appareils électroniques, environ 70 kWhep/m2 " précisera le commentateur averti qui pense que cela reste inférieur aux exigences du BBC).

    Nous avons ainsi répertorié certaines différences qui mènent à penser que le calcul Passivhaus est plus proche de la réalité physique que le calcul réglementaire utilisé notamment pour la construction BBC. Les voici par ordre d'importance :

  • La température de référence est fixée à 20°C dans le cas du PHPP alors que le modèle français prend en compte 19°C. On sait la température réelle observée dans les logements plus proche de 21°C.
  • Contrairement au logiciel PHPP où il est obligatoire de rentrer toutes les valeurs unitaires, le logiciel réglementaire permet d'insérer des valeurs par défaut pour un grand nombre d'éléments notamment pour les réseaux. Loin d'être systématiquement pénalisantes (comme de nombreux BET le pensent), ces pertes thermiques associées à la conception des réseaux peuvent avoir des conséquences extrêmement pénalisantes sur la performance réelle.
  • De la même manière, les ponts thermiques sont calculés succinctement par la méthode française, sur la base de catalogue de situations typiques. Cela conduit généralement à les sous-estimer. Les ponts thermiques inférieurs à 0,05 kW sont ainsi négligés par le PHPP alors que la méthode réglementaire française met de côté tous les ponts thermiques inférieurs à 0,1 kW.
  • L'étanchéité à l'air n'est pas prise en compte de la même manière : alors que l'indicateur n50 utilisé pour le Passivhaus prend en compte le volume chauffé du bâtiment, le label BBC retient l'indicateur i4 qui favorise (ou ne défavorise pas du moins) les formes les moins compactes de bâtiments en dehors de toute réalité physique. Il a été constaté que l'objectif du Passivhaus (n50%u22640,6) est en moyenne 2 fois plus exigeant que l'objectif du BBC pour du collectif, et 4 fois plus pour de la maison individuelle (i4%u22640,6). L'excellent ouvrage du CETE de Lyon sur l'étanchéité à l'air montre d'ailleurs qu'un n50 de 0,6 correspond, en moyenne, à un i4 de 0,2 (p28).
  • Les gains internes liés aux activités humaines sont estimés à 2,5W/m2 dans le calcul réglementaire français alors que cette valeur est limitée à 1,2W/m2 pour le label Passivhaus.
  • Les coefficients de conversion énergie primaire en énergie finale sont différents, ce qui est plutôt naturel pour l'électricité (les mixs énergétiques n'étant pas les mêmes) et compréhensible pour les autres énergies. Cependant, avec un facteur de conversion de 2,7 pour l'électricité et de 1,1 pour le gaz et le fioul, le Passivhaus est plus exigent que notre norme.
  • Contrairement à notre méthode nationale, le PHPP ne prend pas en compte la résistance thermique des volets. Il peut paraître en effet assez logique de ne pas présumer de la fermeture systématique de tous les volets toutes les nuits par les occupants même si cela peut être discuté. En revanche la consommation par défaut des ventilateurs utilisée par la méthode réglementaire paraît surestimé compte tendu des moteurs basse consommation aujourd'hui sur le marché.
  • Les débits d'air obligatoires sont plus élevés en France qu'en Allemagne pénalisant ainsi la ventilation double flux. Ceci dit cette différence est à mettre au crédit de la législation française ; compte-tenu de la pollution intérieure, des défauts de réglage et d'entretien, il serait insensé de diminuer les débits d'airs réglementaires.
  • La plupart de ces différences sont liées au fait que contrairement au PHPP, la méthode de calcul réglementaire n'a pas pour objectif premier de calculer la performance énergétique réelle des constructions ainsi qu'il est rappelé dans le texte réglementaire :

    " La méthode de calcul Th-B-C-E 2012 a pour objet le calcul réglementaire des coefficients Bbio, Cet Tic. Elle n'a pas pour vocation de faire un calcul de consommation réelle compte tenu des conventions retenues "

    Cependant, il est évident que nos maîtres d'oeuvre utilisent la méthode réglementaire comme un outil de conception et, en tant que maîtres d'ouvrages, nous avons besoin de disposer d'éléments d'objectivation tel que la consommation conventionnelle, ne serait-ce que dans notre communication avec les tiers.

    En plus de s'assurer de la bonne réalisation des travaux, de la qualité de l'exploitation et de l'entretien des systèmes, et d'accompagner les locataires à une utilisation adaptée de leurs logements, le bailleur social doit s'assurer de la bonne réalisation de l'étude thermique. Ainsi, Delphis travaille actuellement à la l'élaboration d'un cahier des charges d'audit thermique qui réduise les écueils exposés.

    Il n'est pas ici question de faire du jusqu'au-boutisme environnemental pro-Passivhaus, la mission première des bailleurs sociaux est de construire pour le plus grand nombre : le mieux-disant sociétal se situe évidemment dans l'optimum coûts de construction / performance (notamment) énergétique. Or il n'est pas encore possible économiquement de généraliser la construction passive sans remettre en cause notre capacité à répondre à la crise du logement. Cependant, en tant que maîtres d'ouvrage, il est important que nous disposions d'outils performants. Sans cela, nous courrons un double risque : nous mettre dans l'incapacité de réaliser nos promesses de performance ou imputer systématiquement et de manière infondée la " surconsommation " d'énergie aux locataires.

    En conclusion, le changement viendra peut-être en investissant plus sur une maîtrise d'oeuvre de qualité (donc mieux rémunérée) pour réduire les coûts en phase de réalisation et d'exploitation.

    Source  : Baptiste Camus

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