Le World Resources Institute (WRI) a organisé du 22 au 23 janvier 2024 à Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est-Cameroun, un atelier de sensibilisation et d’échanges sur l’utilisation de la plateforme Open Timber Portal (OTP) par les communes et entreprises forestières au Cameroun. Les assises tenues sous l’onction du ministère des Forêts et de la Faune (Minfof) étaient présidés par le représentant du délégué régional des Forêts et de la Faune de la région de l’Est, Stephan Engueu. 56 personnes représentants des communes, des partenaires au développement, les points focaux et responsables de foresterie communale des forêts communales et des opérateurs économiques du secteur forêt-bois ont pris part aux travaux de Bertoua.
« Le MINFOF a pris connaissance des initiatives indépendantes de certains acteurs qui visent à démontrer les efforts en matière de légalité et qui facilitent la diligence raisonnée pour accéder aux différents marchés ayant mis en place des règlementations en vue de limiter l’importation du bois d’origine illégale sur leurs territoires », a indiqué M. Engueu dans son discours de circonstance. Parmi ces outils figurent l’Open Timber Portal qui est une plateforme indépendante compilant des informations sur la conformité du secteur forestier. Et quand bien même le MINFOF n’a pas été associé à son développement, le département ministériel le considère comme un outil de diligence raisonnée qui intéresse plus les entreprises forestières qui mettent en ligne les informations sur leurs titres d’exploitation. « Le MINFOF encourage les initiatives comme la certification privée et les entreprises privées à s’arrimer à la légalité », précise le représentant du MINFOF.
L’objectif était d’informer les communes et les entreprises forestières sur les opportunités qu’offrent l’Open Timber Portal, de former les points focaux des communes et des entreprises forestières à l’actualisation de leurs informations sur l’OTP, de consulter les communes et le secteur privé sur le fonctionnement et l’utilisation de l’OTP, avec un intérêt sur la liste des documents publiés et la gestion des données des observateurs indépendants fournies par d’autres parties prenantes (société civile et administration) et d’analyser la compatibilité de l’OTP avec les systèmes de traçabilité internes mis en place par les entreprises le cas échéant. L’enjeu est que les participants puissent voient en l’OTP un tremplin pour faciliter leurs échanges dans le cadre du marché international et améliorer la réputation du bois camerounais sur le marché international des bois tropicaux.
Opportunités autour de l’Open Timber Portal
L’Open Timber Portal est une plateforme web indépendante conçue par le World Resources Institute (WRI) en collaboration avec des organismes gouvernementaux, des représentants du secteur privé ainsi qu’un certain nombre d’organisations locales de la société civile. Le portail promeut le respect de la légalité dans la production et le commerce du bois, en compilant des informations provenant de l’administration, du secteur privé et des observateurs indépendants des forêts (OIF) sur la conformité du secteur forestier dans les pays producteurs. La plateforme OTP vise à apporter la transparence dans les opérations forestières. En ce sens, elle facilite l'accès aux informations et appuie le secteur privé dans la promotion de la transparence de ses activités. Les informations auparavant inaccessibles sur les pratiques de gestion sur le terrain et sur le respect des exigences en matière de légalité du bois sont désormais rendues publiques via la plateforme.
Par ailleurs, le portail a ceci de particulier qu’il compile des informations provenant de trois sources différentes : les limites officielles des concessions et la liste des exploitants forestiers enregistrés provenant de l’administration chargée des forêts, les documents mis en ligne volontairement par les exploitants pour démontrer leur conformité avec les exigences légales et les observations faites par les observateurs indépendants des Forêts. Pour le moment, l’Open Timber Portal est déployé dans le Bassin du Congo. Il sera étendu progressivement à d’autres pays producteurs pertinents, fait observer WRI. Le développement de l’Open Timber Portal (OTP) a bénéficié du soutien financier de plusieurs bailleurs de fonds : Norway’s International Climate and Forest Initiative (NICFI), l’Union européenne, UK Aid et les Etats Unis d’Amérique (USA).
