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L'eau, une bataille de tous les jours



  • DEVELOPPEMENT-BURKINA FASO :L'eau, une bataille de tous les jours

    Par Tiego Tiemtoré "Au Burkina Faso, l'un des pays les plus pauvres de la planète, l'accès à l'eau reste un combat permanent, tant pour les autorités que pour des organisations non gouvernementales (ONG) et les populations. Mais, la question demeure une des grandes priorités dans ce pays sahélien d'Afrique de l'ouest où des ONG ont engagé, aux côtés du gouvernement, des actions dans les zones rurales notamment, où vivent environ 80 pour cent des 11,8 millions d'habitants du Burkina, selon des statistiques officielles. ''La construction des forages et des retenues d'eau a eu un impact positif sur la vie des habitants de notre village, qui, pour avoir de l'eau, étaient obligés de parcourir des kilomètres'', a déclaré à IPS, Souleymane Tassembedo du village de Nafbanka, à 40 km de Ouagadougou, la capitale burkinabé. A l'instar de cette bourgade d'un millier d'habitants, plusieurs villages burkinabé ont désormais accès à l'eau, grâce aux forages et aux petits barrages ''dont la retenue d'eau a permis d'améliorer les résultats agricoles'', explique Tassembedo. Pour l'approvisionnement en eau potable, le Burkina compte actuellement environ 40.000 puits et forages et 1.500 barrages et retenues d'eau qui sont notamment utilisés pour le développement de l'agriculture irriguée. Ils ont été réalisés entre 1985 et 2004, pour un financement d'environ 143,6 millions d'euros. Les trois grands barrages du pays (Kompienga, Bagré, Ziga), dont le montant total est estimé à quelque 450 millions d'euros, ont été achevés respectivement en 1985, 1993 et 2004, selon le ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques. Le Burkina enregistre actuellement un taux d'accès à l'eau de 61 pour cent de la population, soit 7,2 millions d'individus. Et la mobilisation des eaux de surface, par la construction des 1.500 petites et moyennes retenues d'eau, a permis d'atteindre un taux de couverture en eau potable de près de 90 pour cent en milieu rural, grâce aux différents programmes mis en œuvre par l'Etat, les ONG et le secteur privé. En juillet 2002, l'Union européenne (UE) a octroyé 10 millions d'euros au Burkina Faso pour des activités d'aménagements hydrologiques visant à réduire la pauvreté en milieu rural. Ce programme d'une durée de six ans, était axé sur le développement du savoir-faire local en matière de planification et d'aménagement des ressources en eau dans les parties ouest et sud-ouest du pays. Un précédent programme quinquennal, achevé en 2004 et pour lequel l'UE avait déjà offert 10,6 millions d'euros, avait permis la construction de 400 puits, de 15 petits barrages et l'informatisation des services d'aménagement des ressources hydrologiques, selon le ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques. Lancé en 2004 et d'un coût global de 15,3 millions d'euros, le Projet petits barrages (PPB), conjointement financé par l'Etat burkinabé (12 pour cent) et la Banque africaine de développement (88 pour cent), est d'un apport important dans l'accès des populations rurales à l'eau, en permettant la sécurisation de 40 barrages et de 2.150 hectares de périmètres agricoles irrigués. Les activités s'étendent sur sept régions (sur les 13 que compte le Burkina) et concerneront 19 provinces sur une superficie de 86.000 kilomètres carrés abritant quelque 60.000 exploitants sur 40 périmètres agricoles irrigués. L'objectif du gouvernement, d'ici à 2008, est d'améliorer la desserte et la couverture des besoins en eau, à raison de 20 litres/jour/habitant en milieu rural, et 50 litres/jour/habitant en milieu urbain. Les autorités veulent également passer de 17 provinces ayant un taux de desserte supérieur à 90 pour cent, en 1999, à 45 en 2010; et passer de 30.000 points d'eau modernes en 1999, à 35.000 en 2005. L'accès à l'eau dans les zones rurales vise à améliorer les conditions de vie des populations, apportant du coup un supplément au programme de santé et d'hygiène, selon les autorités. Avec des réserves en eau souterraine évaluées à 113,5 milliards de mètres cubes, mais avec seulement 9,5 milliards de mètres cubes exploitables, selon le ministère de l'Hydraulique, le Burkina dispose d'un potentiel assez important. La disponibilité théorique est de 1.750 mètres cubes d'eau par an et par habitant, plaçant le pays au-dessus du seuil de pénurie qui est de 1.000 mètres cubes/an/habitant, ajoute le ministère. ''Dans ce pays agricole à 90 pour cent, l'agriculture constitue la principale source de revenus, d'emplois pour près de 86 pour cent de la population active, et procure plus de 50 pour cent des recettes totales à l'exportation; l'eau dans les zones rurales est un levier important pour les agriculteurs'', estime Marc Singo, un technicien de l'agriculture. ''Ces programmes vont créer les conditions propices à une émancipation sociale dans notre pays car les fonds vont directement aux populations bénéficiaires dans les campagnes où l'incidence de la pauvreté est bien plus élevée'', affirme à IPS, Salif Diallo, le ministre burkinabé de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques. Mais, Adrien Zougmoré de l'ONG Entraide agissant dans l'hydraulique, indique qu'il ''reste sceptique sur la politique des petits barrages et la petite irrigation. Ils ne permettent pas une récolte à grande échelle, et la gestion des barrages est difficile pour les populations''. Selon lui, ''Il faut privilégier des actions de grande envergure et pérennes''. ''A partir du moment où la politique gouvernementale a permis d'améliorer l'accès à l'eau potable des populations rurales et de contribuer à la lutte contre la pauvreté dans près de 800 villages du Burkina, on ne peut que l'encourager, même si la répartition des petits barrages et forages est souvent inégale'', estime, pour sa part, Youssouf Traoré qui prépare un doctorat en économie agricole, à l'Université de Groningen (Pays-Bas), en partenariat avec celle de Ouagadougou, la capitale burkinabé. Au Burkina Faso, 45,3 pour cent des habitants du pays vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins d'un dollar par jour, selon le Rapport 2004 sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement. ''L'aboutissement de tous les projets permettra aux producteurs d'améliorer qualitativement et quantitativement leurs productions et leurs revenus'', selon Diallo. L'expérience burkinabé appelée ''petite irrigation villageoise'' a inspiré le Burundi et le Ghana qui ont envoyé, en 2004, des techniciens dans ce pays pour mieux l'étudier. La petite irrigation vise à contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté rurale à travers les cultures de contre-saison, que l'on pratique même pendant la saison sèche. Il s'agit, selon le ministère, de combler les poches de sécheresse en période hivernale et de pratiquer en toute quiétude les cultures de contre-saison après la période de pluies. Ce sont en particulier des légumineuses (niébé, pois de terre, igname et patate), mais également des céréales (mil, maïs, sorgho, riz et fonio). ''Avec la petite irrigation, on réussit, avant tout, la maîtrise de l'eau, et ensuite on obtient des cultures à cycle court pour combler les déficits pluviométriques. C'est donc un moyen de lutte contre la pauvreté en milieu rural'', souligne à IPS, Issa Maré, un ingénieur en hydrologie. D'autres perspectives s'offrent au milieu rural grâce à la biennale de l'eau, lancée en 2004 par le gouvernement. D'un coût global de 324,5 millions de dollars, ce programme comportant plusieurs projets, prévoit la réalisation, jusqu'en 2006, à travers tout le Burkina, de 4.000 points d'eau potable ainsi que 300 adductions d'eau potable simplifiées dans des localités secondaires. (FIN/2005)"
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