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Le chlordécone en Martinique et en Guadeloupe: entre scandale politico-environnemental et crise sanitaire durable



  • Un pesticide cancérigène, le chlordécone, a été pulvérisé sur les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe pendant deux décennies et maintenant presque tous les résidents locaux adultes en ont des traces dans le sang. Le président français Emmanuel Macron l'a qualifié de « scandale environnemental » et a déclaré que l'Etat « doit prendre ses responsabilités ».

    L'Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit en effet le chlordécone comme « potentiellement cancérigène ». Les bananeraies des Antilles l'utilisaient pour éradiquer les espèces nuisibles à la culture des bananiers dans la région. Le chlordécone avait déjà été reconnu comme dangereux en 1972. Il a été interdit aux États-Unis en tant que kepone (autre nom sous lequel a été commercialisé ce produit) après que plusieurs centaines de travailleurs ont été contaminés dans une usine de Virginie. Leurs symptômes comprenaient des tremblements nerveux, des troubles de l'élocution, une perte de mémoire à court terme et des problèmes de fertilité.

    Cependant, en 1972, Jacques Chirac, alors ministre de l’Agriculture, qui deviendra par la suite président de la République, autorise le chlordécone comme pesticide en vue d’accroître le potentiel agricole et les exportations des Antilles françaises, au détriment de la santé des travailleurs et de l’environnement. Le chlordécone n'a cependant été interdit aux Antilles qu'en 1993. En 2009, le chlordécone a été inclus dans la Convention de Stockholm sur les polluants organiques à effet durable, et elle interdit sa production et son utilisation dans le monde entier.

    Mais le résultat est bel est bien là : de grandes étendues de sol sont contaminées, tout comme les rivières et les eaux côtières. Les autorités tentent d'empêcher le produit chimique d'entrer dans la chaîne alimentaire, mais c'est difficile, car une grande partie des produits provient de petits exploitants, souvent vendus au bord de la route. Et presque tous les citoyens de Guadeloupe et de Martinique sont contaminés. De plus, aucune méthode de décontamination viable n'a été trouvée à ce jour et cette molécule est susceptible de rester dans les sols pendant de nombreuses générations, endommageant les générations présentes et futures. Selon l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), 200 à 500 ans seraient nécessaires pour réduire la pollution.

    Depuis que la population a pris conscience des problèmes de santé liés au chlordécone, les citoyens ont commencé à demander justice et une compensation monétaire par le biais de l'activisme judiciaire, mais ils n'ont reçu aucune réponse des autorités. Cet exemple nous montre ainsi le lien entre la préservation de l’environnement et la santé : la protection de notre environnement exerce une influence directe sur la manière dont nous évoluons en tant qu’espèce dans cet environnement et sur notre santé. Les débats amorcés par l’exemple de la Guadeloupe et de la Martinique doivent, au-delà d’incriminer les acteurs responsables de cette pollution à la fois environnementale et sociale, nous pousser à trouver des solutions pour qu’un tel drame ne se reproduise plus et n’affecte plus la vie de générations de populations sur leur territoire comme pour le cas de la contamination au chlordécone.

    [MOGED]

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