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La participation comme fondement de l'autonomisation des enseignants


La liberté consiste à agir selon sa volonté et sans contrainte. Cela  ne veut nullement  pas dire que chacun en fera à sa guise, c’est-à-dire en dehors de toute loi. Jean- Jacques Rousseau établit bien cette nuance dans son ouvrage intitulé Du contrat social. En effet, Rousseau se propose de construire une société démocratique où les citoyens pourront  exercer leurs libertés. C’est ainsi qu’il construit un contrat social où chacun devra se défaire de ses égoïsmes pour se retrouver avec tous les autres dans le cadre de ce qu’il nomme « Volonté Générale ». Une trilogie se bâtit autour de cette dernière à savoir l’Etat, la loi et le peuple. L’Etat représente l’exécutif ; la loi le principe d’autorité et le peuple la source du principe d’autorité. Cela veut dire que c’est le peuple lui-même qui est le législateur autant qu’il vote les lois auxquelles il se soumet. Et, dès lors qu’on ne se soumet qu’aux lois qu’on s’est soi-même données, on reste tout à fait libre : « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », conclut-il.

Reprenant à son compte cette pensée de Rousseau, Emmanuel Kant dans ses ouvrages Fondements de la métaphysique des mœurs et Critique de la raison pratique va établir une distinction entre l’hétéronomie de la loi qui est une loi qui tire son fondement de l’extérieur et l’autonomie de la loi qui est celle qui émane de soi-même. Bien évidemment, il accorde la préférence à la loi autonome. Pour lui, la loi morale à laquelle l’homme doit se soumettre sous la forme d’un devoir, d’un « impératif catégorique » est un fruit de la bonne volonté qui est, elle, une émanation de la raison pratique et donc de soi-même. Il suffit, avant toute action, de se poser la question de savoir ce qu’il adviendrait de l’humanité si tout homme agissait comme moi.

Cette brève convocation de Jean-Jacques Rousseau et d’Emmanuel Kant nous démontre, s’il en était encore besoin, qu’enseigner en liberté et autonomiser les enseignants ne veut pas dire que chacun fera ce qu’il voudra, mais qu’il se soumettra à une loi dont il a participé à l’élaboration.

C’est le lieu de faire remarquer que le thème recommande non pas d’autonomiser l’enseignant, mais d’autonomiser les enseignants. Il s’agit de se soumettre non pas à une loi arbitraire  qu’on aurait établie en solitaire mais avec les autres enseignants. En clair, enseigner en liberté, autonomiser les enseignants signifie les faire participer à l’élaboration de la loi, à la prise des décisions.

Enseigner en liberté, autonomiser les enseignants, c’est leur permettre de participer au choix des approches pédagogiques ;

Enseigner en liberté, autonomiser les enseignants, c’est leur permettre de participer au choix du livre dès l’amont ;

Enseigner en liberté, autonomiser les enseignants, c’est leur permettre de participer à toutes les décisions qui engagent leur corps de métier et l’école.

Ne pouvant plus retourner à l’Antiquité grecque où tout le monde participait à la prise de décisions, je ne peux  faire appel qu’à la notion de représentativité. Celle-ci doit prendre en compte moins la quantité que la qualité.

La représentativité qualitative est celle qui privilégie le choix des enseignants parmi ceux qui ont l’étoffe nécessaire et surtout, une vision avérée du type d’école et d’enseignement qu’il faut promouvoir pour notre pays. Une école humaniste et non technocratique.

Naturellement, cette liberté et cette autonomie ne peuvent être possibles que si les enseignants jouissent des moyens de cette politique, si leurs conditions de travail et de vie leurs permettent de bien exercer leur noble métier. 

En guise de vade me cum, c’est-à-dire ce que l’on emporte avec soi, ce qu’il faut en retenir,   je dirais que  le présent travail part d’un constat : l’enseignant, malgré l’impression qu’il donne,  exerce son métier de façon hétéronome ; il s’installe ensuite sur un débat : comment et pourquoi l’enseignant doit travailler en toute liberté et en toute autonomie ; Il ouvre enfin sur des perspectives : les enseignants doivent, autant que possible, participer à la prise de décision en ce qui concerne l’école, et le cas échéant, y être représenté par ceux qui en ont  l’étoffe nécessaire à travers une vision qui intègre tant le bilinguisme que le multiculturalisme, socles de notre unité nationale sans laquelle  l’émergence ne serait qu’une hypostase.

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