La raison d’être de la plateforme OTP
L’opérationnalisation de l’OTP au Cameroun en 2019 s’inscrit en droite ligne de la signature par l’Etat d’un accord de partenariat volontaire (APV) sur l’application des règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux de bois et produits dérivés vers l’Union européenne (APV-FLEGT) le 6 octobre 2010 et de sa ratification le 9 août 2011. L’idée étant d’améliorer la gouvernance forestière, de promouvoir la transparence dans le secteur forestier et d'améliorer la compétitivité du bois en provenance du Cameroun sur le marché international. L’un des aspects les plus importants de l’accord signé par les deux parties porte sur la transparence dans la chaîne d'approvisionnement du bois. Cette obligation figure à l'annexe 7 de l'accord qui détaille les informations à rendre publiques. Bien qu’il ressorte clairement de cet accord que c'est principalement le rôle des deux parties (l’administration et l’UE) d'assurer la publication des informations, le rôle du secteur privé, même s’il n'est pas clairement défini, est primordial compte tenu du fait qu’il est un acteur important. Celui-ci est amené, à la demande de ses clients, à rendre publique des informations relatives à ses activités.
L’OTP héberge actuellement des informations sur les sociétés forestières des différents pays du Bassin du Congo. Les communes et entreprises forestières pourront, de façon volontaire, y charger leurs documents de légalité dans l’activité forestière, conformément aux dispositions de l’annexe 7 de l’APV-FLEGT sur les documents à publier. Ceci permettra aux potentiels acheteurs de bois et à tous les autres acteurs intéressés, qui visitera le portail d’attester de la légalité et de la transparence des entreprises.
Les entreprises peuvent diriger leurs clients qui mènent leur diligence raisonnée dans le cadre du Règlement sur la déforestation de l’Union européenne (ex-règlement sur le bois de l’Union européenne ou RBUE), du Lacey Act (loi américaine qui touche les commerçants américains ainsi que les fabricants et exportateurs qui expédient divers produits à base de bois aux Etats-Unis, notamment du papier, des meubles, du bois de charpente, des parquets, du contreplaqué et d’autres produits à base de bois; ndlr) et autres mécanismes contraignants d’accès au marché de bois tropicaux vers le portail.
Deux avantages y sont attachés : le fait qu’une liste précisant des documents de légalité issus des grilles de légalité APV FLEGT sera disponible et facilement accessible et la possibilité pour les clients de télécharger les documents directement sur la plateforme site, avec la garantie du contrôle qualité rigoureux de WRI en amont pour crédibiliser le fournisseur.
Une aubaine pour le secteur privé forestier camerounais
Le secteur privé camerounais gestionnaire des ventes de coupes et forêts communales est encore nouveau sur la plateforme. Leur score varie en 0 et 20%. C’est donc à juste titre qu’une formation sur la plus-value de la plateforme est la bienvenue. D’où la nécessité d’accompagner les opérateurs économiques pour l’appropriation effective de la plateforme dans le secteur forestier au Cameroun, la mise à jour de leur profil et la mise en ligne de leurs documents de légalité, recueillir leurs commentaires éventuels sur l’outil afin de l’adapter continuellement aux besoins de la filière bois et l’arrimer aux exigences du marché et s’assurer que la liste de documents sur l’OTP reste compatible avec la grille de légalité APV-FLEGT pour les ventes de coupes et les forets communales après la révision en cours. Il est également question de documenter la perception des entreprises sur les données des observateurs indépendants rendues publiques sur la plateforme et le lien qu’elles en font pour leur niveau de transparence dans l’OTP et de proposer des options de passerelles possibles entre l’OTP et les systèmes de traçabilité internes pour permettre un gain de temps pour les utilisateurs de l’OTP disposant déjà d’un système robuste.
Alexis Ngnoche, responsable de la société Dino et Fils, flirte depuis quelques années avec la plateforme OTP. « C’est une plateforme qui permet d’avoir une visibilité sur notre entreprise. Le monde étant devenu un village planétaire, si tu veux avoir des informations sur ma société, il suffit d’ouvrir la plateforme pour avoir toutes les informations. Du coup, ça raccourcit nos échanges avec nos clients. Nous gagnons en temps et les échanges sont plus fluides entre les clients et nous », explique-t-il. « Les clients n’ont pas besoin d’aller très loin pour savoir qu’ils ont en face d’eux une société crédible. Une société qui fait dans la transparence, mieux la légalité, n’a pas besoin de se cacher. Par contre, celle qui opère dans la clandestinité n’a pas besoin de se faire connaître », poursuit notre interlocuteur. L’avantage en étant sur cette plateforme, c’est de conquérir de nouveaux marchés. Le nombre actuel d’utilisateurs de l’OTP au Cameroun est de 2955, sur une cible de 1200. En Europe, le nombre d’utilisateurs est 11 674 sur une cible de 4500, tandis qu’en Asie, l’on enregistre 5507 utilisateurs sur une cible de 1000.
