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Combattre les changements climatiques par le biais du développement durable



  • eJournal USA  Spécial : Perspectives du Changement climatique
    Volume 14, Numéro 9, ISSN 1948-4399

     

    Jiahua Pan

    Directeur exécutif du Centre de recherche pour le développement durable (CRDD), lequel s'insère dans l'Académie chinoise des sciences sociales (ACSS), M. Jiahua Pan est en outre professeur d'économie à l'École d'études supérieures de l'ACSS. Il a été agent principal de programmes et conseiller en matière d'environnement et de développement au bureau à Pékin du Programme des Nations unies pour le développement. Il a été économiste principal au Groupe de travail III du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et l'un des principaux auteurs des troisième et quatrième rapports d'évaluation sur les moyens d'atténuer les changements climatiques. Il est l'auteur d'un grand nombre de communications et d'articles consacrés aux dimensions économiques et sociales du développement durable ainsi qu'à la politique relative aux changements climatiques.

    Dans le présent article, M. Pan discute l'urgence qu'il y a d'appliquer des programmes de développement durable en Chine, pays particulièrement vulnérable aux effets du réchauffement planétaire et des changements climatiques, ainsi que les mesures qui ont été déjà prises en vue de protéger l'environnement.

    La Chine a de tout temps subi des catastrophes climatiques et elle sera plus vulnérable aux changements climatiques. Cet état de fait tient principalement à la grande fragilité de son environnement physique. Sa population en croissance constante, ses ressources physiques et son infrastructure sont exposées aux risques climatiques, lesquels viennent se greffer sur les effets du processus de développement du pays. La recherche d'un développement durable constitue la stratégie fondamentale qu'on y a mise en place pour s'attaquer aux problèmes liés aux changements climatiques, en matière tant d'adaptation que d'atténuation des effets escomptés. L'expérience de la Chine et les défis auxquels elle se mesure revêtent de l'importance à l'échelle mondiale, et la coopération internationale répond à une impérieuse nécessité à ce double égard.

    Sécurité climatique

    Les phénomènes climatiques extrêmes, tels la sécheresse, les inondations et les typhons dans les régions côtières et les tempêtes de neige dans l'arrière-pays, au nord, entraînent souvent l'instabilité et les troubles sociaux. En 1931, les crues du Chang Jiang (ou Yang-Tseu-Kiang) firent 145.000 morts, et des dizaines de millions de personnes se retrouvèrent sans abri. La population la plus dynamique au plan économique, et la plus riche aussi, se concentre dans les régions côtières, en particulier dans le delta du Chang Jiang, dans celui de la rivière des Perles et en bordure de la mer de Bohai. Au cours des trente dernières années, le niveau de la mer a progressé de 2,6 mm par an, et cette tendance va se poursuivre. Dans la région du delta du Chang Jiang, la densité de la population atteint 890 habitants par km2. Quinze grandes villes situées dans cette région occupent seulement 1 % de la superficie de la Chine, mais leur part du produit intérieur brut (PIB) du pays a représenté jusqu'à 17 % en 2008. Dans le Nord-Ouest, où les établissements humains sont lourdement tributaires de la fonte des neiges de l'Himalaya et des montagnes du Tian-Shan, la hausse des températures sonnerait le glas de l'agriculture pratiquée dans des oasis.

    Conjugués à la croissance démographique, à l'accélération de l'urbanisation et au développement global de l'économie, les changements climatiques posent indubitablement un risque pour la sécurité. La rareté des ressources en eau est un autre sujet de préoccupation. Des événements extrêmes précipités par les changements climatiques font que la production alimentaire est problématique. La montée du niveau de la mer mettra dans une situation très précaire des centaines de millions d'habitants et des avoirs d'une valeur de plusieurs milliers de milliards de yuans (ou renminbi, RMB). Dès lors, les mesures visant à atténuer les effets des changements climatiques et à mettre en place des adaptations constituent le fondement d'un développement durable en Chine.

    Combattre les changements climatiques par le biais du développement

    La Chine est victime des changements climatiques. Si elle s'abstient d'agir, elle compromettra à coup sûr son développement. L'expérience de la Chine et du monde montre qu'il est possible de contrer les changements climatiques par le biais du développement. En 1998, les crues du Chang Jiang firent de nouveau parler d'elles, provoquant des inondations comparables à celles de 1931, mais les pertes furent cette fois comparativement négligeables. La raison en est très simple : les digues sont beaucoup plus solides, et l'on peut aujourd'hui mobiliser davantage de ressources pour lutter contre les inondations. Avant 2000, les pertes économiques imputables à des événements climatiques extrêmes représentaient chaque année entre 3 % et 6 % du PIB de la Chine. Depuis une dizaine d'années environ, elles correspondent tout au plus à 1 % du PIB, encore que dans l'absolu les sommes en jeu soient plus élevées. Avant la réforme de 1978, les typhons tuaient chaque année un grand nombre de gens et réduisaient à néant les maisons de la région côtière. De nos jours, les immeubles sont capables de résister aux typhons les plus violents. Les systèmes d'alerte avancée permettent à la population d'être fin prête. Grâce aux techniques d'économie d'eau et à l'irrigation, la demande d'eau a été réduite.

