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Haiti : Le momentum de la lutte contre la pauvreté



  • mardi 14 mars 2006



    Débat

    Par Pierre Richard Cajuste [1]

    Soumis à AlterPresse le 10 mars 2006

    Le diagnostic est effrayant : 65% de la population vit dans l’extrême pauvreté. Le taux de chômage avoisine les 70%. Haiti est le seul pays de la Caraïbe où le produit intérieur brut (PIB) diminue de façon constante (-2%/an) depuis vingt trois (23) années.

    Le Président René Préval va faire face à deux redoutables défis : moderniser la base de production et jeter les bases de la bonne gouvernance au niveau de l’administration publique. Il ne prêche pas dans le désert quand il parle de « lutte contre la pauvreté, la création d’un environnement sur et stable pour attirer les investisseurs et l’avènement d’un Etat de droit ». D’où l’impérieuse nécessité d’un véritable plan national de développement.

    La communauté internationale a bien compris les enjeux à venir. C’est ainsi que la résolution (1212/1998) du Conseil de Sécurité de l’ONU avait invité les organismes et institutions, particulièrement le Conseil Economique et Social, à apporter leur contribution dans l’élaboration d’un programme économique à long terme en faveur du pays. Les chefs de file de la Communauté Internationale ont compris qu’ils doivent mettre l’accent sur l’aspect socio-économique de la crise.

    Auparavant, les priorités établies pour atteindre le développement et les choix budgétaires ont, très souvent, manqué de cohérence. C’est dans ce contexte qu’a pris place le cadre de coopération intérimaire (CCI) au lendemain du renversement du président Jean-Bertrand Aristide. Il a été prorogé jusqu’en décembre 2007.

    Il serait tres important que les nouvelles autorités lancent un appel pour une réunion d’urgence avec les bailleurs de fonds afin de reviser le cadre de coopération intérimaire en fonction de cette nouvelle conjoncture, comme l’a d’ailleurs proposée le gouvernement espagnol.

    Des initiatives sont en train d’être prises par des partenaires internationaux comme par exemple une étude de la Commission Economique Pour L’amérique Latine et Les Caraibes (CEPALC) [2], définissant un plan global de développement pour Haïti. Ces initiatives, malgré leur importance, exigent une autre forme d’articulation pour une meilleure cohérence entre les priorités à définir quant à une vision du développement national. Le nouveau gouvernement pourrait rassembler toutes ces initiatives en un seul document qui serait le Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP), une des conditionalités des institutions financières internationales.

    Ce DSRP final, peut devenir un plan de développement national en incluant tous les secteurs de la société haitienne et pourrait servir aussi de vecteur pour asseoir un vrai dialogue national.

    La nouvelle administration pourrait dès le début :

    1) Adopter une politique de population sur une période de 5 ans.

    2) Créer un espace participatif intégrant toutes les couches sociales du pays, pour aboutir à l’élaboration d’un programme national de lutte contre la pauvreté.

    3) Créer une Commission Nationale pour le Développement et la Lutte contre la Pauvreté dont l’un des premiers mandats serait l’élaboration du DSRP final.

    4) Elaborer et mettre en oeuvre un programme d’action pendant une période donnée à partir de la déclaration de politique de population et de la vision stratégique dégagée.

    5) Faire en sorte que le prochain document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) soit inspiré de la déclaration de la politique de la population et du programme d’action gouvernemental.

    Le momentum est là !

    « Quand il n’y a pas d’alternatives quand tout le monde pense pareil, alors arrive le consensus ». Cette pensée du philosophe francais Bernard Henry-Lévy synthétise on ne peut plus la situation dans le pays, au lendemain de l’avènement du président élu René G. Préval.

    Une nouvelle approche semble vouloir se dessiner à l’horizon. On peut remarquer, entre autres, une baisse assez significative de l’insécurité [3] et la reconnaissance explicite ou implicite par la plupart des partis politiques de la victoire de Préval. C’est un très bon signe pour la démocratie. C’est une grande opportunité pour exposer les problèmes de la nation et trouver des pistes de solution avec la participation de tous les secteurs.

    Le futur chef de l’État endosse déjà son costume de rassembleur, il affiche une grande compréhension du sujet. (...)

    Le peuple haïtien l’a démontré lors des élections de février 2006. Il a opté pour une autre forme de politique. Il a voté contre l’instabilité chronique, la détérioration de ses conditions de vie. Il veut la paix.

    D’autre part, la communauté internationale semble manifesté son enthousiasme par rapport à ce nouvel élan et la lutte contre la pauvreté devient son nouveau cheval de bataille. Il faut en profiter.

    Le momentum est là !



    [1] Ancien delegue d’Haiti a L’ONU
    Contact : cajuste2000@yahoo.com.

    [2] réf. : LC/MEX/L.683 du 18 octobre 2005

    [3] NDLR : Plusieurs assassinats ont été cependant enregistrés durant les dernières semaines, y compris au moins 3 policiers victimes à Port-au-Prince le week-end dernier.
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