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Vers une politique d'intégration pour les récupérateurs de déchets à Bogotá et à Lima



  • L’Amérique latine connaît un phénomène d’exode rural qui fait que de nombreux citoyens se retrouvent à travailler dans le secteur informel faute d’emplois dans les villes. Parmi ces travailleurs informels on trouve les récupérateurs de déchets pour lesquels la reconnaissance de leur activité est devenu un enjeu important dans des pays comme la Colombie et le Pérou. À Bogotá et à Lima, capitales respectives de ces pays, des politiques de formalisation des récupérateurs ont été mises en place, dans le premier cas sous contrainte judiciaire ; dans le deuxième, suite à la pression d’une ONG. 

    En Colombie, Silvio Ruiz Grisales, leader de plusieurs organisations de récupérateurs, et l’Association des Récupérateurs de Bogotá (ARB) ont saisi la Cour constitutionnelle contre le District Capital de Bogotá et son Unité administrative spéciale des services publics (UAESP), le 23 décembre 2002, pour « violation de leur droit fondamental au travail lors de l’appel d’offre pour le service de collecte et transport des déchets ». L’UASEP n’ayant pas respecté la résolution de la Cour, un nouveau combat judiciaire pour les droits des récupérateurs recommence en 2011. À cette occasion, UAESP s’est vue contrainte de proposer un Plan de Gestion Intégral des Déchets pour la formalisation et régularisation des récupérateurs de déchets. L’adoption de nouvelles politiques districales a garanti une rémunération en fonction de la quantité de matières recyclables collectées et la répartition des routes de collecte sélective entre les organisations de récupérateurs ayant le statut juridique d’organisation autorisée, préalablement inscrite au registre public de l’UAESP. En 2015, cette politique locale s’étend à l’ensemble du pays. Il s’agit d’une avancée significative pour la reconnaissance du travail des récupérateurs des déchets qui non seulement sont désormais rémunérés par l’État colombien mais tirent en plus, un second revenu de la vente des déchets collectés. 

     Quant au Pérou, il existe une législation très stricte pour qu’une entreprise ait le droit de trier, vendre et commercialiser les déchets recyclables collectés. Du fait des nombreuses contraintes pour avoir le statut d’Entreprise Prestataire de Services des Déchets Solides ou bien d’Entreprise Commercialisant des Déchets Solides, les récupérateurs se voient obligés d’exercer leur activité dans l’informalité, sous peine de se faire confisquer leur tricycle ou charrette par les municipalités. Ainsi, l’ONG Ciudad Saludable, née en 2002, a décidé de soutenir la création de la Fédération Nationale des Récupérateurs du Pérou (FENAREP) en 2005 et a entamé des négociations pour la reconnaissance de l’activité des récupérateurs de déchets avec le Ministère de l’environnement. Dans ce contexte, une commission composée de ce même ministère, de l’ONG Ciudad Saludable, du Mouvement national des récupérateurs du Pérou (MNRP) et des représentants de la société civile a été chargée de la rédaction d’un projet de loi pour la formalisation des récupérateurs. La Loi du Recycleur est adoptée en octobre 2009. Afin d’inciter les autorités districales à respecter la loi, le gouvernement a proposé des subventions récompensant l’atteinte des objectifs fixés annuellement. Le récupérateur, quant à lui, doit s’inscrire au registre municipal avec une association, et non pas de façon indépendante, pour bénéficier du statut de travailleur formel et percevoir sa rémunération respective. 

     

    Cependant, le processus de formalisation s’avère lent dans les deux cas (Bogotá et Lima) puisqu’il existe encore la persistance d’une récupération informelle par manque de motivation de la part des récupérateurs et à cause d’une réglementation peut-être encore trop compliquée. Néanmoins, une chose est certaine, ces politiques d’intégration des récupérateurs de déchets informels visent à mettre fin à la marginalisation de ces individus tout en favorisant la collecte sélective des déchets recyclables non-organiques. Ainsi, la reconnaissance des récupérateurs comme des professionnels du secteur contribueraient à un changement durable et positif de la gestion des déchets urbains tout en passant par une logique de reconnaissance sociale. 

      

    Source : Mélanie Rateau et Luisa Tovar, « La formalisation des récupérateurs à Bogota et Lima : reconnaître, réguler puis intégrer ? », EchoGéo [En ligne], 47 | 2019, mis en ligne le 21 avril 2019, consulté le 17 juillet 2019.

    [MOGED]

     

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