    Étant une économie en développement, la Chine, aux termes du protocole de Kyoto, n'est pas tenue de réduire en termes absolus ses émissions de gaz à effet de serre. Il ne faut pas en conclure pour autant qu'elle s'est abstenue de prendre des mesures destinées à freiner ces émissions. En fait, la poursuite d'un développement durable en Chine est compatible avec les réductions recommandées et elle a contribué dans une importante mesure à la diminution des gaz à effet de serre. Selon son onzième plan quinquennal (2006-2010), la Chine s'est fixé pour objectif obligatoire de réduire de 20 % en 2010, par rapport à 2005, sa consommation d'énergie par unité de PIB. L'application rigoureuse de mesures administratives et incitatrices indique que cette cible pourra être atteinte. Les travaux de boisement et de reboisement, dont la création de ceintures de protection dans les montagnes au cours des trente dernières années pour permettre à la végétation naturelle de se renouveler et à la forêt de gagner du terrain sur les terres arables, expliquent que la couverture forestière ait progressé depuis la fin des années 1970 : de 12,7 % à l'époque, elle est passée à 18,7 % aujourd'hui. Les nouveaux bâtiments consomment 65 % moins d'énergie que les autres. Selon la World Wind Energy Association (l'Association mondiale de l'énergie éolienne), la capacité installée de l'énergie éolienne de la Chine, qui représentait 23,1 % de la capacité mondiale nouvellement installée en 2008, a placé le pays juste derrière l'Allemagne cette année-là. La Chine investit si lourdement dans l'énergie éolienne et solaire qu'elle pourrait bien être le vrai chef de file du développement de l'énergie renouvelable. La politique sociale et la promotion d'une consommation durable constituent en outre des éléments positifs. La Chine a déjà mis en place des programmes liés aux changements climatiques à l'échelon tant national que provincial. À l'avenir, la planification et la prise de mesures concrètes à l'appui
    du développement tiendront davantage compte des considérations climatiques. Par exemple, les projets de détournement de fleuves, de construction d'ouvrages longitudinaux et d'urbanisation devront inclure des mesures visant à atténuer les effets des changements climatiques ou à faciliter l'adaptation aux mutations attendues.

    Faire cause commune

    Malgré les efforts acharnés qu'elle déploie pour atténuer les effets des changements climatiques, la Chine voit ses émissions de gaz à effet de serre augmenter. Depuis 2007, ses émissions seraient supérieures à celles des États-Unis, et ses émissions par habitant sont déjà comparables à la moyenne mondiale, encore qu'elles demeurent nettement inférieures à celles des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Comme la Chine est encore en train de s'urbaniser et de s'industrialiser, il est probable que ses émissions de gaz à effet de serre continueront d'augmenter. De toute évidence, l'atténuation des effets des changements climatiques en Chine dépasse le cadre de ses frontières. La coopération internationale va réduire le taux des émissions de la Chine.

    Le Mécanisme de développement propre (MDP) prévu aux termes du protocole de Kyoto a fait ressortir le potentiel que représente la coopération internationale. Les flux financiers destinés à la Chine ont beau être minimes, ils lui permettent malgré tout de consentir des investissements dans l'énergie éolienne et l'efficacité énergétique qui ne seraient pas viables au plan commercial autrement. La progression rapide de l'énergie éolienne ces quelques dernières années illustre bien ce phénomène. Le prix du carbone lié aux unités de réduction certifiée des émissions (URCE) dans le cadre de projets MDP est un signal envoyé au marché et qui montre que les technologies pauvres en carbone peuvent être concurrentielles. À cet égard, la coopération technologique joue un rôle clé. L'atténuation des effets des changements climatiques est un bienfait d'intérêt public à l'échelle planétaire. Les pouvoirs publics doivent participer au développement, au transfert et au déploiement de technologies respectueuses du climat. En outre, la coopération technologique revêt de l'importance dans la mesure où les technologies appropriées émanant de pays en développement peuvent se révéler exploitables et rentables. Ajoutons qu'en montrant comment le faible niveau des émissions peut aboutir à une forte qualité de vie dans les pays développés on peut encourager la Chine à adopter en matière de consommation des comportements qui ne portent pas atteinte au climat. Pour s'adapter aux changements climatiques et en atténuer les effets, il faut se serrer les coudes, et non se montrer du doigt.

    Les opinions exprimées dans le présent article ne reflètent pas nécessairement les vues ou la politique du gouvernement des États-Unis.

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