Des exigences de légalité à satisfaire
« Aujourd’hui, dans le monde entier, la forêt pose un dilemme. Est-ce qu’il faut exploiter on non ? Est-ce que c’est conservé ? Est-ce que c’est géré durablement ? Et les communes sont assez faibles pour mener un lobbying sur le plan international et pouvoir dire qu’est-ce qui est fait et qu’est-ce qui est en train d’être fait. La première base, quelle que soit la procédure, que ce soit pour des projets carbone ou pour le nouveau règlement de l’Union européenne ou pour toutes les initiatives concernant la forêt, c’est la légalité », déclare Dr. Fridolin Choula, consultant au cabinet d’études CGIS et facilitateur de l’atelier. A son avis, les grandes entreprises peuvent désormais facilement se présenter à qui elles veulent et quand elles veulent. « Or, les petites entreprises et les forêts communales ont besoin des initiatives comme celles-ci (en référence à l’OTP) pour montrer sur la base de leurs documents de légalité, qu’elles sont légales et transparentes. Ce n’est qu’à ce prix qu’elles pourront attirer des partenaires qui viendront contribuer à la gestion durable et à la conservation de leurs forêts », martèle Dr. Choula.
Tout document de légalité est présenté sur Open Timber Portal. Avec cet avantage qu’il y a d’abord au niveau de WRI un contrôle rigoureux pour les documents qui sont chargés. C’est volontaire : chaque entreprise, chaque commune met ses documents. Mais, ces documents ne sont montrés au public qu’après un contrôle rigoureux. La deuxième chose à relever : en plus de ces documents de légalité, la société civile observe et peut, à tout moment, faire des commentaires sur ce processus. Ce qui le rend crédible et beaucoup plus solide, indique le consultant. De sources officielles, toutes les communes camerounaises sont présentes actuellement dans la plateforme, mais juste une vingtaine d’entre elles sont actives. Les autres sont en train de suivre progressivement la dynamique.
Le résultat attendu par WRI est justement de voir le score des communes s’améliorer sur la plateforme OTP pour passer le cap de 50%. A la commune d’Ambam, l’on reconnaît que la plateforme a contribué à augmenter leur visibilité en leur permettant d’augmenter leurs partenaires et leurs échanges. « L’exploitation forestière est l’une des principales poches de recettes de notre commune. Ambam est situé en zone forestière et dispose de l’une des plus grandes forêts communales du Cameroun qui produit d’énormes revenus, avec une superficie de 45 895 hectares. En termes de recettes par an, elles tournent autour de 100 à 125 millions de F.CFA », a confié le point focal OTP de la commune, Assoumou Minko. Quant au nombre de documents d’entreprises camerounaises disponibles sur l’OTP, ils sont chiffrés à 651, soit 459 valides et 192 expirés.
Open Timber Portal et SIGIF 2 : complémentarité ou défiance ?
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’APV-FLEGT, le Cameroun opérationnalise le Système informatique de gestion des informations forestières de deuxième génération (SIGIF 2) qui s’est facilement intégré dans le fonctionnement du MINFOF et qui contribue significativement à l’assainissement du secteur de l’exploitation forestière, selon M. Engueu du ministère en charge des Forêts. A ce jour, tous les titres sont délivrés par le SIGIF 2 et toute la production est suivie de bout en bout, explique notre source. « Le SIGIF a été mis sur pied sur le plan national pour contrôler tout le flux du bois. Toutes les autorisations sont délivrées par le SIGIF. Maintenant, si vous voulez communiquer avec l’extérieur notamment des partenaires qui sont disséminés dans le monde entier, vous ne pouvez pas le faire à travers le SIGIF », précise le Dr. Choula. Et de poursuivre : « Il y a des gens qui sont intéressés globalement par les communes et qui aimeraient savoir celles qui travaillent de façon sérieuse. Ces opérateurs ou partenaires ne peuvent pas entrer dans le SIGIF parce qu’ils n’y sont pas enregistrés ».
Par rapport au SIGIF, Open Timber Portal est donc une initiative qui permet de mettre sur le web les documents de légalité, de montrer le sérieux des entreprises et des communes, de sorte que même par hasard, des partenaires peuvent accéder sur vos données et voir que vous faites des efforts pour rester dans la légalité. M. Minko Assoumou de la commune d’Ambam soutient que, contrairement au SIGIF qui présente au niveau national le fonctionnement de la foresterie, la plateforme OTP est un site web qui permet de voir les actions, les mouvements ou les documents d’une commune au niveau international.
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