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Investissement responsable : Comment s'y retrouver?



  • Un article de la série : « Tout ce que vous voulez savoir sur l’investissement responsable »

    Par Julie Bernard, candidate au doctorat en management à l’Université Laval, pour GaïaPresse

    Activisme actionnarial, portefeuille vert, intégration ESG… le vocabulaire utilisé pour discuter de l’investissement responsable est divers et vaste. Est-ce que tous ces mots sont vraiment synonymes? Comment s’y retrouver ? Ce premier article de la série « Tout ce que vous voulez savoir sur l’investissement responsable » vous propose un retour sur quelques évènements marquants et quelques pistes pour mieux définir l’investissement responsable.

    Tout d’abord, un peu d’histoire et de mise en contexte

    D’où vient l’investissement responsable? Si plusieurs croient que l’investissement responsable est relativement nouveau…et bien, c’est faux! Les premiers pionniers de cette approche sont les Quakers[1]. Cette communauté religieuse désirait uniquement des investissements qui respectaient leurs valeurs. Par considération morale, les Quakers ont évité d’investir dans le commerce des esclaves et des armes[2], et ce, il y a plus de 250 ans! Cette organisation est la première à prendre position contre l’esclavage et le commerce des esclaves. Les communautés religieuses et leur pouvoir d’investissement ne sont pas nécessairement synonymes du passé comme on pourrait le croire. Bien que leurs pratiques d’investissement aient dépassé les limites d’exclure des investissements qui ne correspondent pas à leurs valeurs, elles conservent aujourd’hui un rôle actif en investissement responsable.

    Par exemple, au Québec le Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises (RRSE) joue un rôle important dans l’engagement actionnarial. Ce regroupement est membre du Taskforce on Churches and Corporate Responsibility (TCCR) un regroupement d’organisation religieuse à l’échelle canadienne. Ils se sont d’ailleurs impliqués activement, entre autres, à la lutte contre l’apartheid. Fondé en 1971, l’Interfaith Center on Corporate Reponsability (ICCR) regroupe maintenant 300 organisations (communauté religieuse, universités, collèges, syndicat, etc.) et plus de 200 millions de dollars américains en capital investi[3].

    En plus des communautés religieuses déjà actives depuis plusieurs années, quelques entreprises, au début des années 1990, ont commencé à s’impliquer un plus directement. Dans ces mêmes années, elles font l’introduction de rapports publics, comme des rapports de développement durable,  sur les valeurs en mettant l’accent sur les questions sociales, environnementales et de protection des animaux[4]. La compagnie de crème glacée Ben & Jerry s’implique par exemple dans plusieurs campagnes comme 1% for Peace en 1988, Artificial Growth Hormone? Not in Our Ice Cream! en 1989 et Contented Cows make the Best Ice Cream en 1990[5]. En matière de vêtement, la marque américaine lancée par le québécois Yvon Chouinard Patagonia se démarque aussi en introduisant le coton biologique dans ses produits[6].  La compagnie de produits cosmétiques The Body Shop lance sa fillière STOP Violence Against Women et adresse ensuite les enjeux climatiques avec Help Take the Heat off [7].

    L’investissement responsable et le besoin d’une finance plus durable, et ce à l’échelle mondiale est marqué par la naissance des Principes pour l’investissement responsable (UNPRI). Cette initiative a été lancée en 2006 par des investisseurs en partenariat avec l’Initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le Pacte mondial de l’ONU[8]. Les PRI désirent appliquer, à l’aide de leurs signataires qui s’engagent, à respecter leurs six Principes pour l’investissement responsable : intégrer des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) aux processus décisionnels et d’analyse des investissements ;  être des actionnaires actifs et intégrer les questions ESG aux politiques et procédures en matière  d’actionnariat ; demander  aux entités avec lesquelles ils investissent de faire preuve de  transparence concernant les questions ESG ;  encourager l’adoption et la mise en œuvre des Principes dans le secteur des investissements ; coopérer pour améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des Principes ;  rendre chacun compte des activités et des progrès accomplis concernant la mise en œuvre des Principes. Si lors de son lancement à la bourse de New York l’initiative comptait uniquement 100 signataires, elle en compte aujourd’hui pas moins de 1600.

    L’investissement responsable, au final, c’est quoi?

    Tout comme le développement durable, il n’y a pas de définition qui fait consensus au sujet du terme « investissement responsable ». On s’entend habituellement pour dire qu’il s’agit d’une prise en compte de facteur ESG dans les décisions ainsi que l’utilisation d’une ou plusieurs stratégies d’engagement actionnarial (sujet du prochain article). Pourtant, avec la montée en popularité de l’investissement responsable, de plus en plus y associent uniquement l’intégration de ESG comme étant synonyme. Pourtant, la considération de facteurs extrafinanciers ne constitue qu’une seule stratégie d’investissement responsable et n’est pas en soi sa définition.

    On parle maintenant de portefeuille vert (orienté principalement sur l’environnement), portefeuille éthique (orienté sur des critères moraux ou une exclusion des sin stocks comme l’armement, l’alcool, la pornographie le tabac et le nucléaire), de décarbonisation, de désinvestissement, etc. Chacun de ces termes a une définition qui lui est propre, mais n’est pas exactement synonyme d’investissement responsable, mais plutôt une articulation de celui-ci.

    Finalement, qui pratique l’investissement responsable? Ce sont principalement les investisseurs institutionnels. On peut penser aux fonds de pension, aux firmes d’investissement, aux fonds mutuels. Et les particuliers? C’est beaucoup difficile pour eux de faire de la pression directement sur les entreprises vu la présente structure actionnariale et légale dont le poids repose beaucoup sur l’importance en capital. Cela ne veut pas dire que les particuliers, comme vous et moi, sont sans voix. Au contraire, il reste un énorme travail d’éducation et d’information à réaliser. Comment faire alors? En posant des questions, autant à votre entourage qu’à vous conseiller financier. Demandez où est investi votre argent, quelles stratégies sont mises en place, si les entreprises sont rencontrées afin de les faire avancer dans leurs réflexions sur leurs impacts ESG, etc. Les particuliers n’ont peut-être pas le poids en capital des investisseurs institutionnels, mais ils ont le pouvoir de faire pression en posant des questions et en exigeant que leurs valeurs soient respectées.

    Vous avez des questions sur ces stratégies d’engagement actionnarial? Cela tombe bien, c’est justement le sujet de mon deuxième billet qui suivra sous peu.

    À bientôt!

    À propos de l’autrice : Julie Bernard est étudiante au doctorat en management à l’Université Laval. Dans le cadre de sa thèse, elle étudie divers enjeux qui touchent l’investissement responsable. Elle est membre de la Chaire de recherche du Canada en internationalisation du développement durable et de la responsabilisation des organisations coordonné par son directeur de thèse : Pr Olivier Boiral. Avant d’entamer son doctorat, Julie a travaillé dans le domaine de l’investissement responsable. Elle a été membre de l’équipe du Groupe investissement responsable (GIR) et a réalisé des mandats de consultations pour diverses organisations.

     

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