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Afrique centrale : la CEA préconise l'opérationnalisation de la politique agricole commune face aux crises qui secouent le monde



  • Les crises mondiales telles que le Covid-19 et la crise russo-ukrainienne ont révélé une désorganisation des chaînes d’approvisionnement en céréales, en engrais et autres fertilisants agricoles, à tel point que le continent africain en général et l’Afrique centrale en particulier, ont de la peine à se positionner. Pourtant, à l’horizon 2040, la région Afrique centrale va abriter environ 400 millions d’âmes, dans un continent en pleine mutation sur les plans politique, économique, social et environnemental, indiquent les sources officielles lors de la Conférence régionale sur le processus de révision de la Politique agricole commune et du Programme régional d’investissement agricole, de Sécurité alimentaire et nutritionnelle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), tenue à Yaoundé au Cameroun, du 16 au 18 janvier 2024.     

    Face à cette donne internationale, les experts sont d’avis que le fait de marcher en rangs dispersés n’a pas aidé les pays de la sous-région Afrique centrale. « Aujourd’hui, il y a lieu de repenser les modèles sur lesquels on travaille. L’Afrique ne doit pas confier au marché mondial ou à des partenaires étrangers sa façon de se nourrir. Elle doit repenser sa stratégie et tirer les leçons. Au lieu de raisonner en termes de systèmes de production, le continent doit s’inscrire dans une logique de politique agricole commune dans le contexte de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), plutôt que d’aller avec des approches partielles », confie le chef de la section des initiatives sous-régionales au Bureau de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), Dr. Adama Ekberg Coulibaly. L’économiste senior estime que les stratégies-pays ont montré leurs limites. « Il faut aller avec une stratégie commune comme l’Europe l’a fait. A travers sa politique agricole commune, elle a pu sortir d’un continent importateur de produits à un continent aujourd’hui exportateur et devenu même une superpuissance mondiale », soutient-il.

    A date, la CEA a déjà élaboré une stratégie de politique agricole commune en Afrique centrale. « La CEMAC peut montrer la voie à l’Afrique en allant par étapes, mieux par des directives. La CEMAC a des instruments, mais elle doit se mettre ensemble avec la RDC (CEMAC 1) pour devenir un turbo. A ce niveau, la CEMAC va utiliser les directives pour permettre à un pays-continent comme la RDC (8,5% de taux de croissance en 2023, ndlr) de devenir une superpuissance agricole », fait observer Dr. Adama.

    L’urgence des agropoles de nouvelle génération

    La CEA s’est également penchée sur la stratégie d’import-substitution qui a besoin d’être continuellement mise à jour, estime l’organisme Onusien. Le choix porté sur l’import-substitution n’est pas fortuit : le Cameroun par exemple importe près d’un million de tonnes de riz par an, soit un milliard de kg de riz. Cela constitue une hémorragie financière. « La stratégie d’import-substitution est une stratégie d’étape. Mais, ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin pour actionner la stratégie de politique agricole commune de la CEEAC, pour qu’on ait des résultats plus englobants. Les six pays de la CEMAC (avec une population de 66 millions d’habitants, ndlr) peuvent être des pays fondateurs pour transformer l’Afrique avec les instruments dont dispose la sous-région. Il s’agit de bâtir sur les acquis », explique l’économiste senior.

    Pour matérialiser ce projet, il est souhaitable d’adopter l’approche chaîne de valeurs agricoles, à travers la mise en place des zones économiques spéciales de type spécifique, soit les agropoles de nouvelle génération. Il est question ici de prendre en compte la spécificité du type d’agriculture pratiqué. Avec des exploitations familiales disponibles, il faut développer des zones économiques spéciales sur mesure et à la portée des moyens et des capacités des acteurs. L’option d’installer des micro-clusters devient envisageable, c’est-à-dire essayer de redimensionner le concept de zone économique spéciale pour l’adapter dans le contexte de nos terroirs. « Pour nous industrialiser, nous allons aller avec une approche de valorisation des compétences locales. C’est une approche qui nous met à l’abri de l’endettement. Les zones économiques spéciales classiques se font généralement en essayant d’aller prendre des prêts et de solliciter le concours des multinationales. Cette approche ne peut pas nous amener loin. Il faut donc repenser les approches de zone économique spéciale nouvelle génération », souligne Dr. Adama Coulibaly. 

    Aujourd’hui, l’avenir des sous-régions du continent africain passe par l’accompagnement des économies de proximité, mieux la transformation structurelle des économies de proximité. « Nous devons nous concentrer sur les économies de nos terroirs, les compétences qui y sont. C’est à partir de là que nous pouvons facilement transformer nos villages, nos communautés localement et sans endettement. Il faudrait en outre miser sur la modernisation de notre artisanat », martèle le fonctionnaire de la CEA.  

    Les habits neufs de la politique agricole de la CEEAC

    A l’occasion de la Conférence de Yaoundé tenue début janvier 2024, les nouveaux jalons de la Politique agricole commune de la CEEAC à l’horizon 2024 ont é été définis. Ladite PAC s’inscrit dans « la perspective d’une transformation des systèmes alimentaires en agissant simultanément sur toutes les dimensions de l’économie agricole et alimentaire des pays et des territoires en vue de renforcer durablement la résilience des populations et des États membres de la Communauté ». Son objectif est d’accompagner toutes les initiatives portées par l’ensemble des acteurs de la région (Etats, organisations de producteurs, secteur privé) visant une transformation structurelle des systèmes alimentaires pour renforcer la résilience des populations et garantir leur accès à une alimentation saine en tout temps et tout lieu.

    Le document de politique identifie cinq défis spécifiques : renforcer la résilience des systèmes de production, face au changement climatique et autres nuisibles des cultures, gérer de façon rationnelle les ressources naturelles de la région, faciliter les transactions commerciales des produits agropastoraux, halieutiques et forestiers, renforcer la résilience des populations vulnérables et mettre en place des institutions et approches inclusives de pilotage politique, de concertation multi-acteurs et des mécanismes efficaces et efficients de financement.

    Quatre enjeux majeurs ont été identifiés : améliorer durablement la productivité et la production pour satisfaire les besoins alimentaires croissants des populations, préserver l’environnement, la biodiversité pour atténuer et mitiger les effets de changement climatique, améliorer la compétitivité des produits en y apportant plus de valeur ajoutée et mettre en œuvre la politique commerciale commune de la région et améliorer l’accès à l’alimentation et l’état nutritionnel des populations vulnérables (femmes, enfants et déplacés).

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